Le capitalisme est en crise
La situation que nous subissons résulte de l’évolution « normale » d’un système économique gavé aux profits et sous-alimenté en salaires. Nous aurions donc tort de nous arrêter à son aspect bancaire, qui n’est que le symptôme d’une intoxication qui couve depuis longtemps. On parle de « crise » depuis 40 ans : nous ne sommes donc pas face à un phénomène passager de récession, auquel succèdera une expansion, mais face à une crise globale dont tous les aspects (financier, économique, social, alimentaire, environnemental, culturel, idéologique...) nous renvoient à la nature du capitalisme. Ce sont les lois fondamentales du système (la course au profit, la concurrence et le marché) qui sont au coeur du problème… et des solutions.
Chômage, austerité
Jamais une crise financière n’avait fait autant trembler. Les États doivent sauver les banques pour éviter que l’économie nationale ne s’écroule et que l’épargne de la population ne soit anéantie. 20 milliards d’euros seront prêtés sans condition par l’État belge pour consolider les organismes bancaires. La socialisation des pertes a encore une fois servi de filet de sécurité aux capitalistes. Les répercussions économiques de cette crise sur les entreprises et le monde du travail sont dramatiques à court et à long terme. Pas un jour ne s’écoule sans qu’une annonce de restructuration ou de licenciement collectif n’assombrisse le tableau des suppressions d’emplois. Aggravé par le sauvetage des banques, l’endettement de l’État devient le prétexte d’une politique d’austérité que la population paie au prix fort.
Concurrence, destruction
Les États, les Régions et les travailleurs sont mis en concurrence par les grands groupes multinationaux et les capitaux mobiles. Les États perdent de leur influence et de leur capacité à réguler. L’Europe ne prend pas le relais, au contraire, elle accompagne le capitalisme dans
sa version la plus dure. Les législations sociales, fiscales et environnementales des États sont mises en concurrence. Le champ de la libéralisation s’étend à tous les domaines, mettant en danger, ici, la notion même de services publics et contaminant notre bien commun : l’énergie, la Poste… Et dans le Sud le pillage, la soumission aux diktats des institutions internationales ultralibérales s’amplifient au détriment des peuples, de leur environnement, de la planète. Et des droits démocratiques qui reculent face au marché. Les inégalités s’accroissent comme jamais.
1. Refuser le chômage massif
Août 2013 : 611.000 demandeurs d’emploi en Belgique. Le chômage de masse devient une donnée permanente de nos sociétés et une menace constante pour les travailleurs qui ont un emploi. Le maintien d’un certain taux de chômage affaiblit leur pouvoir de négociation puisqu’une « armée de réserve » est prête à prendre leur place. Les femmes, qui ont fait leur entrée plus tard sur le marché du travail, servent davantage que les hommes de « variables d’ajustement » et subissent le chômage de plein fouet.
Pour l’emploi :
• rétablissement des CDI (Contrat à durée indéterminée) à temps plein comme forme de contrat prépondérante
• réduction collective du temps de travail à 32h, sans perte de salaire, avec embauche compensatoire et baisse des cadences.
• transformation des contractuels en statutaires dans la fonction publique, • interdiction les licenciements collectifs sans plan de reconversion, d’abord dans les entreprises qui font des profits.
• Refondre toutes les primes et incitants pour les employeurs, les mesures de contrôle des chômeurs, en un vrai plan de formation et de reconversion sous le contrôle des travailleurs.
• Réduire le recours au temps partiel imposé qui pénalise surtout les femmes. En Belgique, on travaille en moyenne 31h/semaine
La durée effective du travail n’a jamais été aussi basse puisqu’elle atteint en moyenne 31 heures/semaine par travailleur. Cela s’explique par une répartition très inégale du temps de travail disponible. Le poids du travail à temps partiel dans le calcul est considérable puisqu’il représente plus d’un quart de l’emploi global !
Le temps de travail effectivement presté a légèrement continué à diminuer ces dix dernières années, mais uniquement de manière individuelle par le biais d’un temps partiel imposé, ce qui se démarque d’une RCTT dont l’ensemble des travailleurs peut bénéficier.
Le temps partiel volontaire concerne une minorité de travailleurs et de travailleuses dont le choix individuel est financé par la collectivité (702 millions € en 2008 pour les crédit-temps, iterruptions de carrière et prépensions à mi-temps). On constate par ailleurs que le nombre
d’heures supplémentaires prestées et le chômage sont tous deux en hausse. Ces heures, que le patronat veut de plus en plus défiscaliser, aboutissent à un non-sens : les uns subissent une surcharge de travail pendant que les autres atteignent le seuil de pauvreté et sont obligés de prouver qu’ils cherchent un emploi (introuvable), sous la menace permanente d’une sanction de l’ONEm.
Travailler moins, travailler tous (et vivre mieux)
Il s’agit d’une revendication historique du mouvement ouvrier et un résultat tangible de ses luttes. Entre 1953 et 1973, le temps de travail a diminué de plus de 20%. Ce mouvement de réduction générale a été freiné durant les années ‘80. Au cours du quart de siècle suivant, la diminution a été largement inférieure à 10%. La dernière réduction collective traduite en loi était le passage de 40 heures/semaine à 38 heures en 2003.
Travailler moins et répartir le travail disponible sur tous, cela permet :
• d’obtenir un meilleur contrat pour tous donc de réduire la précarité ;
• un meilleur rapport de force, puisque plus nombreux dans le même statut ;
• de réduire les heures supplémentaires
• plus de temps pour se consacrer à d’autres activités. Ca veut dire plus de bien-être pour tous et toutes
• de réduire les déplacements coûteux, fatigants et polluants
2. Redistribuer les richesses
Beaucoup de temps partiels ou de très bas salaires, gagnent moins que ce que l’Etat lui-même définit comme le seuil de pauvreté ! C’est pareil pour bon nombre de chômeurs, depensionnés,… En 2008, la Belgique comptait 1,5 million de pauvres, soit près de 15% de sa population disposant de maximum 878 € par mois (1.844 €/mois pour un ménage de 2 adultes et 2 enfants). Sans sécurité sociale, ce serait potentiellement 45% de pauvres !
Nos pays restent pourtant des pays riches : en 2011, après 3 années de « crise », le PIB de la Belgique (c’est-à-dire le total des valeurs monétaires créées dans l’année) s’est élevé à 355 milliards €. Ca veut dire quoi, ça ? Ca veut dire que si ces richesses étaient réparties entièrement entre les 10.951.000 personnes vivant en Belgique, le revenu annuel disponible pour chacun-e, s’élèverait à 32.417€ par personne et par an, ou 2.700€ par mois. Soit, à titre d’exemple, 3.500€/mois pour une famille de 3 enfants…
Pour un revenu décent pour tous pour vivre dignement
• Reprendre aux patrons, par la hausse des salaires et une fiscalité redistributrice, les points de valeur ajoutée confisqués aux salariés depuis le début des années 1980.
• Stopper les manipulations et remises en cause de la liaison des salaires et allocations à l’Index • Abrogation des lois et arrêtés organisant le gel des salaires (loi de 1996 sur la modération salariale et arrêté royal du 28 avril 2013 fixant la marge salariale maximale à 0%)
• Une diminution de la rente du capital et un transfert de moyens vers l’augmentation des salaires et le financement de la réduction collective du temps de travail.
• L’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Les chiffres montrent que nous avons largement les moyens économiques et techniques d’organiser une société de prospérité et de sécurité bien partagées.
Maintenir l’amélioration des revenus au rang de priorité ne signifie pas que nous revendiquions le droit d’acheter et de consommer aveuglément, car la crise écologique remet en cause le mode de production capitaliste et le mode de consommation qui va avec. Notre revendication d’un revenu décent est liée au droit à un salaire et un revenu de remplacement qui permette de vivre dignement : logement correct, nourriture saine, scolarité, moyens de déplacements, vacances, loisirs…
Des écarts considérables de salaires au sein des entreprises Carlos Brito (le CEO d’AB Inbev) a perçu en 2010 un salaire de 7,69 millions €, ce qui représente 418 fois le SMIG ! Les élites économiques et financières s’attribuent des salaires exorbitants : bonus, stock options et autres avantages extra-légaux. C’est indécent. On observe des différences salariales qui peuvent atteindre des rapports de 1 à 300 entre le plus bas et le plus haut salaire au sein d’une même entreprise. La manipulation de l’Index occasionnera des pertes pour les travailleurs et les allocataires sociaux de 80 à 90 €/an pour un salaire moyen.
Le pouvoir d’achat des travailleurs ne se réduit pas au salaire net mais comprend aussi un salaire différé qui finance l’accès à une sécurité sociale efficace. La part de richesses redistribuée en faveur des revenus du travail doit donc se formuler en termes de salaires bruts. Cela dans une défense du salaire global, comprenant le salaire différé au travers des cotisations sociales. Cette socialisation des moyens atténue considérablement les inégalités sociales.
3. Pour de vrais services publics
La FEB estime qu’il y a 30.000 fonctionnaires en trop. Or, chaque jour nous constatons les manques en matière de soins de santé, de logements sociaux, de crèches, d’enseignement, de justice, de sécurité, d’accès à l’énergie, de transports en commun, d’inspecteurs des lois du travail, de contrôleurs fiscaux, etc. Nous voulons tous plus de services publics. Mais comment faire plus avec moins d’emplois publics ?
Nous voulons réaffirmer la valeur économique des services publics (et non-marchands). D’une part pour l’utilité produite par ces services ; d’autre part pour l’économie globalement, en limitant la sphère d’activités soumise au capital.
Les services publics, financés par l’impôt, sont la preuve qu’une économie qui n’est pas centrée sur l’accumulation de richesses et l’appropriation privée des ressources collectives, est non seulement possible mais représente une voie d’avenir. Les services publics détournent une partie de la richesse produite des circuits de la finance afin de la mettre au service du plus grand nombre.
Pour un vrai secteur public :
• Reconstituer des services publics dignes de ce nom : Gratuité de l’enseignement, des soins de santé et de l’accueil de la petite enfance ; gratuité de l’eau, de l’électricité, de la mobilité pour la satisfaction des besoins de base, socialement déterminés (prix progressifs au-delà, jusqu’à un plafond de consommation).
• Respecter les 4 principes fondateurs qui caractérisent les services publics : l’égalité, la pérennité, l’adaptation, la statutarisation des agents.
• Elargir le périmètre des services publics, re-nationaliser les secteurs qui ont été libéralisés ou privatisés comme l’énergie, les transports, la Poste, la téléphonie, sous contrôle des travailleurs et des usagers…
• Redresser la situation et refinancer massivement le secteur public par une réforme fiscale d’ampleur ; Une des missions principales des Services Publics consiste à garantir une série de droits fondamentaux aux citoyens : l’accès à l’eau, à l’énergie, à l’enseignement, au logement, à l’instruction, au travail, à la culture, à la santé, aux communications, à la sécurité sociale, aux transports…
Ces droits sont irréductibles et inaliénables. Dès lors, l’accès à ces droits nécessite des moyens humains et matériels à la hauteur de la tâche. Le modèle de société que nous voulons impose des services publics socialement efficaces, conçus pour satisfaire les besoins sociaux démocratiquement déterminés et placés sous le contrôle des travailleurs et de la population. Le sous-financement structurel des services publics, organisé par les gouvernements successifs, malgré la participation socialiste, a conduit inexorablement, par la réduction des moyens, à des problématiques telles que la diminution de la qualité du service rendu et de la sécurité des travailleurs et des bénéficiaires.
Les services rendus à la population sont un facteur essentiel de la redistribution des richesses et d’amélioration de la qualité de vie mais aujourd’hui on constate que le politique, sans exception, ne conçoit plus les services publics comme projet d’une société plus égalitaire. C’est pourtant un combat fondamental pour l’organisation syndicale et pour les travailleurs qu’elle représente. Face à ceux-ci, les chantres du libéralisme à tout crin prétendent que le détricotage et la privatisation des Services Publics permettra un meilleur service à la population. C’est un mensonge grossier : leur seul objectif est d’offrir de nouveaux champs d’action au capital en quête de profit.
4. Pas touche à la sécu
Avec les Services Publics et le droit au travail, la Sécurité Sociale est un pilier de la redistribution des richesses. A elle seule, elle soustrait près d’un quart des richesses produites des circuits capitalistes. Elle agit en amont de la lutte contre la pauvreté et se construit sur la solidarité
interprofessionnelle fédérale. Sans la sécurité Sociale, un belge sur trois serait pauvre. Elle constitue donc un enjeu de société essentiel et son financement ne peut reposer exclusivement sur les revenus du travail. Même si le lien entre les salaires et la Sécurité Sociale doit rester prédominant. Les allocations sociales sont trop basses que pour vivre dignement.
La Sécurité Sociale est la propriété des travailleurs et des travailleuses :
• Elle doit être gérée sous leur contrôle
• Elle doit rester un système national de solidarité. Nous nous opposons à toute forme de communautarisation.
• La responsabilité de l’Etat doit être rétablie pour en garantir le financement, et son équilibre budgétaire.
• Suppression des cadeaux aux employeurs faussement appelés « baisse des charges sociales » (qui sont en fait les salaires indirects des travailleurs)
• Nous voulons aussi faire progresser un système européen de sécurité sociale.
• Rétablir les acquis sociaux (individualisation des droits à la sécu).
• Stop à l’activation des sans-emploi et à la dégressivité des allocations.
• Liaison des allocations au bien-être. Le financement du système est double :
• Il repose sur le salaire différé des travailleurs sous forme de cotisations (cotisations dites patronales et cotisations des travailleurs), perçues sur les rémunérations par un organisme unique (l’ONSS) à destination des différentes branches de l’assurance.
• Il repose aussi sur des subventions de l’État destinées à couvrir l’influence de facteurs exogènes qui augmenteraient le nombre de bénéficiaires et donc les dépenses (évolution démographique, amélioration de l’espérance de vie, conjoncture économique).
Le premier objectif de la sécurité sociale est d’assurer au travailleur qui perd son salaire suite au licenciement, à l’accident, à la maladie ou au départ à la retraite, un revenu proche de celui qu’il a perdu. L’adaptation des allocations sociales à l’évolution des salaires, hors index, correspond à ce que l’on appelle le bien-être. La FGTB réclame, depuis plusieurs années, la liaison automatique et structurelle des allocations au bien-être : de toutes les allocations, mais également
des plafonds des salaires qui servent de base à leur calcul. Aujourd’hui, la Sécurité Sociale est financée à près de 70 % par les cotisations sociales.
Si les travailleurs se voient prélever 13,07 % de leur salaire brut, les réductions successives de cotisations sociales accordées aux employeurs ont réduit la part qu’ils versent (produit du travail fourni par les travailleurs aussi) à 27 % au lieu des 32 % initiaux. La diminution des « charges sociales » des entreprises est passée de 756 millions € en 1994, 1,325 milliards € en 1996, 6,3 milliards d’euros en 2008, 9,254 milliards € en 2010… Ce sont des milliards de salaires indirects qui sont passés de la poche (collective) des travailleurs dans celle des actionnaires/spéculateurs. Et la Sécu, contrainte à l’équilibre budgétaire, a du limiter ses dépenses.
5. Pour une fiscalité juste
Certes l’impôt est injuste tel qu’il est appliqué actuellement, mais il est nécessaire. Il est un élément fondamental d’une redistribution de la richesse et à travers les recettes fiscales, il permet le financement des services publics et des services aux citoyens.
Aujourd’hui, la redistribution fonctionne à l’envers : les cadeaux fiscaux vont aux plus fortunés, et ce sont les travailleurs et les allocataires sociaux qui paient au tournant, quand les services dont ils ont besoin ne sont plus financés.
Les différentes réformes fiscales libérales ont fait en sorte que les plus hauts revenus et les randes entreprises contribuent de moins en moins. Cerise sur le gâteau : la fraude fiscale coûte 30 milliards d’euros par an et la Belgique demeure un paradis fiscal pour les rentiers qui viennent y trouver « refuge ». Cet état de fait réduit la marge de manoeuvre des pouvoirs et services publics qui doivent fonctionner avec des budgets étriqués. La perception de l’impôt doit donc être revue et corrigée pour que chacun contribue selon ses moyens et que les revenus du capital n’échappent pas à la règle.
Faire payer les riches
• Lever le secret bancaire : c’est la clé de voûte d’une taxation juste des revenus du capital.
• Revenir sur les avantages consentis aux plus riches et taxer fortement les hauts revenus, les profits des sociétés et les patrimoines des riches ;
• Supprimer : intérêts notionnels, précompte libératoire, etc.
• Instaurer : cadastre des patrimoines, impôt exceptionnel sur les patrimoines, taxation des plus-values boursières,…
• Harmoniser la fiscalité au niveau européen, notamment en ce qui concerne l’impôt des sociétés (ISOC).
• Se doter des moyens techniques, humains et financiers pour lutter efficacement contre la fraude fiscale.
• Globaliser les revenus professionnels, mobiliers et immobiliers pour calculer l’impôt. • Relever de 10 % les plafonds sur base desquels on calcule le taux d’imposition pour les 4 premières tranches de revenu.
• Instaurer des tranches d’imposition à 55 % et 65 % sur les revenus imposables respectivement de 8000 et 14000 euros par mois.
• Supprimer les avantages fiscaux pour les 2ème et 3ème piliers de pension.
Sans intervention de l’état, donc sans impôts, voici ce que coûteraient certains services : Service Avec Impôt Sans impôt Un trajet de bus 1,30 € 10 € Une année en maternelle * 0 € 2500 € Une année à l’Université 739 € 7839 € * Hors coûts connexes : sorties, matériel, etc. On peut considérer que sur 92 milliards € de recettes fiscales, un minimum de 65 milliards € (IPP, TVA et accises) pèse directement sur les ménages (travailleurs et non actifs), soit plus de 70%.. L’impôt sur les revenus du capital (investi ou placé) totalise quant à lui 15 milliards € (impôt des sociétés et précompte mobilier), soit 16%, le monde patronal se plaint d’une fiscalité estimée trop élevée sur les sociétés, la réalité est toute autre. Le taux d’imposition reel se situant autour de 20 % seulement ! C’est-à-dire 5 % en dessous de la moyenne des taux d’imposition des sociétés en Europe (soit 25 %). Les revenus financiers sont aujourd’hui trop faiblement taxés.
Suivant leur nature, ils sont soumis au précompte mobilier à 15% ou à 25%. Ce précompte est libératoire et donc les revenus financiers ne sont pas comptabilisés dans le revenu annuel imposable. L’équité suppose qu’ils soient globalisés avec les autres revenus. La Belgique demeure un des seuls États qui ne font payer aucune taxe sur les plus-values des actions.
Imposer la fortune ? Cela exige la création d’un cadastre des fortunes qui n’existe pas. Si 2% étaient prélevés sur la fortune des 25 familles les plus riches de Belgique, qui pèsent 24 milliards €, cela rapporterait 477 millions €.
6. Désarmer la finance
Le cataclysme boursier qui a éclaté en 2008 a mis en exergue les désastres de la dérégulation et la nécessité de réinstaurer un contrôle strict de l’activité financière. Pourtant, malgré la gravité de la crise, aucune régulation sérieuse n’a été mise en place et la spéculation, qui nourrit le capitalisme, a repris son cours habituel (et tous ses excès) comme s’il ne s’était rien passé.
La spéculation financière ne peut continuer à s’exercer impunément au détriment des populations, de l’économie et de la planète.
• Interdiction des fonds spéculatifs et de la titrisation des créances, • Instauration d’un contrôle du mouvement des capitaux accompagné d’une taxation des transactions financières (TTF, Attac).
• Interdire définitivement (et pas seulement pour six mois) les ventes à découvert, qui permettent la spéculation sur titres.
• Suppression des paradis fiscaux. • Mettre fin à l’indépendance de la BCE et permettre le financement monétaire du déficit public (achat par la BCE des titres de la dette publique lors de leur émission). (voir points 7 et 8)
Interdire les paradis fiscaux et les zones franches.
Les paradis fiscaux, dont la Belgique fait partie, sont les trous noirs de la finance internationale. Sans avancée concrète sur cet aspect, les financiers du monde entier ont encore de beaux jours devant eux...
Selon les estimations, les paradis fiscaux abriteraient de 20.000 à 30.000 milliards $. Rappelons que, dans ces espaces illégaux, sont domiciliés 400 banques (dont les banques belges Dexia–15 filiales, Fortis–189 et KBC, grandes bénéficiaires du plan de sauvetage public), 2 millions de
sociétés écrans et plus de 200 fonds spéculatifs.
Casser le pouvoir de la finance
Il existe une fiction dangereuse qui consiste à dire que le monde est désormais « gouverné par les marchés » ; ce qui permet de déclasser syndicats et gouvernements. Les « marchés » ne gouvernent rien du tout : ils sont un instrument qui permet aux détenteurs de capitaux d’exercer un pouvoir illimité et de détruire notre démocratie.
Qu’est-ce que le crédit ? un engagement sur l’avenir. Pourquoi et de quel droit notre avenir à tous et toutes serait-il tracé par une infime minorité de financiers, en fonction de leur intérêt ? Le crédit doit être retiré des mains du privé et devenir un service public. Ce n’est pas seulement une revendication sociale et économique mais aussi une revendication démocratique élémentaire.
• Pour mettre toutes les institutions financières sous le strict contrôle de la société : constitution d’un grand pôle bancaire public par socialisation des banques, sans indemnité ni rachat (sauf petits actionnaires).
• Interdire la spéculation aux banques de dépôts
• Mettre sous contrôle public les agences de notation Le capitalisme est inhumain et ne s’autorégule pas. Le 15 octobre 2009, soit à peine 12 mois après avoir précipité l’économie dans le gouffre, détruisant des millions d’emplois dans le monde, les grandes banques nord-américaines distribuent 140 milliards $ à leurs traders. Un record ! Le capitalisme n’a pas de mémoire et encore moins de morale.
7. Dette publique : on ne paie pas
La Belgique, nous dit-on, doit honorer le remboursement de sa dette publique. Nous devons faire aujourd’hui les sacrifices (« douloureux certes ») qui nous promettent des jours meilleurs… toujours reportés aux calendes grecques. La Grèce justement qui n’arrête pas d’enfoncer son peuple dans la misère pour courir après les plans « d’aide » de l’UE et rembourser, rembourser, rembourser… Rembourser quoi, à qui ? Rembourser les sommes prêtées par les banques allemandes et françaises… dont une bonne partie a servi à acheter des armes aux marchands de canon allemands et français. Aucun doute, l’austérité et les plans « d’aide » successifs sont d’une efficacité redoutable : la dette est plus importante en 2013 qu’en 2009, elle atteint aujourd’hui 321 milliards d’euros soit 180% du PIB. Une augmentation de 16 milliards en comparaison avec 2012.
Leur dette n’est pas la nôtre !
• Pas question de donner de l’argent public au remboursement de dettes illégitimes ou odieuses.
• Moratoire sur la dette existante. La soumettre à un audit public, citoyen. • Annulation de la dette, à commencer par la partie illégitime de celle-ci.
Il est faux de dire que, depuis des décennies, les Belges vivent « au-dessus de leurs moyens » et que la dette provient d’un excès de dépenses publiques. (On a déjà entendu cela à propos des grecs, des portugais,…) Pour prouver le contraire, il suffit de montrer la façon dont les dépenses publiques belges ont évolué par rapport au PIB (ensemble des richesses produites par le pays). Il apparaît qu’elles sont restées stables, en moyenne à 43% du PIB, sur la période 1980-2010.
L’analyse des chiffres montre l’absence de lien entre l’évolution des dépenses publiques et celle de la dette publique. Les périodes de hausse importante de la dette ne correspondent pas à des périodes dites de « largesses » des pouvoirs publics.
Les sauvetages des banques de 2008 et de 2011 Aujourd’hui, on ne parle quasiment que du problème du déficit et des dettes publiques. Pourtant, si la dette publique a augmenté, c’est surtout à cause du sauvetage des banques privées. On a donc socialisé massivement des dettes privées.
Ce sauvetage a provoqué une augmentation de la dette publique de 32,5 milliards €. Il ne faut cependant pas oublier les possibles nouvelles recapitalisations et les garanties publiques octroyées aux banques belges qui constituent une menace très grave pour les finances publiques.
Interview de François Chesnais [Les dettes illégitimes Editions Raisons d’Agir, mai 2011]
Comment définir la situation des classes populaires en Europe par rapport à la question de la dette ?
“Dans mon livre je parle de la « double peine » que les bourgeoisies et les gouvernements sont en train de leur infliger. Fin 2008 et toute l’année 2009, les salarié·e·s ont subi de plein fouet les effets de la crise mondiale sous la forme de fermetures d’usines, licenciements, réduction d’horaires et de gel salarial. Puis à partir de la première phase de la crise de la dette grecque en mai 2010 et l’entrée en scène des agences de notations comme porte- parole des exigences des banques et des investisseurs financiers, les gouvernements européens ont entrepris d’attaquer les classes populaires tous azimuts au nom de « l’obligation de payer la dette ».
Ce que le gouvernement Papandréou a accepté d’imposer aux citoyens grecs dans le cadre du nouveau « plan de sauvetage » mis au point par la troïka – UE, BCE et FMI – donne froid dans le dos. Hausse de deux points de la TVA de 19% à 21%, augmentation des taxes sur l’alcool, le tabac et les carburants (0,08 euro sur l’essence et 0,03 euros sur le gazole). Création d’un « droit d’accès » au réseau électrique. Réductions de salaires et de retraites dans la fonction publique à hauteur de 1,7 milliard d’euros, soit 0,7% du PIB. Gel de toutes les retraites publiques et privées. Amputation du programme d’investissement public. Mesures pour faciliter les licenciements. Vague de privatisation d’une ampleur sans précédent : les ports, les aéroports, les chemins de fer, le service de l’eau, les télécoms et la Banque postale, etc. Au Portugal, les mesures acceptées par les deux partis « majoritaires » sont du même acabit.
8. Pour une autre Europe
L’Europe pèse lourd… On continue souvent à nous parler de l’Europe comme d’un « projet » en construction. Pourtant, elle est désormais une réalité fortement structurée. De Traité en Traité, c’est toujours la construction d’un marché de libre concurrence qui a servi de guide à l’Union européenne. Cette dernière a bétonné au niveau supranational toutes les dispositions (obligatoires) visant à instaurer un cadre législatif de libre-compétition absolue, tandis que d’autres domaines (comme les directives sociales) reposaient davantage sur la bonne volonté des États membres. Pour cadenasser le tout, le MES (Mécanisme européen de Stabilité – octobre 2012) et le TSCG (Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance économique européenne). Ce Traité, encore à ratifier par la Belgique, institutionnalise les politiques d’austérité mais aussi le contrôle préalable des budgets publics par la Commission européenne. Avec ce Traité, les budgets nationaux seront déterminés et contrôlés par la Commission européenne et la Cour de justice européenne. Celles-ci pourront infliger de manière quasi automatique des sanctions allant jusqu’à 0,1% du PIB du pays (350 millions d’euros pour la Belgique).
Une autre Europe
• Désobéissance face aux diktats de l’Union Européenne
• Solidarité avec les peuples de Grèce, d’Espagne, du Portugal en lutte contre ces diktats
• Abolition des traités.
• Election d’une assemblée constituante pour fonder une autre Europe – démocratique, sociale, solidaire, ouverte, écologique.
• Action syndicale européenne plutôt que lobbying
L’Europe est une machine de guerre « libérale »
L’Europe veut être l’économie la plus compétitive du monde. Elle ne reconnaît pas la spécificité des services publics et non marchands, promeut la privatisation des services publics et de la sécurité sociale, la modération salariale, la concurrence entre travailleurs et systèmes de protection sociale européens. Elle promeut l’activation des chômeurs, le relèvement de l’âge de départ en pension ; elle veut relever son taux d’emplois à tout prix. Mais quels emplois ? 12,6 millions d’emplois créés en Europe (des 15) entre 1991 et 2004, mais la moitié sont temporaires et plus de 11 millions sont à temps partiel !
Entre 60 et 70 % des changements législatifs dans les parlements nationaux seraient la transcription de directives européennes. L’Europe pèse particulièrement lourd pour les travailleurs : la liberté du capital est totale, l’harmonisation fiscale nulle part ; les décisions en faveur du commerce se prennent à la majorité simple, celles en faveur du travail requièrent l’unanimité …
En outre, les Gouvernements européens, largement acquis à la cause libérale, ont cédé un pouvoir considérable à des institutions internationales financières comme la Banque mondiale, l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le Fonds monétaire international (FMI), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)…
Les rapports de ces organisations orientent les politiques au niveau mondial et influencent les conditions de vie de centaines de millions de travailleuses et travailleurs. Ces orientations économiques, rarement remises en question, ne sont rien d’autre que des options politiques.
Plus de privatisations, plus de concurrence, plus de flexibilité, moins de protection sociale, moins d’État… sont des évolutions qui n’ont rien à voir avec un quelconque ordre naturel des choses.
La CES doit devenir un vrai syndicat, rien ne sert de s’ajouter aux 10.000 lobbyistes qui s’agitent à Bruxelles ! Les « euromanifestations » bidon à l’occasion de sommets européens (version Européenne des Nord-Midi) ne font peur à personne.
Elle doit se doter d’un vrai programme de mobilisation :
• Adopter un salaire minimum européen, en basé sur un salaire minimum garanti à 60% du PIB par habitant, mais également des minima en termes de prestations sociales pour servir de socle à une convergence vers le haut.
• Adopter un règlement européen visant à interdire des licenciements dans les entreprises qui reçoivent des subventions publiques ou réalisent des bénéfices. La CES regroupe 85 organisations membres issues de 36 pays européens ainsi que 10 fédérations syndicales, représentant plus de 60 millions de membres. C’est une force très mal employée !
9. Pour notre terre
Le bouleversement du climat fait peser une menace terrible et irréversible sur les conditions d’existence de centaines de millions d’hommes et de femmes. L’accumulation capitaliste et la course au profit sont les causes principales de la crise écologique qui frappe surtout les plus pauvres et accroît les inégalités. Les mécanismes de marché ne résolvent rien : vingt ans après la signature de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques, la hausse annuelle des émissions de gaz à effet de serre a plus que doublé. Le commerce des droits d’émission ne fait qu’offrir un nouveau terrain de jeu aux spéculateurs. Les certificats verts et autres incitants favorisent les ménages aisés et les entreprises au détriment de la collectivité. Les multinationales du charbon, du pétrole et du gaz sabotent la transition. Le nucléaire n’est pas une alternative (Fukushima). Le capitalisme vert n’existe pas plus que le capitalisme social. Ce système basé sur la double exploitation du travail et de la nature ne doit pas être « relancé » mais combattu
Produire moins, vivre mieux. Travailler moins, travailler tous.
• Suppression des productions inutiles et nuisibles, avec reconversion des travailleurs et maintien de leurs acquis, sous contrôle ouvrier
• Droit à l’énergie, bien commun de l’humanité. Création d’un service public de l’énergie.
• Création d’une entreprise publique d’isolation et de rénovation des logements, sous le contrôle des habitants
• Transports en commun gratuits, fréquents, de qualité
• Nationalisation sans indemnité (sauf petits actionnaires) ni rachat des trusts énergétiques.
• Sortie du nucléaire et démantèlement des centrales.
• Plan public européen de création massive d’emplois par la transition dans la justice sociale et l’efficacité environnementale vers un système énergétique efficient, 100% renouvelable et décentralisé, géré démocratiquement par les collectivités locales.
10. Un monde solidaire
Le déséquilibre entre le Nord et le Sud est le résultat d’un « libre échange » dogmatique, typique du capitalisme mondialisé et de 20 ans d’application de plans d’ajustement structurels. Ces plans imposent des politiques économiques et sociales décidées par les institutions financières internationales (Banque mondiale et Fonds monétaire international) en contrepartie desquelles elles octroient de nouveaux prêts aux pays en développement ou de l’échelonnement du remboursement d’anciens prêts.
Ces plans d’ajustement ont porté gravement atteinte à la capacité de développement des pays concernés avec la complicité des gouvernements des pays riches en :
• interdisant aux États de subventionner leurs produits et services de première nécessité (pain, riz, sucre, essence, électricité…) ;
• imposant une réduction drastique des budgets sociaux (éducation, santé, logement…) ;
• dévaluant la monnaie locale et en fixant des taux d’intérêts élevés pour le remboursement de prêts consentis.
Debout les damnés de la terre…
• Annuler la dette des pays du tiers-monde.
• Supprimer les droits de brevets sur les produits pharmaceutiques et les technologies vertes
• Les pays du Nord doivent financer sans conditions l’adaptation des pays du Sud aux changements climatiques, sans prélever ces montants dans l’aide au développement
Sur 103 pays soumis à un plan d’ajustement structurel, 89 ont connu une chute de leur croissance par habitant, sans compter les coupes claires dans les secteurs de la santé et de l’éducation. Plus d’un milliard de travailleurs ont un salaire journalier inférieur à 2 $. La crise alimentaire, elle aussi résultante d’un capitalisme de marché mondialisé, ne fait qu’aggraver la situation.
Les pays du Nord ont également une dette écologique envers le Sud. Nos modes de production et de consommation ont détérioré la planète et entraîné un réchauffement climatique qui affecte en premier lieu les pays qui, pourtant, émettent le moins de gaz à effet de serre.
Ces changements climatiques, qui assèchent le Sud, diminuent les cultures ne laissant d’autres choix aux populations que la migration vers le Nord. On parle désormais de réfugiés climatiques. Ils font partie de ces « illégaux », ces travailleurs sans papiers qui, forcés de quitter leur pays (famine, pauvreté, guerre et absence de perspective de changement), subissent de surcroît le racisme, d’autres précarités engendrées par les politiques sécuritaires et utilitaristes des gouvernements du Nord.
Là aussi, il faut renverser la vapeur !
L’annulation de la dette des pays en voie de développement est une mesure fondamentale à adopter contre les inégalités et la pauvreté. Cette dette a, par ailleurs, souvent été payée plusieurs fois mais ce sont les taux d’intérêts élevés qui maintiennent ces pays la tête sous l’eau, financièrement. Les pays pauvres doivent mettre fin aux politiques de déréglementation, de privatisation et de libéralisation.
En recouvrant leur souveraineté nationale, ils retrouveront une marge d’action afin de mener les politiques adéquates pour faire progresser leur condition sociale, économique et environnementale.
C’est aussi par ce biais que nous ferons baisser le risque de délocalisation des entreprises vers les pays du Sud.
Conclusion : un combat qui commence
Ce programme anticapitaliste d’urgence n’est pas à prendre ou à laisser. Nous allons l’enrichir ensemble dans la démocratie qui bourgeonnera dans nos combats.
Néanmoins nous nous refusons à en faire un catalogue de bonnes intentions dans lequel chacun pourrait venir puiser des éléments à sa guise. Ce programme et ses articulations doivent être compris comme une dynamique qui tend vers un changement radical des rouages de la société parce que nous avons compris que « ce système ne peut être réformé, il doit disparaître ».
« Il est illusoire de penser qu’on peut réformer le capitalisme pour qu’il devienne un "bon" capitalisme de relance. Il faut donc être clair : il faut une stratégie pour sortir du capitalisme et le remplacer par un autre système qui satisfait les besoins de la population et préserve notre
planète » disait notre déclaration commune de l’assemblée du 27 avril 2013 à la Géode.
Ce n’est qu’un début !
Pour plus d’infos :
FGTB Charleroi-Sud Hainaut Boulevard Devreux 36-38, deuxième étage
6000 Charleroi