Édition du 12 novembre 2024

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Résistances

Bilan de la consultation sur le projet d’uranium Matoush

Deux « bloody days » (maudites journées), voilà comment le président de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN), Michael Binder, a décrit mercredi soir, dans un élan d’impatience et de frustration, les deux jours d’audiences passées dans la communauté crie de Misstissini concernant le projet minier d’uranium de la compagnie Strateco. « C’est une expression complètement inappropriée pour une commission d’évaluation censée être impartiale et indépendante. L’expression résume tout de même très bien l’état d’esprit dans lequel se trouvaient le président de la commission et la compagnie Strateco face à l’opposition massive de la population et des représentants élus de Mistissini concernant le projet d’uranium Matoush, qui pourrait ouvrir la voie aux mines d’uranium au Québec » affirme Ugo Lapointe de Québec meilleure mine !

Les Cris joignent leurs voix à une demande de moratoire sur l’uranium au Québec

C’est devant une salle comble de près de 300 personnes que le chef de la communauté crie de Mistissini, Richard Shecapio, a annoncé, mardi soir dernier, la position finale de sa communauté face au projet de Strateco en demandant l’arrêt du projet et en demandant un moratoire sur les projets miniers d’uranium sur le territoire (5 juin).

Les risques et les impacts anticipés des mines d’uranium sur l’environnement, la population et les pratiques traditionnels de la communauté sont au cœur de la décision du Chef Shecapio. Le Grand Conseil des Cris du Québec, le gouvernement régional qui regroupe les neuf communautés cris de la Baie-James, a immédiatement appuyé la position de Mistissini (5 juin). « Ce faisant, les Cris joignent leur voix à la coalition Québec meilleure mine ! et à des centaines d’autres organismes du Québec, dont plus de 300 municipalités à ce jour, qui demandent un moratoire sur les mines d’uranium au Québec » expliquent Christian Simard de Nature Québec.

Un long et rigoureux processus de décision

Bien que les Cris s’étaient déjà prononcés contre le projet Strateco en novembre 2010 (i, ii et iii), cette fois-ci ils vont beaucoup plus loin en demandant un moratoire sur les mines d’uranium. Le Vice-chef du Grand conseil des Cris du Québec, Ashley Iserhof, expliquait jeudi devant la commission nucléaire qu’il s’agit d’une décision « éclairée », qui a suivi un long et rigoureux processus d’analyse.

Depuis plus de deux ans, les Cris ont mené de très nombreuses rencontres avec la compagnie Strateco, la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) et plusieurs experts indépendants, venus d’ici et d’ailleurs, pour comprendre tout autant les bénéfices, que les risques et les impacts associés aux mines d’uranium. « De toute évidence, ce n’est pas une décision prise à la légère, surtout lorsque l’on connaît l’attitude généralement favorable des Cris face au développement minier. Le verdict est pourtant clair : les Cris disent non aux mines d’uranium. Ça devrait être un signal pour tout le reste du Québec » affirme Ugo Lapointe.

Arrêt de mort du projet de Strateco

Le rejet des Cris signe « l’arrêt de mort » du projet de la compagnie Strateco, qui a d’ailleurs vu son titre boursier chuter de près de 30% en un an et de 90% depuis 2007. Les Cris ont clairement indiqué mardi dernier qu’ils feraient « tout » pour stopper ce projet, sans toutefois spécifier ce que cela signifie. « À notre avis, les dirigeants de Strateco ont non seulement failli à leurs devoirs et responsabilités vis-à-vis des Cris, mais également vis-à-vis des actionnaires de la compagnie en ne les informant pas clairement des risques sérieux que posait ce projet.

Le premier rejet officiel des Cris en novembre 2010 aurait pourtant dû sonner l’alarme et amener la compagnie à informer ses actionnaires et à interrompre ses travaux à ce moment. Au contraire, les dirigeants de la compagnie ont décidé de poursuivre les travaux et dépenser des sommes additionnelles considérables ; des sommes que les actionnaires ne récupèreront probablement jamais » déplore Ramsey Hart de MiningWatch Canada.

Appuis mitigés à Chibougamau

Après deux jours d’audiences à Mistissini, où près de 70 mémoires très majoritairement opposés au projet de Strateco ont été présentés à la commission, une courte journée d’audience a été menée à Chibougamau, où une 20aine de mémoires ont été présentés et où le projet a reçu un appui mitigé. « Si la Ville de Chibougamau et certains élus de la région appuient le projet, il y a eu aussi plusieurs présentations contre le projet.

Une chose était évidente par contre, c’est que la population de Chibougamau semble très peu informée et très peu concernée par ce projet. On pouvait compter à peine une quarantaine de participants aux audiences jeudi à Chibougamau (dont près de la moitié étaient des Cris), alors qu’ils étaient plus de 300 participants à Mistissini » explique Marc Fafard de Sept-Îles Sans Uranium.

Québec doit agir rapidement : audiences génériques sur les mines d’uranium

À la lumière du rejet des Cris face au projet de mine d’uranium le plus avancé au Québec, et à la lumière de plusieurs autres projets d’uranium déjà rejetés ailleurs au Québec (Terra Ventures à Sept-Îles, Terra Firma dans la Baie-Des-Chaleurs et Uracan en Minganie), la coalition Québec meilleure mine ! presse le gouvernement du Québec d’agir rapidement en décrétant un moratoire et en déclenchant des audiences génériques sur les mines d’uranium au Québec." Il y a actuellement une omerta sur les mines d’uranium au Québec et il faut que ça cesse".

L’exploitation de mines d’uranium n’est mentionnée à nulle part comme axe stratégique dans les politiques publiques du gouvernement, et ce, ni dans la stratégie énergétique du Québec (2006-2015), ni dans la stratégie minérale du Québec (2009), ni même dans le Plan Nord (2011). Le gouvernement ne peut aller de l’avant avec des mines d’uranium sans d’abord consulter l’ensemble des Québécois sur cette filière de plus en plus contestée » insiste monsieur Lapointe.

La coalition Québec meilleure mine ! déplore les conflits et les conséquences qu’occasionne actuellement l’inaction du gouvernement face aux mines d’uranium un peu partout au Québec.

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