29 novembre 2021 | Europe solidaire sans frontières
Au lendemain de l’élection présidentielle, le dépouillement des bulletins de vote n’est pas encore terminé au Honduras. Si les observateurs internationaux se félicitent pour le moment d’“une forte participation [62 % de l’électorat] dans l’ordre et la tranquillité”, comme le relaie La Prensa, les représentants de l’Organisation des États américains (OEA) appellent les candidats à la prudence et évoquent des “heures décisives pour la démocratie hondurienne”, note le site Contra Corriente.
Les 20 points d’avance de la candidate de gauche Xiomara Castro (Parti Liberté et Refondation [Libre], créditée de 53 % des voix après le décompte de plus de la moitié des bulletins) sur Nasry Asfura, le candidat du parti de l’actuel président (Parti national du Honduras, 34 % d’après le même décompte officiel) laissent à penser que le Honduras devrait bientôt reconnaître officiellement l’élection de sa première femme présidente. Mais au terme du scrutin à un tour la situation suscite encore beaucoup d’inquiétudes. À rebours des résultats partiels, le Parti national du Honduras alimente les espoirs dans son camp. Son compte Twitter revendiquait la victoire avant même la clôture des urnes.
Entre le Nicaragua de Daniel Ortega et le Salvador de Nayib Bukele, le Honduras se trouve dans une situation considérée comme explosive, note El País America, alors que la campagne pour les élections générales (présidentielle, législatives et municipales) a déjà été marquée par l’assassinat de 23 candidats.
”Ils partent”, “ils sont partis”
Sur les réseaux sociaux, le slogan “se van” (littéralement “ils partent”) popularisé par la candidate de gauche durant la campagne, est devenu “se fueron” (“ils sont partis”). Référence au président, Juan Orlando Hernández (JOH), au pouvoir depuis 2014 et réélu en 2017 grâce à une candidature à sa réélection considérée comme inconstitutionnelle par l’opposition, et à son gouvernement sclérosé par la corruption et des affaires de trafic de drogue.
Confortée par les premiers résultats, Xiomara Castro a elle-même revendiqué sa victoire sur Twitter en s’exclamant “Nous avons écrit l’histoire”, suscitant des démonstrations de joie parmi ses soutiens. Elle est “une candidate qui est née dans la rue, dans la protestation publique et dans les manifestations”, remarque un ancien ministre du gouvernement Zelaya interrogé par le quotidien de gauche argentin Página 12. “Sans aucun doute, cela lui apporte la sympathie et le soutien de tous les secteurs politiques et sociaux qui se sont opposés au coup d’État.”
Candidate malheureuse lors de sa première tentative en 2013, elle avait rejoint une alliance antigouvernementale en 2017. Donnée victorieuse par les premiers décomptes, l’Alliance d’opposition contre la dictature avait finalement été déclarée perdante au profit du parti présidentiel après une suspension du dépouillage de trente-six heures. Un délai lié officiellement à une panne électrique générale, rappelle le journal argentin, mais qui avait été largement accusé de masquer une fraude organisée par le pouvoir.
À distance des journalistes
Dans son programme, Xiomara Castro assure vouloir construire un “État socialiste démocratique”, indique Página 12. Un positionnement politique attaqué par Nasry Asfura, maire de Tegucigalpa, qui a utilisé le slogan “Oui à la patrie, non au communisme” durant la campagne, souligne de son côté El País America. Les propositions de Xiomara Castro visant à légaliser l’avortement et à étendre les programmes sociaux reflètent une volonté de changement radical dans un pays ravagé par la crise socio-économique et dévasté par deux violents ouragans en 2020. Pour les conservateurs, tels que l’eurodéputé espagnol Hermann Tertsch, interrogé par El Heraldo, elle représente un “danger”, le chemin vers “un régime castriste communiste” et “la misère absolue”.
Décrite par le même quotidien comme “une femme courageuse, très souriante et dynamique”, elle est depuis dix ans le visage de “la tradition politique d’une famille qui compte des années de candidatures aux élections populaires”. Depuis le renversement de son mari, le président Manuel Zelaya, par un coup d’État militaire en 2009, celle qui tenait discrètement son rôle de première dame est passée sur le devant de la scène politique hondurienne.
Au gré de ses prises de position contre le putsch puis contre la corruption du régime de JOH, Xiomara Castro est devenue la meneuse d’un mouvement qui a mis fin au traditionnel bipartisme entre le Parti national et le Parti libéral dont elle était pourtant issue avec son mari, avant que celui-ci ne soutienne le dirigeant vénézuélien Hugo Chávez. Soucieuse de préserver son image de femme intègre, la candidate soixantenaire s’est maintenue jusqu’ici soigneusement à distance des journalistes et surtout “des médias qui ne soutiennent pas sa ligne politique”, observe El Heraldo.
P.-S.
Courrier International
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