La rigueur face au flegme britannique
La série noire continue pour les populations européennes, soumises à des plans de rigueur sans précédent depuis la crise grecque et le plan d’austérité roumain.
Outre Manche, c’est suite à l’annonce de David Cameron le 20 octobre dernier que les Britanniques se sont réveillés avec la gueule de bois. Le gouvernement s’est en effet engagé à réduire le déficit budgétaire en économisant 81 milliards de livres (92 milliards €). Celui-ci passerait de 10,1% du PIB à 2,1% en 2014-2015 |1|.
Comme toujours, ceux qui devront le plus se serrer la ceinture seront ceux qui auront le moins contribué à la dégradation de la situation. Ainsi, au menu de cette cure d’austérité : suppression de 490.000 emplois dans le service public, report de l’âge légal de la retraite (de 65 à 66 ans), réduction de 7 milliards de livres pour les dépenses sociales.
Ce plan, salué de part et d’autre (l’OCDE a qualifié les mesures de « dures, nécessaires et courageuses » |2| ) a déjà subi ses premiers revers. D’importantes mobilisations étudiantes entendaient ainsi protester contre l’annonce d’une augmentation drastique des frais d’inscriptions aux universités (une hausse pouvant atteindre 300%), laquelle faisait suite à la réduction de l’aide financière publique accordée à l’enseignement universitaire.
Il faut espérer que la radicalisation d’une grande partie des manifestants (le siège du parti conservateur a notamment été littéralement assailli) présage la mise en place d’un mouvement plus large contre la dette, les plans d’austérité et le néolibéralisme. Ce paquet de mesures fait en effet une nouvelle fois la part belle à cette idéologie moribonde, le ministre des finances George Osborne ayant affirmé explicitement que le but de ce plan était d’obtenir "un Etat plus réduit dans une société plus développée |3| .
A l’ouest, rien de nouveau
Même son de cloche du côté du voisin irlandais. Suite à d’importantes difficultés financières, le pays vient de conclure avec le FMI et l’UE un plan d’aide sans précédent destiné à financer un déficit qui avait explosé suite au sauvetage des banques empêtrées dans des opérations de spéculation immobilière (le sauvetage de l’Anglo Irish Gold a notamment couté à l’Etat la bagatelle de 29 milliards d’euro |4| ainsi que la mise au chômage d’un travailleur du secteur sur 2 |5|).
Ce plan de stabilité, qui pourrait atteindre jusqu’à 90 milliards d’euro ne se fera bien sûr pas sans contrepartie puisque le gouvernement irlandais s’est engagé à faire passer son déficit en dessous de la barre des 2% contre 33 % actuellement. Pour parvenir à cet objectif, l’austérité sera évidemment au rendez-vous et là aussi les plus vulnérables paieront l’addition. Au menu : réduction des dépenses sociales de 2,8 milliards d’euros, suppression de postes dans la fonction publique, baisse importante du salaire minimum, instauration d’une taxe sur l’eau, hausse de la TVA, etc |6|. A l’ouest, rien de nouveau.
Soulignons par ailleurs que le soutien européen est loin d’être désintéressé, les principaux créanciers des banques irlandaises étant leurs homologues allemandes et britanniques.
La zone franche en difficulté ?
Que les investisseurs de tout poil se rassurent malgré tout, le gouvernement irlandais a bien l’intention de maintenir l’impôt des sociétés à 12,5%, un taux parmi les plus attractifs sur le marché mondial et même critiqué par les autres pays européens, lesquels dénoncent un véritable dumping fiscal |7|. Cette politique, qui a régulièrement valu au tigre celtique le statut de zone franche européenne, prive le pays d’une grande partie de revenus et est responsable de l’aggravation du déficit au profit d’une poignée de multinationales avides d’argent.
Un panel de ces dernières (HP, Microsoft, Bank Of America, Merril Linch) vient d’ailleurs de prévenir l’Irlande de « l’impact négatif qu’aurait une hausse de la fiscalité sur ces entreprises sur la capacité du pays à "attirer et à conserver" des investissements |8| » . Dans cette même lettre, les entreprises font un chantage implicite à la délocalisation vers des paradis pour investisseurs tels que Singapour.
Un peuple humilié
Ces annonces successives du plan d’aide européen et des mesures d’austérité constituent une véritable claque à la population irlandaise. Après l’affront, l’année dernière, d’avoir fait revoter les Irlandais en faveur du traité de Lisbonne, l’annonce du plan a constitué pour beaucoup le pas néolibéral de trop et pourrait d’ailleurs avoir raison du gouvernement. Si de nouvelles élections se profilent, il faut espérer que les électeurs exigeront davantage que la mise en place de timides mesures sociales-libérales. Un tel contexte pourrait constituer une force dans la constitution d’une mobilisation européenne nécessaire pour lutter contre la dictature des marchés.
Notes
|1| Le courrier
|2|http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/afp_00291587.htm
|3|
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/economie/20100524.OBS4426/le-gouvernement-britannique-detaille-son-plan-d-austerite.html
|5| Soir 3, France 3, lundi 22 novembre 2010
|7| La moyenne de l’UE est de 27,5%
|8| http://www.lemonde.fr/technologies/article/2010/11/22/plan-de-sauvetage-les-geants-du-web-font-pression-sur-l irlande_1443182_651865.html#ens_id=1437169&xtor=RSS-3208