Édition du 17 décembre 2024

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Québec

Au-delà du non aux hydrocarbures, l’exigence d’un BAPE pour Northvolt dénonce le tout-électrique et questionne l’auto solo

Environ 200 personnes amenées par Mères au front et le Comité Action CitoyenneProjet Northvolt ont organisé un sit-in (voir album de photos) le 3 mars devant les bureaux du Premier ministre Legault à Montréal pour réclamer un BAPE pour la méga-usine Northvolt dont la construction a déjà commencé grâce à la complaisance des tribunaux qui ne se sont pas formalisés de la contradiction.

Grâce à une bonne couverture médiatique critique, le grand public a appris que le navire amiral de la filière batterie, nouveau projet du siècle, avait bénéficié d’une modification réglementaire de dernière minute pour échapper au BAPE alors que peu auparavant un projet de construction domiciliaire au même endroit avait été rejeté pour protéger ce milieu naturel exceptionnel, un très rare refus, à tel point que le ministère de l’Environnement a dû supprimer maintes références scientifiques pour faire cette pirouette. La complaisance gouvernementale va jusqu’à des subventions gargantuesques qui ne seront pas rentabilisés avant 2037 sans compter une absence de réciprocité en termes de contenu québécois. Cerise sur le gâteau, selon une responsable de Mères au front, en Suède même, Northvolt est loin d’être écologiquement exemplaire en violant maints règlements environnementaux.

Après le rejet de la production de gaz, le tout-électrique fonce droit devant

Depuis que le nouvel extractivisme tout-électrique commence à se saisir et à polluer les vastes espaces, il suscite une résistance de celles et ceux qui les occupent, peuples autochtones, paysannat mais aussi villégiateurs, villageoises et même banlieusards. On le constate dans les luttes anti-mines à ciel ouvert dans les pays dépendants, souvent contre des entreprises canadiennes, mais aussi dans les pays anciennement industrialisés en mal de renouvellement industriel, surtout si elles peuvent offrir un complément minier. Tels sont le Canada et davantage le Québec libre de toute exploitation d’hydrocarbure… mais grand consommateur de ceux-ci et grand émetteur de GES. Cette conjoncture particulière québécoise, une fois passé le danger de l’exploration gazière et du transit du gaz de l’Ouest canadien vers l’Atlantique, a laissé le champ libre à la lutte contre diverses facettes de la filière batterie, le grand projet de développement économique des gouvernements canadien et québécois. Ce fut d’abord la levée de boucliers du peuple anichinabé contre les projets de mines de lithium puis celle de résistants du peuple attikamek et de villégiateurs riverains contre l’importante mine de graphique Nouveau Monde malgré l’attrait des emplois pour plusieurs villageois. Reste que ces luttes sont demeurées marginales à l’échelle de l’actualité québécoise et ont peu mobilisé du moins pas dans la durée.

Tel n’est pas le cas de la construction de la méga-usine de cellules à batteries de la modeste transnationale suédoise Northvolt dans la banlieue sud de Montréal, phare québécois de la filière batterie, que les gouvernements subventionnent à l’équivalent — compétition oblige — de l’Inflation Reduction Act étatsunien, et surtout en escamotant le normalement incontournable, minutieux et populaire examen environnementale BAPE même s’il n’a qu’un pouvoir de recommandation. Cet intérêt tant populaire que journalistique est-il dû à la frustration due au pétard mouillé que fut la mobilisation du Front commun du secteur public et consort Il est certainement dû au choix stratégique de la filière batterie qui structurerait l’économie québécoise pour des dizaines d’années sans compter son impact climatique. Toujours est-il que le mouvement écologique et la citoyenneté directement concernée soutenus par la gent journalistique, malgré une capacité de mobilisation qui reste faible mais pleins de détermination, ciblent le fer de lance de la filière batterie. L’opinion publique en est déjà ébranlée. Les deux tiers de la population québécoise sont d’avis qu’il faut un BAPE. Un peu plus de la moitié de la population du Québec reste cependant favorable à la construction de Northvolt. Mais près d’un tiers est défavorable.

La réfutation de la fausse alternative extractiviste tout-électrique vient de débuter

Ce dernier point est crucial pour la suite des choses. Le Devoir en éditorial questionne « le mirage de l’électrification » qui ne contre pas « l’augmentation du parc automobile et de la superficie résidentielle, commerciale et industrielle [qui] a entraîné une surenchère dans la consommation énergétique… ». Dans un billet récent, l’IRIS questionne « le mythe de la voiture électrique verte » tout en soulignant que « les subventions à l’achat de voitures électriques […] grimpent à 12 000 $ en comptant la part du palier fédéral », ce qui explique que « [l]’Agence internationale de l’énergie prévoit qu’en 2030, 90 % des batteries produites dans le monde alimenteront des automobiles individuelles et seulement 3,5 % propulseront des autobus. » Les conférencières du bar des sciences sur la place de la voiture de l’émission « Les années-lumière » de Radio-Canada faisaient le constat que la voiture gruge le budget des ménages, multiplie les accidents, détruit la nature et est dévoreuse d’espace et de ressources.

Ce questionnement commence à titiller les organisations environnementales les plus en pointe. L’Action boréale, en entrevue à Radio-Canada, critique les mines à ciel ouvert de lithium qui détruisent les puits de carbone et prône une production de batteries suffisante essentiellement pour le transport en commun tout en réduisant drastiquement les autos solo. Le chanteur-compositeur Richard Desjardins s’y interroge à propos des grandes organisations environnementales que ne mobilisent pas pour la tenue d’un BAPE sur Northvolt. Dans son premier bulletin de 2024, GMob clame qu’« [i]l faut cesser de développer, [qu’]il faut RÉDUIRE ! » tout en publiant un graphique très parlant (en exergue de cet article). Disons-le tout de go. Le débat grand public sur la filière batterie est enfin lancé, cette émanation concrète et réellement existante du capitalisme vert dont l’auto solo électrique grassement subventionnée, de plus en plus en format VUS, et génératrice d’étalement urbain est l’exutoire incontournable. Reste à Québec solidaire à entrer dans la danse de ce débat, lui qui, honteux, appuie en catimini les subventions à l’auto solo et la filière batterie qui en est la matrice… avec un BAPE !

Marc Bonhomme,
4 mars 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

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