Le jeudi 30 septembre marque la première Journée nationale pour la vérité et la réconciliation qui a été déclarée jour férié fédéral par le gouvernement du Canada en juin de cette année. Depuis 2013, le 30 septembre a été marqué comme la Journée du chandail orange, une journée de commémoration dirigée par les Autochtones pour honorer les enfants qui ont survécu aux pensionnats et se souvenir de ceux qui n’ont pas pu survivre.
Malgré toute la publicité des travaux autour de la Commission de vérité et réconciliation et les 94 appels à l’action issus de ce travail, l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones assassinées et disparues et la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec, la découverte de tombes anonymes d’enfants autochtones cet été, sur les terrains d’anciens pensionnats dans de nombreuses régions du Canada, a été une découverte choquante pour de nombreux non-Autochtones.
Les peuples autochtones l’ont toujours su ; que les enfants ont été enlevés à leurs familles et communautés et que beaucoup ne sont jamais revenus. Pourtant, cet été, pour beaucoup de personnes au Québec et au Canada, les tombes ont été une découverte choquante, ce qui démontre l’efficacité des récits coloniaux dans l’effacement des peuples autochtones et les politiques violentes et génocidaires auxquelles ils ont été soumis par les politiques coloniales et le racisme systémique. Ce ne sont pas seulement des pratiques historiques, elles sont toujours en cours.
Pour La Journée du chandail orange, des événements sont prévus dans de nombreux endroits. À Montréal, il y aura un rassemblement à 13h à la Place du Canada.
Ce sont des jours lourds pour les peuples autochtones et, pour toutes les personnes non-autochtones qui vivent sur ces terres autochtones, c’est un temps de réflexion sur notre responsabilité à contribuer à la décolonisation, à mettre fin au racisme systémique et un rappel que si on choisi le silence, on choisit en fait de renforcer l’oppression.
En 2004, nous, la Fédération des femmes du Québec, avons signé un protocole avec Femmes autochtones du Québec qui « signale un engagement à agir de manière solidaire pour transformer les relations coloniales qui marquent l’histoire entre les Québécois et les peuples autochtones. En 2015, nous avons adopté une proposition poursuivant notre engagement à entretenir notre alliance avec les femmes autochtones du Québec « pour éliminer les attitudes, les pratiques et les positions racistes et coloniales ».
Un désir de réparation discutable
L’histoire passée et présente du Canada et du Québec témoigne d’un système colonial qui perdure. En effet, autant dans les institutions qui ont légitimé et qui pratiquent encore le retrait d’enfants autochtones à leur famille, par moyen de termes utilisés par les médias pour parler du génocide sans le nommer, que dans l’accès aux ressources qui n’est pas garanti pour les populations autochtones, cette violence se reproduit encore aujourd’hui. Nous nous demandons où sont les actions concrètes pour mettre en œuvre la volonté de réparation des gouvernements. Des appels à l’action et des recommandations ont été lancés, notamment par le biais de la Commission vérité et réconciliation en 2007 ou lors de l’Enquête nationale sur les femmes autochtones disparues et assassinées en 2013. Nous les attendons toujours.
Non-reconnaissance de la violence systémique
L’Enquête nationale sur les femmes autochtones disparues et assassinées a mis en lumière de nombreuses formes de discrimination et de violence subies par ces femmes, que ce soit en termes de logement précaire, d’accès à l’éducation, à l’emploi ou encore d’accès aux soins de santé. Les preuves sont là, les recommandations aussi, mais que faire d’un gouvernement québécois qui refuse toujours de reconnaître le racisme systémique ?
Aujourd’hui, les peuples autochtones, en particulier les femmes et les filles, continuent de vivre quotidiennement sous le poids d’une violence systémique qui perdure depuis des siècles. Il est impératif que le gouvernement du Canada agisse pour garantir le respect des droits des peuples autochtones et mettre fin à l’impunité de ce génocide. Comme Michèle Audet l’a expliqué dans un entretien radio avec Benoit Dutrisac en juin 2021, "Les excuses et l’argent ne suffisent pas", il faut des actions concrètes qui permettent la réconciliation et une vraie dignité pour toute la population.
Avant de demander pardon, la réparation consiste à reconnaître ses torts, ce qui nécessite la mise en place d’un processus actif de décolonisation. Cela nécessite aussi la reconnaissance de la violence systémique et une réelle volonté de changer les structures oppressives qui sont en place depuis des décennies et qui profitent à la population. Cela signifie, en tant qu’organisation et en tant qu’individu, de créer des espaces sécuritaires pour les femmes autochtones qui permettent de rebâtir la confiance et de prendre ses responsabilités en écoutant, en dénonçant et en luttant activement contre les violences subies par les peuples autochtones. Cela peut être réalisé par exemple en nommant ces oppressions, en respectant les paroles des femmes autochtones et en les croyant, ainsi qu’en reconnaissant ses propres biais cognitifs pour contribuer à lutter contre les stéréotypes. Comme le disait Elisapie Isaac lors de la marche du 1er juillet dernier : « Tous les Québécois doivent prendre ce miroir qui est toujours avec nous, les Autochtones. Il est important que le miroir se tourne vers eux, vers vous". Une des initiatives concrètes dans ce sens est la série produite par Télé Québec Décoloniser l’histoire qui “présente dix chapitres méconnus de l’histoire québécoise et canadienne du point de vue des personnes autochtones et racisées.”
Le miroir est aussi sur nous les féministes. Il est grand temps de mettre en pratique nos principes de solidarité et d’unir nos voix à celles de nos sœurs autochtones pour exiger justice et réparation. Les expertises et la sagesse des peuples autochtones en relation avec le respect de la terre et de tous les êtres vivants sont demandés plus que jamais dans le cadre de la crise écologique que vit toute notre planète actuellement. [1]
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