Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Planète

Accord de Glasgow : engagement des Peuples pour le Climat – déclaration

Collectif de la déclaration de Glasgow

14 février 2021 | tiré du site Entre les lignes entre les mots

Le cadre institutionnel utilisé par les gouvernements, les organisations internationales et l’ensemble du système économique, pour répondre à la crise climatique, ne parvient pas à limiter le réchauffement climatique à 1,5 ou 2°C d’ici 2100. Dès sa mise en place, les pays développés et les filières polluantes comme l’industrie pétrolière ont planifié les échecs à répétition de ce cadre institutionnel. Une illusion d’action en faveur du climat a été créée pendant que les mesures décisives étaient retardées et les émissions de gaz à effet de serre on put continuer à augmenter. En raison de décennies d’interférences menées par ces acteurs, les engagements déjà peu ambitieux, ont été continuellement déshonorés. Ainsi, les principaux accords institutionnels sur les changements climatiques, notamment le protocole de Kyoto et l’accord de Paris, n’ont pas engendré la réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre nécessaire pour éviter les pires impacts du changement climatique. L’accord de Paris n’est finalement qu’une procédure, et il ne permettra pas à lui seul d’atteindre l’objectif de prévenir les pires conséquences du dérèglement climatique.

Des centaines de gouvernements, de municipalités et d’organisations ont déclaré l’urgence climatique. Des manifestations massives partout dans le monde ont, de manière répétée, appelé à une action décisive en faveur de la justice climatique d’ici 2030. Elles s’appuient sur un consensus scientifique affirmant qu’il faut réduire d’au moins 50% les émissions de gaz à effet de serre dans ce délai. Pour atteindre ces objectifs il faut arrêter de développer de nouveaux projets et infrastructures dans le domaine des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz). Le puissant mouvement pour la justice climatique a besoin de nouveaux outils et de renforcer les anciens pour faire face à ces contradictions fondamentales et pour inverser le scénario mondial : l’inaction des institutions doit faire place au pouvoir de la société civile, qui apportera un changement durable.

C’est pourquoi, les organisations (1) et mouvement sociaux soussigné.e.s assument :

1. Un cadre politique, nécessaire à l’action climatique et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui est celui de la justice climatique.

  • Celle-ci se définit comme une revendication sociale et politique qui défend la redistribution du pouvoir, du savoir et du bien-être de chacun. Elle propose une nouvelle définition de la prospérité liée au respect des limites naturelles et une distribution juste des ressources, en prônant une réelle connexion entre le système du savoir traditionnel et celui du monde occidentalisé. Elle appelle à une science publique et participative qui réponde aux besoins de l’humanité et de la terre, en particulier pour mettre un terme à cette crise climatique.

À cet égard :

  • Elle reconnait l’interdépendance de toutes les espèces et affirme le besoin de réduire, dans le but d’éliminer, la production de gaz à effet de serre et de tous les polluants locaux ;
  • Elle reconnait et intègre l’économie des soins dans la vie quotidienne, en défendant le partage de la responsabilité des personnes, indépendamment de leur identité de genre, pour les activités de soins et d’entretien, tant à l’intérieur des foyers que dans la société – La vie est le cœur de la justice climatique ;
  • Elle soutient les changements structurels de la société pour renverser des siècles de racisme systémique, de colonialisme et d’impérialisme – Il n’y a pas de justice climatique sans justice raciale ;
  • Elle perçoit l’économie comme étant soumise aux règles de l’environnement (2) et non l’inverse, en défendant une planification démocratique basée sur les besoins réels, en remplaçant l’oppression, l’imposition et l’appropriation par la coopération, la compassion et l’entraide ;
  • Elle défend une transition juste pour tous les travailleu.r.se.s actuellement employé.e.s dans les secteurs qui ont besoin d’être démantelés, reconfigurés ou réduits. Une transition assurant la subsistance de ces travailleu.r.se.s dans les différentes économies et sociétés et introduisant la souveraineté énergétique (3) et l’autosuffisance énergétique (4). Cette transition doit être juste et équitable, en corrigeant les préjudices du passé et en garantissant, à l’avenir, les moyens de subsistance des travailleu.r.se.s et des communautés, en reconnaissant la nécessité d’une transition d’un économie extractive vers une société respectueuse du climat, afin de mettre en place le pouvoir économique et politique d’une économie régénérative ;
  • Elle doit renouer avec les connaissances des communautés indigènes en promouvant les effets bénéfiques d’une activité humaine pragmatique, sur les cycles de la vie et des écosystèmes ;
  • Elle défend l’introduction de réparations pour les communautés et populations en première ligne face au colonialisme, à la globalisation et à l’exploitation, en reconnaissant qu’il existe une dette historique et une dette écologique qui doivent être payées aux pays du Sud Global et que l’origine de ces dettes doit être stoppée ;
  • Elle reconnaît que les effets de la dégradation du climat se font sentir ici et maintenant. Les communautés les plus pauvres subissent la perte de leurs habitats et de leurs moyens de subsistance, des dommages à leurs terres et à leur culture, et ont un besoin urgent de financements. La solidarité et la pression internationale sont nécessaires pour mettre en évidence les entreprises et les gouvernements responsables des pertes et des dommages, et pour faire entendre la voix des personnes et des régions les plus affectées ;
  • Elle défend l’entière protection, la liberté de mouvement et les droits civiques, civils et économiques des migrants ;
  • Elle défend la souveraineté alimentaire en tant que droit des peuples à définir leur politique agricole et alimentaire, sans aucun dumping vis-à-vis des pays tiers ;
  • Elle s’oppose à une croissance économique exponentielle et illimitée – qui se reflète actuellement dans la souveraineté du capital – en considérant le capitalisme comme incompatible avec les principes des systèmes de la vie ;
  • Elle refuse le capitalisme vert et les « solutions » qu’il propose (qu’il s’agisse de la géo-ingénierie « basée sur la nature », du commerce du carbone, des marchés du carbone ou autres), tout comme l’extractivisme (5).

2. Prendre en main la responsabilité de réduire collectivement les émissions de gaz à effet de serre et de laisser les combustibles fossiles dans le sol.

Dans le cadre de l’Accord de Glasgow, l’objectif principal des organisations ne sera pas la lutte institutionnelle – principalement la négociation avec les gouvernements et les Nations Unies ;

3. La production d’un inventaire des principaux projets, secteurs et infrastructures responsables des émissions de gaz à effet de serre dans chaque territoire.

Cet inventaire sera communiqué nationalement et internationalement. Un groupe de travail technique sera mis en place pour soutenir et assurer le suivi de la création de cet inventaire ;

4. La production d’un agenda climatique territorial basé sur l’inventaire.

L’agenda climatique est un plan d’actions locales, conçu par les communautés, les mouvements et les organisations travaillant sur le terrain, qui s’appuie sur l’inventaire des plus grandes sources d’émissions de gaz à effet de serre (existantes et prévues). Il vise à nous mettre sur la bonne voie pour rester en dessous de 1,5ºC de réchauffement climatique d’ici 2100, toujours dans un cadre de justice climatique ;

5. L’absence de coopération politique et économique, l’action non-violente et en particulier la désobéissance civile comme principaux outils permettant de garantir la réussite de l’accord de Glasgow.

En même temps, nous reconnaissons qu’il est bien plus difficile de prendre part à la désobéissance civile pour les groupes oppressés et pour les personnes vivant dans des sociétés plus oppressives. La désobéissance civile (6) ne représente qu’une des tactiques permettant d’atteindre les objectifs de l’Accord de Glasgow ;
De plus, nous reconnaissons que la stratégie de désobéissance civile a déjà été utilisée, sous plusieurs désignations, de nombreuses fois avant nous, plus particulièrement par des communautés marginalisées et dans le Sud Global. Nous serions incapables de nous joindre à cette lutte sans leurs sacrifices historiques et contemporains, leurs actions continues contre le changement climatique à travers leurs luttes pour garder les combustibles fossiles sous terre ainsi que leur résistance à d’autres causes industrielles du réchauffement planétaire ;

6. Définir leur propre stratégie et tactiques locales et nationales

afin de mettre l’agenda climatique en application. Si besoin, elles feront appel à d’autres organisations signataires de l’Accord de Glasgow (au niveau national et/ou international). Les organisations du Nord global soulignent leur engagement à soutenir les organisations du Sud Global à travers une solidarité envers les luttes existantes ainsi qu’en s’adressant directement aux projets dirigés par des gouvernements, des sociétés, des banques et des institutions financières du Nord Global.

L’indication des réductions nécessaires au niveau territorial sera basée sur des méthodologies telles que le Paris Equity Check qui propose des contributions nationales équitables basées sur les émissions historiques et les capacités de chaque pays.

Trois mois après la signature de l’Accord de Glasgow, toutes les organisations membres auront produit leur premier inventaire national des nouveaux projets, des principaux secteurs et des infrastructures, responsables pour la majeure partie des émissions nationales. Ensuite, le processus de construction de l’agenda climatique correspondant sera mis en place, il permettra d’identifier ce qu’il faut stopper ou transformer en priorité. Les organisations d’un même territoire réaliseront cette liste collectivement. Ces informations seront centralisées sur le site internet public de l’Accord de Glasgow et directement communiquées à tous les membres.
Des groupes de travail recevront les demandes d’aide des organisations qui en exprimeront le besoin. Des assemblées internationales, régionales et territoriales permettront la coordination et la mise en place de stratégies.

Définitions (Les notes renvoient à ces définitions)

(1) Dans ce contexte le terme « organisation » désigne différents types de groupes tels que des mouvements sociaux, des collectifs, des associations ou organisations non gouvernementale, des communautés, qu’elles soient formelles ou informelles, régionales, locales, nationales ou internationales, à caractères non lucratifs et excluants toute institution religieuse ou parti politique.

(2) La planification démocratique est définie comme la pleine participation des travailleurs et de la société à la vie productive de la communauté. La direction et le contrôle de l’économie doivent être régis par des accords, de la persuasion, de la consultation, du dialogue ou toute autre méthode démocratique.

(3) La souveraineté énergétique correspond au droit des individus, communautés et peuples de prendre en pleine conscience leurs propres décisions concernant la production, la distribution et la consommation d’énergie, de façon cohérente avec les circonstances écologiques, sociales, économiques et culturelles auxquelles ils sont soumis, et dans un souci de respect de chacun des aspects cités.

(4) L’autosuffisance énergétique est une situation dans laquelle les besoins énergétiques de base des populations sont satisfaits de manière équitable tout en veillant à maintenir les impacts environnementaux du système énergétique sous les limites acceptables.

(5) L’extractivisme désigne une forme de production basée sur l’extraction croissante et illimitée de matières et de plus-values sans tenir compte de tous les impacts environnementaux et sociétaux.

(6) Dans ce contexte, la désobéissance civile est définie comme la transgression non-violente, intentionnelle et justifiée des lois. Elle est réalisée dans un but précis, de manière publique, à l’encontre des gouvernements, des entreprises publiques et privées et des infrastructures. Nous avons l’intention de l’utiliser comme dernier recours, étant donné que nos actions antérieures ont démontré que le pouvoir politique et économique restent inflexibles et apathiques face à la crise environnementale mondiale. Nous interprétons la désobéissance civile comme une tactique collective mise en œuvre avec sincérité et conviction morale qui prône la justice entre les personnes libres et égales, consistant en des actions soigneusement choisies, faisant usage de moyens légitimes et non-violents. Nous porterons l’entière responsabilité de nos actes de désobéissance civile, et nous agirons en solidarité envers celles et ceux qui souffrent de répression ou de conséquences juridiques liées à leurs actions de désobéissance civile. Compte tenu de l’urgence croissante face au climat et à l’écologie, nous sommes convaincu.e.s que l’inaction est criminelle et nous pensons que nous serions responsables si nous n’enfreignions pas les lois qui établissent, protègent ou reproduisent l’effondrement de nos conditions environnementales à l’échelle mondiale.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Sur le même thème : Planète

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...