Le résultat le plus important de l’ALENA a été la subordination totale de la politique économique mexicaine aux diktats de Washington et du capital international. Toutes les études montrent que si l’ALENA a entraîné une augmentation des investissements directs étrangers, en particulier des États-Unis, ce flux de ressources n’a pas conduit à des processus de développement durable. Au cours des 20 dernières années, la croissance économique a stagné, l’inégalité s’est aggravée, l’environnement s’est dégradé et la pauvreté reste à un niveau tout à fait inacceptable.
Cependant, le plus grave a été le démantèlement structurel de l’économie mexicaine. Les paysans et les populations autochtones ont été forcés de quitter leurs terres et de migrer vers les États-Unis à un rythme sans précédent. Une multitude de petites et moyennes entreprises ont dû fermer leurs portes et, en général, l’appareil de production national a été affaibli par son insertion inégale et subordonnée dans les circuits internationaux du capital. Les perspectives pour les jeunes, sont des perspectives de travail mal payé, surexploité et et dans des conditions détériorées. Ce sont les reflets les plus fidèles du grand échec de l’ALENA , et du projet néolibéral qui prétendait apporter justice, paix et développement au Mexique .
Ce démembrement national est la véritable cause de la violence, de l’insécurité et de la mort qui ont accompagné la guerre initiée par Felipe Calderon contre la drogue et poursuivi sans changement aucun par Enrique Peña Nieto. La logique qui domine le pays aujourd’hui est celle du sauve qui peut général qui fait que l’accumulation et les abus deviennent la seule façon de garantir des ressources minima pour des millions de citoyenNEs. L’insécurité économique se mue en insécurité publique et en corruption gouvernementale.
Dans ce scénario, les fiers indigènes rebelles du Chiapas ont réussi à éviter leur extermination par la machine de destruction néolibérale. Comme l’ont indiqué dans ces pages Luis Hernández Navarro, Adolfo Gilly et Gilberto López y Rivas, le bilan du soulèvement armé du 1er janvier 1994 est positif pour ceux qui y ont participé. L’EZLN a également fait une énorme contribution à la démocratisation de la République et au mouvement mondial contre la mondialisation néolibérale. La réforme électorale de 1996 a été une conséquence directe du soulèvement courageux et la vague mondiale de protestations historiques lors des réunions de l’Organisation mondiale du commerce et contre d’autres institutions multilatérales avant et après le tournant du millénaire, doit beaucoup de sa force à l’exemple des communautés autochtones mexicaines .
Cependant, l’EZLN n’a pas été pas assez forte pour inspirer un mouvement plus large qui aurait pu transformer les coordonnées de la politique nationale. Aujourd’hui, notre démocratie est aussi faussée et frauduleuse qu’en 1994. Aujourd’hui, les élections ne servent pas à responsabiliser les citoyenNEs, elles ne font que donner un semblant de légitimité à la domination des mêmes puissants qui se sont toujours imposés. Et maintenant, comme alors, la solution ne consiste pas à attendre les prochaines élections, mais à agir dès maintenant de manière organisée et consciente pour déconstruire le discours de la domination et la réalité de l’exploitation .
La rapidité sans précédent avec laquelle les amendements aux articles 25 , 27 et 28 de la Constitution ont été adoptés en matière d’énergie démontre une fois de plus que notre Constitution reste un instrument très malléable aux mains des puissants. Si aujourd’hui, Peña Nieto et ses partenaires du PAN et du PRD ont profité de leur contrôle temporaire sur les institutions gouvernementales pour plaire à leurs amis des compagnies pétrolières internationales, demain, une nouvelle coalition de citoyenNEs dignes, inspirés par la lutte zapatiste et forgée par l’expérience des élections de 2006 et de2012 pourra inverser tout aussi rapidement les changements constitutionnels effectués.
Personne n’est descendu dans les rues pour célébrer la victoire de Peña Nieto le 1er Juillet 2012 dernier. Aujourd’hui, la société se retrouve avec un président qui ne représente que le pouvoir de l’argent et de la corruption. Comme l’a indiqué l’universitaire Eréndira Irma Sandoval lors de la Marche pour la défense du Mexique le 20 Décembre : " Comme une rivière sans eau n’est pas une rivière, une démocratie sans peuple n’est tout simplement pas la démocratie. " Le temps est venu de construire une nouvelle force sociale capable de renverser pacifiquement, même sans un horizon électoral immédiat, la poignée de corrompus et d’exploiteurs qui nous gouvernent si mal aujourd’hui.
Les opinions exprimées et les conclusions de l’article sont de la seule responsabilité de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la position du CETRI .
Traduction Presse-toi à gauche !