Tiré d’Aplutsoc.
Ce n’est pas le premier anniversaire d’une offensive historique de la lutte de libération palestinienne : le 7 octobre 2023, les forces du Hamas perçaient la prison de Gaza uniquement pour commettre des massacres qui allaient fournir le prétexte d’un recul historique de la situation déjà sombre des Palestiniens.
Le 7 octobre est l’anniversaire d’un pogrom et du calvaire des otages pris ce jour-là. « Pogrom » implique que l’offensive n’avait rien d’une offensive de libération, ce que l’on a pu croire parfois, faute d’informations, pendant les toutes premières heures. Il s’agissait uniquement du massacre des juifs se trouvant dans des kibboutz frontaliers et dans une rave party, plus de nombreux non juifs, palestiniens ou immigrés, et parmi lesquels des militants pacifistes ou défenseurs des Palestiniens comme Vivian Silver.
« Pogrom » signifie aussi que l’opération a pris la forme d’une vague de meurtres par armes blanches et par le feu, assortis de mutilations et de viols. « Pogrom » n’est pas un terme tendancieux « sioniste », il désigne ce que les juifs, d’Israël ou non, sionistes ou non, ont ressenti, et que les humains doivent savoir ressentir avec elles et eux.
« Pogrom », enfin, est un terme qui s’incorpore à l’analyse suivante : le processus déclenché le 7 puis le 8 octobre est réactionnaire sur toute la ligne, tant du côté du Hamas que de celui de Tsahal.
Comment qualifier, ensuite, ce qui a commencé le 8 octobre, lorsque les troupes israéliennes ont été ramenées de la Cisjordanie sur Gaza ?
« Génocide » est un terme fréquemment employé, mais pour deux raisons différentes.
L’une est l’indignation, devant les massacres, leur répétition, l’horreur, sa prolongation. Ainsi parle-t-on aussi parfois de génocides s’agissant des Ukrainiens, des Syriens, des Arméniens, des Tamouls …
Mais il y a une deuxième raison. « Génocide » était déjà, avant le 8 octobre, un terme obsessionnel s’agissant de Gaza. « Israël [id est : les Juifs] commet un génocide ».
Quant une série de crimes de guerre et de crimes de masse ont été commis chaque semaine depuis le 8 octobre 2023 envers la population de Gaza, l’indignation légitime et la deuxième raison, plus trouble, à l’emploi systématique de ce mot, se sont conjuguées.
S’il n’est pas toujours possible de rectifier chaque fois que passe le mot, il est néanmoins nécessaire de distinguer. Où en est-on exactement à Gaza s’agissant de la réalité d’un génocide ?
45 000 morts et probablement plus, une population de 2 millions de personnes dans des décombres victimes du trauma, de la faim et des maladies : c’est assurément là une situation qui comporte la possibilité d’un génocide. Et cette possibilité résulte des actes choisis et assumés par l’armée et par le gouvernement d’extrême-droite israéliens.
Mais faites le test : presque toujours, les publications et les forces politiques qui répètent, indépendamment de la situation concrète, « génocide, génocide », s’agissant de Gaza, n’ont vu aucun génocide ou risque de génocide en Ukraine, alors que le discours poutinien est explicite et que, jusqu’à il y a quelques semaines, le niveau de destruction et le type de « traitement » de la population à Marioupol ressemblait beaucoup à Gaza ; ils n’ont rien vu ni rien dit non plus s’agissant de la Syrie, ou du Tigré, où du Darfour encore récemment, où le nombre de victimes est très supérieur, victimes palestiniennes aussi en Syrie.
C’est donc que nous avons affaire à un biais particulier. Le reconnaître implique de comprendre que l’antisémitisme, loin d’être « résiduel » comme le veut le dogme de la « gauche » campiste de plus en plus réactionnaire, est une réalité forte du capitalisme contemporain.
La réalité du pogrom du 7 octobre et la réalité de la situation de risque génocidaire montant instaurée à Gaza depuis le 8 octobre devrait être comprise comme la plus terrible condamnation jetée à la face de l’ordre social et politique du monde capitaliste contemporain : car cette double mais unique réalité signifie que le risque génocidaire est réel à l’encontre des Juifs et qu’il est immédiat à l’encontre des Palestiniens.
En toute rigueur, et la rigueur est indispensable, il n’y a pas eu génocide à ce jour à Gaza, mais un massacre et des crimes de masse. Si cela continue, deux millions et demi de personnes sont exposées à mourir : le risque génocidaire est là. Il faut donc l’empêcher.
Scander que le génocide a lieu ou a eu lieu n’est pas la meilleure manière de l’empêcher réellement. Il faut, de même, empêcher la purification ethnique en Cisjordanie et briser le talon de fer en train de s’appesantir sur le restant du peuple palestinien.
Donner un nom rigoureux aux faits requiert une analyse qui situe les évènements dans la réalité mondiale du moment présent. Et l’on ne peut les comprendre autrement.
Depuis les 7 et 8 octobre 2023, on entend tous les jours d’éminents analystes poser à l’intelligence en nous rappelant pesamment ce que tout le monde sait déjà et qui est indéniable, à savoir que le 7 octobre se produit dans une situation conditionnée depuis des décennies par la colonisation … ce qui n’en fait pas un acte anticolonialiste ou excusable pour autant !
Ces mêmes éminents analystes « oublient » la réalité mondiale présente.
Or, c’est du point de vue de cette réalité mondiale présente qu’il était utile à certains que se produise la provocation pogromiste du 7 octobre. Sa conséquence directe a été de mettre l’Ukraine au bord de la défaite, en achevant de tarir les livraisons d’armes et en détournant l’attention. Une telle défaite aurait scellé le caractère de la période ouverte alors, comme un « minuit dans le siècle », un minuit précoce dans un siècle qui se réchauffe …
Malgré tout, les Ukrainiens ont résisté à ce jour, la montée au pouvoir de l’extrême-droite a été temporairement stoppée, bien malgré Macron, en France, et il s’avère que Trump peut être battu. Ni Netanyahou ni le Hamas ne sont pour rien dans cette résilience des combats pour les droits sociaux et pour la démocratie !
D’où l’impasse dans laquelle s’est trouvé Netanyahou, acculé à choisir, à Gaza, le génocide ou le cessez-le-feu. Il lui faut la guerre. Fort de ce que l’Iran était capable de lancer le Hamas dans une folie mais n’avait pas l’intention de l’aider vraiment, Netanyahou a entrepris la destruction des « proxis » de l’Iran, Hezbollah en tête, créant ainsi une situation, dans laquelle la guerre régionale semble à la porte, et la porte semble entrouverte car la guerre est au Liban, situation dont tant Trump que Poutine espèrent profiter.
Netanyahou joue avec le feu au bord du gouffre pour prolonger la situation et éviter tout choix à Gaza, prolongeant le risque génocidaire, tout en menant à bas bruit l’épuration ethnique en Cisjordanie.
Ainsi, tant la provocation du 7 octobre que ce qui a suivi et ce qui se passe à présent ne peut être compris et analysé que dans le cadre de la multipolarité impérialiste actuelle et non pas dans les catégories équivoques du « sionisme » éternel qui sont celles des petites doxas de la « gauche » dominante.
Et c’est à l’échelle internationale que nous sauverons les Gazaouis du risque génocidaire proche, et imposerons un cessez-le-feu, par le combat pour battre Trump aux Etats-Unis, Poutine par les armes en Ukraine et ensuite par les peuples en Russie, et, ne nous oublions pas, en battant Macron/Barnier/Le Pen et leur régime politique, la V° République, dont il faut sortir, en France.
Précisons que l’arrêt des envois d’armes n’aurait pas pour effet de « désarmer » Israël mais de faire tomber Netanyahou et d’ouvrir la voie à la seule manière efficace de combattre les chefs ultra-réactionnaires du Hamas ou du régime iranien : par la reconnaissance du droit national à l’autodétermination palestinienne et par le respect des libertés individuelles de toutes et de tous, quelles que soient leur identité.
Ces combats peuvent gagner.
Mais soyons clairs : le type de mobilisation « pour la Palestine » ayant eu lieu jusqu’à présent ne constitue en rien une mobilisation internationaliste efficace. C’est la mobilisation de Science-Po, mise sous les projecteurs, et pas celle du 93 où l’on s’est mobilisé, dans le silence médiatique, pour l’école publique. S’identifier au Palestinien souffrant en arborant ses couleurs et en chantant « le génocide » n’empêchera pas un génocide de se produire mais l’accompagnera. Ce qui l’empêchera, ce sont l’ensemble des combats contre les pouvoirs en place et, dans ce cadre, pour l’arrêt des envois d’armes à Israël. Ce qui l’empêchera, c’est la reconstruction d’un véritable internationalisme dans le feu de ces combats.
Ces combats peuvent gagner : Macron a donc déclaré qu’il faudrait arrêter d’armer Israël à l’encontre de Gaza. C’est une déclaration platonique qui n’entraine aucune conséquence contraignante pour la France et moins encore pour les Etats-Unis. Mais c’est une déclaration qui retentit car elle dit tout haut le problème posé à Washington : l’impasse sanglante vers laquelle Netanyahou, aidé au départ par le Hamas, fonce à toute allure.
Cette impasse sanglante est aussi celle de Poutine, elle concentre en elle l’impasse sanglante d’un ordre social global, que l’on combattra, et que l’on renversera, en commençant par stopper ses effets immédiats les plus extrêmes.
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