Le 16 juin marque le 5e anniversaire de l’adoption de la Convention no 189 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur le travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques. « Le premier ministre Trudeau, qui se dit féministe, devrait saisir cette occasion pour poser un geste concret en ratifiant, à l’instar de 22 pays dans le monde, cette convention qui reconnaît que les travailleuses domestiques ou les aides familiales sont de véritables travailleuses et devraient bénéficier des mêmes droits que toutes les autres travailleuses », affirme le secrétaire général de la FTQ, Serge Cadieux.
On estime entre 53 et 100 millions le nombre de travailleuses domestiques dans le monde, dont plus de 25 000 au Québec et plus de 150 000 au Canada. Elles exercent de multiples fonctions pour soutenir les familles (soins aux parents, à des personnes âgées ou en perte d’autonomie, garde d’enfants), elles s’occupent des tâches domestiques, etc. Ce sont souvent des migrantes qui résident généralement chez leur employeur et ne reçoivent souvent pas le salaire minimum pour les longues heures travaillées. Leur employeur bafoue fréquemment plusieurs lois en les soumettant à des conditions inacceptables : aucune intimité, conditions insalubres, mauvaise alimentation, heures supplémentaires obligatoires, soumission à l’employeur, etc.
« Le gouvernement doit entre autres s’engager à tenir compte de la problématique des aides familiales migrantes en permettant notamment l’accès à la résidence permanente au Québec et à des permis de travail assignés à la fonction et non aux employeurs », explique la vice-présidente de la FTQ, Joëlle Ravary. Celle-ci rappelle d’ailleurs que l’application de la convention no 189 a des effets directs sur la vie de ces travailleuses : hausse de leur salaire, plus de congés, heures de travail améliorées, meilleure protection sociale, etc.
Un rapport accablant
L’Union des employés et employées de service, section locale 800 (UES-800), le service de la condition féminine de la FTQ et l’Association des aides familiales du Québec, avec le Service aux collectivités de l’UQAM, ont récemment rendu public un rapport de recherche, intitulé Reconnaître le véritable statut de travailleuse aux aides familiales (travailleuses domestiques) : état des droits et mobilisation, mené principalement par la chercheuse Stéphanie Bernstein de l’UQAM qui dresse un portrait des droits liés au travail et de l’état de la situation de travail des aides familiales au Canada.
Constatant l’expansion importante de ce travail effectué dans des conditions difficiles par des femmes, dont un nombre important provient de l’immigration, le rapport met en évidence l’intérêt de la société et des gouvernements de donner de bonnes conditions à ces travailleuses. Les chercheuses mettent en relief le contexte actuel social et politique qui favorise de plus en plus le développement des services de soutien et de soins à domicile, ainsi que la mise en œuvre de politiques visant à favoriser l’autonomie des personnes.
« Les aides familiales jouent un rôle important puisqu’en fournissant des soins à domicile, elles contribuent à retarder le moment où les personnes en perte d’autonomie doivent être prises en charge par l’État. Tout cela requiert des travailleuses d’expérience qui ont les compétences nécessaires pour faire ce travail. Il s’agit d’un enjeu qui se pose avec de plus en plus d’urgence dans notre société vieillissante », déplore la vice-présidente de la FTQ, Joëlle Ravary.
Québec doit aussi emboîter le pas
La FTQ interpelle également le gouvernement du Québec pour qu’il révise les législations du travail pour les rendre conformes à la convention no 189.
« Nous demandons la couverture automatique de l’ensemble de ces travailleuses dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP), et ce, dans le respect de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Nous demandons aussi que des moyens soient pris pour que la Loi sur les normes du travail s’applique de façon effective aux aides familiales du Québec pour le respect de leurs droits en tenant compte de leur situation particulière, notamment leur lieu de travail. Le contexte d’exercice de leur emploi dans une résidence privée fait en sorte que les moyens de mise en application des lois par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) sont inadaptés à la spécificité de la profession. Des programmes devraient être mis en place pour faciliter l’inspection des lieux de travail et l’exercice de leurs droits, le cas échéant », conclut Serge Cadieux.