À l’annonce des résultats du vote postal, des milliers de partisans du mariage entre personnes du même sexe sont descendus dans la rue et dans les parcs de l’immense pays pour danser et chanter sous des nuages de confettis. « Cela veut tout dire, cela veut tout dire », s’exclamait Chris lors d’une manifestation géante à Sydney. Il avait du mal à contenir ses larmes en prenant son conjoint Victor dans les bras. « C’est fantastique. Je suis avec mon partenaire depuis 35 ans et il était si heureux qu’il a fondu en larmes », expliquait Gerry Boller.
Près de 62 % des 12,7 millions de personnes ayant participé à la consultation non contraignante et qui a duré deux mois, ont répondu par la positive à la question suivante : « la loi doit-elle être modifiée pour autoriser les couples de même sexe à se marier ? ». Le « non » a recueilli 38,4 % des suffrages tandis que le « oui » l’a emporté dans chacun des États et territoires du vaste pays continent, d’après le Bureau australien des statistiques, organisateur du scrutin. Alan Joyce, patron d’origine irlandaise de la compagnie aérienne Qantas qui n’a jamais fait mystère de son homosexualité, avait également du mal à retenir ses larmes. -
« J’étais si fier de l’Irlande qui a voté pour l’égalité devant le mariage en mai 2015. Mais aujourd’hui, je suis encore plus fier de l’Australie, le pays que j’ai choisi ». Le Premier ministre Malcolm Turnbull a souhaité que la loi soit modifiée rapidement. Le chef du gouvernement, personnellement favorable au mariage gai, avait organisé cette consultation pour faire pression sur les parlementaires hostiles à la réforme, pour la plupart issus de son propre camp conservateur.
Les Australiens « ont voté oui pour la justice, l’engagement et l’amour », a-t-il dit. « Maintenant c’est à nous au Parlement australien de nous retrousser les manches. De faire ce boulot que les Australiens nous ont chargés de faire, de le faire cette année, avant Noël. Cela doit être notre engagement ». De fait, le sénateur gai Dean Smith, membre du Parti libéral de Malcolm Turnbull, a d’ores et déjà déposé une proposition de loi pour légaliser le mariage gai tout en permettant à certaines organisations religieuses de refuser de marier les couples homosexuels si elles sont contre le principe.
Les tenants de la ligne dure du camp conservateur vont tenter d’obtenir des concessions, comme autoriser les organisateurs privés de mariages à refuser des couples homosexuels. Ils sont soutenus par la communauté musulmane et les chrétiens conservateurs, chez qui le « non » a obtenu de beaux succès.
Divisions
L’Australie semble ainsi partie pour tourner la page après des années d’impasse politique. Selon un sondage réalisé auprès des parlementaires fédéraux par le groupe de médias Australian Broadcasting Corporation, 72 % des membres de la Chambre des représentants et 69 % des sénateurs voteraient pour changer la loi.
Les antimariages gais ont cependant prévenu qu’ils ne lâchaient pas l’affaire. « En démocratie, ce n’est pas parce qu’on gagne qu’on peut avancer comme un bulldozer », a déclaré le sénateur Eric Abetz. « Il faut se rappeler qu’il y a 4,8 millions d’Australiens qui ont en fait voté non. Est-ce qu’on va refuser de les entendre ? Ou va-t-on tenter d’apaiser leurs craintes afin de pouvoir avancer en tant que nation ? »
Si le vote constitue une victoire historique aux yeux des défenseurs des droits LGBT, il a aussi révélé de profondes divisions sociétales. Les militants du « oui » ont déclaré qu’il avait déchaîné sur les gays des discours de haine, ceux du « non » se sont plaints d’être accusés de bigoterie. Avant même l’envoi du matériel de vote en septembre, le débat avait pris une tournure nauséabonde avec des affiches « Arrêtez les pédés » à Melbourne et des tracts décrivant l’homosexualité comme étant une « malédiction de la mort » à Sydney. Le sujet a divisé jusqu’à certaines familles. L’ex-premier ministre conservateur Tony Abbott a milité de toutes ses forces pour le « non », à l’inverse de sa soeur Christine Forster qui est lesbienne.
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