Édition du 19 novembre 2024

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Luttes sociales

France

Violences, blocages, pénurie : ça ne faiblit pas, ça se corse

Avec 3,5 millions de manifestants selon la CGT, les cortèges n’ont pas faibli pour la 6e journée d’action pour les retraites.

En résumé…

Un mail, reçu d’amis américains vivant à Cincinatti, résume le sentiment d’irréalité et de confusion dans laquelle la France se trouve, vu de l’extérieur, mais aussi vécu de l’intérieur :
« En lisant les nouvelles ce matin, je me sens triste pour la France. J’espère que les choses ne sont pas trop difficile pour vous avec ces grèves et ces discordes. »

La BBC renvoyait aujourd’hui l’image d’un pays à feu et à sang. Les Espagnols n’en reviennent pas : eux qui vont voir l’âge de la retraite passer à 67 ans et ont un taux de chômage à 20% ont connu une journée de contestation morte née le 29 septembre.

Pour la sixième journée de mobilisation organisée depuis la rentrée, le nombre des manifestants a atteint 3,5 millions dans toute la France selon la CGT. Comme le 12 octobre. Le gouvernement, par la voix du ministère de l’Intérieur, donne, lui, le chiffre de 1,1 million de manifestants, « quand il étaient 1,2 million le 12 octobre ».

Pillages de magasins à Lyon, poubelles entassées à Marseille
A Marseille les poubelles ne sont plus ramassées, à Nanterre des lycéens rejouent les affrontements de la veille avec la police, 4 000 stations-service sur les 12 500 que compte le territoire sont à sec. Lyon, qui n’avait pas fait parler d’elle, jusqu’à présent se retrouve en vedette sur Youtube avec des vidéos de pillages de magasins.

Lundi, on parlait de « scènes de guérilla urbaine, » avec des guillemets. Les guillemets ont disparu comme le relève Pascal Riché.

A la mi-journée, près de 1 158 « casseurs » avaient été interpellés depuis une semaine en marge des manifestations, selon le ministère de l’Intérieur. Ce matin des incidents ont éclaté un peu partout avec de nombreux dégâts, dont des voitures renversées.

A 8h30 devant un lycée parisien réputé, Hélène-Boucher, des jeunes, surtout des filles brandissaient une banderole qui résumant moins violemment l’état d’esprit lycéen. Angoisses du futur et antisarkozysme s’y mêlent :
« 13 ans en taule, 16 ans pas responsable, 25 ans au chômage, 70 ans mort au taf »

Les conséquences se font sentir sur l’économie

Le Premier ministre François Fillon a jugé ce mardi devant les députés UMP que le mouvement « commençait à s’essouffler, mais se radicalise ». Au total, 379 lycées étaient considérés comme perturbés ce mardi par le ministère (850 selon la Fidl), soit le chiffre le plus élevé depuis la rentrée.

Que va-t-il se passer dans les jours à venir ? N’en déplaise au gouvernement, le mouvement perdure, et les conséquences sur l’économie commencent à se faire sentir, notamment dans les zones rurales où les petites entreprises souffrent du manque de carburant.

Le vote définitif de la réforme qui devait avoir lieu jeudi au Sénat pourrait être retardé à ce week-end. Les syndicats craignent une radicalisation des actions et ne sont pas d’accord sur la stratégie à suivre une fois la loi votée.
Les Français sondés, eux, continuent à soutenir massivement le mouvement. Une étude CSA publiée lundi indique que 71% d’entre eux soutiennent la mobilisation. Blandine Grosjean

20h25. La mobilisation touche aussi l’outremer, notamment en Guyane, nous rapporte Stéphane Trouille, « salarié d’une association et en grève ». Le riverain installé à Saint-Laurent-du-Maroni raconte :
« Plus que manifester, nous avons décidé de mettre l’accent sur l’information à la population, par l’intermédiaire également de projections vidéos gratuites sur la place du marché.

Elles ont lieu tous les vendredis soir avec des films comme “Un autre monde est possible” de Keny Arkana, mais aussi des petits films explicatifs de cette réforme comme les films de la coopérative solidaire Scop Le Pavé ou des extraits d’interventions publique de Bernard Friot.

Aujourd’hui, nous étions près de 1 000 au sein du cortège avec une bonne moitié de lycéens des trois lycées de la ville ainsi que des enseignants, des salariés de l’hopital, du conseil général, des postiers, des salariés d’entreprises privées. »

19h40. Qui a dit que les jeunes ne savaient pas pourquoi ils manifestaient ? Ceux que Rue89 a rencontré ont en tout cas un argumentaire qui commence à être rôdé. Taïs, étudiante en terminale L au lycée Emmanuel-Mounier à Chatenay-Malabry, explique par exemple :
« Y a pas que la retraite qui va pas, il y a l’état actuel de la démocratie en France. Elle n’est pas corrompue, mais ella une base mauvaise, la plupart des pouvoirs sont regroupés dans le Président. »

18h30. A Montparnasse, au micro d’un camion CFDT, ce message d’encouragement pour François Chérèque fait rire les manifestants :
« Serre les fesses et tiens le coup mon grand ! »
Vu également ce camion EDF tagué « Sarko ta pastille “Vichy” passe mal ». François Krug

18h15. A Paris, selon la CGT, 330 000 personnes ont défilé ce mardi, contre 67 000 selon la police, qui en dénombrait 89 000 le 12 octobre.
En France, ils sont 3,5 millions de manifestants selon la CFDT, contre 1,1 million au sein de 260 défilés selon le ministère de l’Intérieur − qui en dénombrait 1,23 million le 12 octobre.

Cinq médiateurs jeunes et police, venus de Meudon-la-Forêt (Hauts-de-Seine), ont participé au défilé parisien pour « essayer de canaliser les provocations » des deux camps :
« Une bande de jeunes a provoqué les forces de l’ordre. On les a remis dans la métro en leur disant qu’ils allaient se faire gazer. Ça a marché. »

Ils ajoutent :
« Les provocations viennent des jeunes et de la police, notamment de la BAC [la brigade anticriminalité, ndlr] en civil, qui a tendance à empoigner les jeunes. Ça peut aller très vite. »

On compte environ quinze photographes pour deux fumigènes. Des manifestants ont d’ailleurs crié aux journalistes :
« Cassez-vous, vous attendez des affrontements mais il n’y en aura pas ! Allez rentrez chez vous ! » Z.D.

18 heures. Le ministre de l’Ecologie et de l’Energie, Jean-Louis Borloo, a annoncé ce mardi après-midi qu’un « peu moins de 4 000 stations-service » étaient « en attente d’approvisionnement » sur les 12 500 que compte l’Hexagone.
« Une vingtaine [de dépôts de carburants] sont bloqués sur 219, le système continue à se dérouler », a-t-il ajouté.

17h45. Une vidéo YouTube, dont la description indique la date de ce mardi et la localisation « rue de Victor Hugo à Lyon », montre le pillage d’un magasin d’informatique Micromania, d’une maroquinerie et l’intervention des forces de l’ordre.

17h30. Lionel, écrivain, adresse ce texto à l’un des membres de la rédaction :
« C’est joli Paris est vide, comme s’il y avait la guerre, et la manif impressionnante. »

Notre journaliste Zineb Dryef nous adresse ce cliché d’une pancarte du cortège parisien :
« Dehors les talon[n]ettes. Place à l’Etat honnête. »

17h15. Le Premier ministre François Fillon a estimé, ce mardi à l’Assemblée nationale, que « l’intimidation, le blocage et la violence sont la négation de la démocratie et du pacte républicain », ajoutant :
« Personne n’a le droit de prendre un pays en otage. »

Mercredi 20 octobre, l’hebdomadaire Le Canard enchaîné devrait titrer − selon la une mise en ligne ce mardi après-midi :
« La pénurie d’essence s’étend, il n’y a que les manifs qui font le plein ! »

17 heures. Notre riveraine emma6456 nous signale, par mail, des affrontements entre pompiers et CRS lors de la manifestation de Vannes (Bretagne) :
« Nous avons buté sur un barrage de CRS qui voulait empêcher d’avancer vers la voie rapide.

Des pompiers, parmi les manifestants, se sont avancés en direction des CRS avec un petit camion miniature qui faisait retentir sa sirène. La foule, ravie, les applaudissait avec des hourras.
Sans qu’il y ait eu aucune violence, les CRS ont attaqué avec les gaz lacrymogènes. Tout le monde a dû reculer. J’ai vu des pompiers sérieusement touchés.

Je suis ensuite restée encore une heure sur place, avec les manifestants. Il n’y a eu aucun débordement.

Je reviens de cette manifestation complètement scandalisée. Les CRS se sont comportés comme des brutes, ce sont les seuls à avoir fait preuve de violence. »

16h45. Notre partenaire Lyon capitale, qui suit en direct la mobilisation lyonnaise − forte de 18 000 à 45 000 manifestants −, signale des dégradations plus importantes que ce lundi − six véhicules incendiés −, et l’interpellation de 56 jeunes.

En voyage en Asie jusqu’à mercredi, le maire de Lyon, Gérard Collomb, lance un appel au calme, via sa page Facebook :
« La situation se dégrade. Un peu partout des incidents se produisent. Je condamne ces débordements et en appelle au calme. »

16h30. Le maire de Nanterre Patrick Jarry a lancé un nouvel appel au calme. Le lycée Joliot-Curie a été temporairement fermé et le maire a demandé aux policiers une moindre démonstration de force.

« Si certains jeunes, de toute évidence, pensent ainsi exprimer leur désarroi, leur perte de confiance dans une société d’exclusion, leur angoisse face à l’avenir, notre devoir est de leur dire que la violence et la recherche systématique d’affrontements avec la police ne mèneront à rien. »

16h15. Notre riveraine Kalucine nous fait parvenir ces clichés de la manifestation marseillaise, également publiés sur le blog éponyme, sous le titre : « Quelques mots à te dire… »

15h30. (De Nanterre) Aux alentours du groupe scolaire Joliot-Curie, à Nanterre, pas un abribus, pas un panneau publicitaire n’a été épargné ce mardi matin par le passage d’une centaine d’adolescents.

Deux voitures au moins ont été incendiées et les vitres d’un restaurant ont été brisées. Les CRS ont d’abord tenté de les interpeller avant de se faire rapidement semer dans la cité Pablo-Picasso.
Certains « casseurs » seraient bien scolarisés dans les lycées de Nanterre mais les CRS refusent l’amalgame. L’un d’entre eux :
« Des lycéens ? Où ça ? Moi, j’appelle ça des délinquants. On n’est plus dans le mouvement de contestation. »

Cinq lycéens, croisés en bas d’un immeuble de la cité Pablo-Picasso nient avoir participé aux dégradations, mais assurent avoir reconnu des « copains ». S’ils ne comprennent pas ce déchainement de colère, ils argumentent :
— « Ils ont fait une manifestation pacifiquement, la police n’a rien voulu comprendre, ils les ont gazés, ils les ont frappé en mélangeant [lycéens] et casseurs […]. C’est pour ça qu’ils ont commencé à casser les voitures. »
— « C’est un peu excessif, non ? »
— « Bien sûr, c’est excessif de brûler des voitures, je ne sais pas très bien pourquoi ils font ça mais c’est sûr, demain ils vont continuer. »
— « Vous les connaissez ? »
— « Je connais des gens qui étaient là [lundi] et [ce mardi] mais il y en a qui sont au lycée et d’autres qui sont venus après la pub qui a été faite à la télé sur les casseurs. »
— « Moi personnellement, je ne connais pas de casseurs, mes amis, c’est seulement ceux qui font la manif pacifiquement et même eux, la police les a chargés. »
— « On a été gazés ce [mardi] matin. Les CRS, ils s’en prennent à nous parce qu’on est capuchés. Ils nous ont frappé. »
— « C’est vrai. Ils nous ont dit : “Si vous voulez pas vous faire frapper, enlevez vos capuches.” »
— « Et pourquoi vous les enlevez pas ? »
— « Ben, il fait froid. »

Une dizaine de CRS passent devant l’immeuble. La petite bande applaudit les photographes et s’inquiète de l’attitude des forces de l’ordre à leur égard, craignant de se faire gazer.

Les CRS ne s’arrêtent pas. L’un d’eux :
« On dit que c’est de notre faute s’ils s’excitent, on a reçu l’instruction de retourner au commissariat. »

A Lyon, les affrontements ont repris ce mardi matin entre adolescents et policiers et se sont soldés par au moins treize interpellations, cinq véhicules incendiés et trente renversés. Zineb Dryef

15h15. A Marseille, entre 23 000 personnes, dont 800 étudiants, selon la police, et 240 000 − record de participation depuis le début du mouvement − selon les syndicats, défilent contre la réforme des retraites.
A Bordeaux, environ 140 000 personnes − record de participation également − selon les syndicats, et 34 000 selon la police, manifestent.

15 heures. A l’issue du sommet franco-germano-russe de Deauville, le président de la République Nicolas Sarkozy en a appelé « à la responsabilité de l’ensemble des acteurs » : :
« Je comprends l’inquiétude. Dans une démocratie, chacun peut s’exprimer. Mais on doit le faire sans violence et sans débordement.

J’en appelle à la responsabilité de l’ensemble des acteurs pour que les choses ne franchissent pas certaines limites. […]

Il faut faire très attention à l’arrivée d’un certain nombre de casseurs et je verrai également avec les forces de l’ordre pour que l’ordre public soit garanti. »
Le Premier ministre François Fillon a lui déclaré, ce mardi devant des députés UMP, que le mouvement « plafonne, commence à s’essouffler », avec « jamais plus d’un million de personnes dans les rues », mais que, parallèlement, « il se radicalise ».

Il a également annoncé qu’« un plan d’acheminement a été mis en place ce matin avec Dominique Bussereau, le secrétaire d’Etat aux Transports », ajoutant : « Dans quatre ou cinq jours, la situation redeviendra normale. »

A 16 heures ce mardi à Matignon − pour qui « un tiers des départements » sont touchés par les pénuries −, le Premier ministre présidera une réunion « sur la distribution de carburants » avec les principaux acteurs du secteur.

A 14 heures place d’Italie, au départ de la manifestation parisienne,, le secrétaire général de CFDT François Chérèque a lancé « un appel au calme » et « à ne pas céder aux provocations », qu’elles viennent « de groupes de provocateurs ou de la police ».

Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, a lui appelé le gouvernement à « entendre l’ampleur de cette protestation » et à accepter « des négiociations avec les syndicats ».

13h30. Lanni Ludovico, notre riverain, nous informe par mail :
« Paris 8 est en grève contre la réforme des retraites. Le blocage a été voté pendant la dernière assemblée générale, à laquelle ont participé 5% des étudiants.

Vers 9h20, une vague de lycéennes se dirigent vers l’entrée principale. Volent quelques sacs à main, quelques portes monnaie, et s’enfuient dans le métro.
La police arrive, en retard. Cette arrivée nous calme subitement. Devant la peur et la violence, on demande instinctivement une force plus grande, plus nette, plus farouche.

“ Ces policiers qui nous protègent seront les mêmes qui vont taper sur les manifestants pendant la grève ”, me fait remarquer un militant Unef. »
13 heures. A la mi-journée, le ministère de l’Intérieur compte 480 000 manifestants en France, contre 500 000 mardi 12 octobre.

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