Édition du 17 décembre 2024

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Amérique latine

Venezuela : Les défis après la victoire sur le fil du candidat chaviste

Nicolás Maduro se donnait pour objectif de recueillir les électeurs de Hugo Chávez et même de les dépasser en obtenant 10 millions de votes. Mais il n’en a seulement obtenu que 7.505.338, en perdant 600.000 suffrages par rapport aux dernières élections remportées par Chávez. Maduro ne l’a emporté qu’avec une différence de 300.000 votes, soit 50,6% contre 49,07% pour Henrique Capriles. L’abstention a légèrement progressée, passant de 20 à 22%, ce qui démontre que la majorité des 600.000 votes perdus par Maduro ont directement été à l’opposition qui, imitant Chávez et disputant son héritage, est parvenue non seulement à entraîner un secteur de la classe moyenne auparavant chaviste, mais aussi des secteurs ouvriers.

La campagne du candidat chaviste a été très pauvre : un grand déploiement de rhétorique nationaliste (que Capriles a contrecarré en utilisant la figure de Bolivar et le drapeau national) ; des appels répétés à la loyauté (en partie destinés à la lutte interne qui se livre dans l’appareil étatique) et non à l’initiative et à l’auto-organisation populaires ; un silence absolu sur les organes de pouvoir populaire et un mélange de religiosité et de mysticisme.

La campagne de Capriles, mensongère et insidieuse, fut plus habile parce qu’il a pris soin de distinguer Chávez de ses successeurs et a concentré ses attaques sur ces derniers, en mentionnant continuellement les privilèges, la corruption et les affaires de la bolibourgeoisie tout en faisant silence sur ses plans et ses contacts avec l’impérialisme.

Les votes chavistes qu’il a gagné et ceux qui se sont abstenus ne furent cependant pas des votes d’espoir mais bien l’expression d’une protestation contre un taux d’inflation de 20% qui dévore les salaires ; contre les effets négatifs de la dévaluation sur les secteurs populaires ; contre la délinquance, la violence, la corruption et contre les privilèges de nombreux fonctionnaires - comme on l’a vu lors de l’enterrement de Chávez quand la foule a forcé les ministres à sortir de leurs luxueuses voitures pour marcher avec elle.

Capriles veut maintenant un recomptage des votes, malgré le fait que le vol d’urnes est impossible au Venezuela. Le gouvernement des Etats-Unis, qui n’a pas de leçons à donner en la matière suite aux élections de 1998 et de 2006, appuie Capriles et prépare un coup d’Etat déguisé en campagne démocratique et moraliste. Washington et la droite anti-chaviste tissent maintenant des liens avec la droite du chavisme et avec le secteur le plus conservateur des forces armées pour impulser ensuite une campagne qui combinera sabotages, fuite de capitaux, campagne de presse, lock-out patronaux, manifestations étudiantes violentes pour obtenir des martyrs et corruption de personnalités civiles et militaires dans les milieux officiels.

Le danger immédiat réside donc dans la droite chaviste qui interprétera la faible marge de votes qui a permise au chavisme de continuer à gouverner comme un signal pour stopper le rythme du processus et négocier avec l’opposition en lui faisant des concessions.

Mais si les 1.600 entreprises expropriées fonctionnent mal, la solution ne réside pas dans leur reprivatisation mais au contraire dans le fait de les administrer mieux sous le contrôle de leurs travailleurs. Si les organismes du pouvoir populaire ne fonctionnent qu’à moitié, il ne faut pas les éliminer : il faut au contraire cesser de les asphyxier par le contrôle exercé à partir de l’appareil d’Etat et leur donner plus de responsabilités. S’il existe une délinquance importante, il faut permettre que le contrôle et l’organisation des quartiers populaire la combatte par tous les moyens et non avec une police corrompue et corruptible. Les droits démocratiques sont garantis par le référendum révocatoire, mais pour offrir une issue positive au mécontentement et saper la base sociale du putschisme au visage « démocratique », la révocation des mandats doit d’étendre à toutes les charges publiques. Au lieu d’interdire les grèves et réprimer les syndicats et les travailleurs, il faut discuter avec eux sur pied d’égalité. Au lieu de transformer le socialisme en un mot creux et propagandiste, il faut discuter publiquement, sans détour et avec tout le monde, sur quelles doivent être les mesures qui aident à le préparer, et discuter sur comment éviter la bureaucratie et la corruption avec la participation consciente et organisée des ouvriers, des étudiants et des intellectuels. Au lieu d’embellir la réalité, il faut pointer du doigt à temps les difficultés pour les résoudre. Au lieu du paternalisme et de la loyauté envers les dirigeants, il faut développer l’initiative, la créativité, l’innovation, la critique et la construction de la citoyenneté.

Maduro a promis des augmentations massives et immédiates des salaires qu’il ne pourra ne pas accomplir sans payer un prix politique élevé. Mais avec un taux d’inflation très important, des pénuries alimentaires, le marché noir et la baisse des revenus réels, ces augmentations ne pourront que compenser partiellement la perte du pouvoir d’achat. Le Venezuela ne peut pas continuer à dépendre du prix du pétrole : il doit produire et élever sa productivité. Il faut appliquer les mesures qui permettent d’en finir avec l’incapacité et la corruption dans les appareils administratifs et qui favorisent les grandes firmes importatrices. Et il faut former de toute urgence des administrateurs et des techniciens efficaces et innovateurs.

Il est également nécessaire d’apprendre du passé et, au lieu de se guider par une image déformée et mythique de l’expérience péroniste, apprendre sérieusement pourquoi Perón a mené dans les années 1950 l’économie argentine dans une voie sans issue et fut renversé et pourquoi, dans les années 1970, il a répété cette politique néfaste et ouvert la voie à une féroce dictature de droite. Il est fondamental que l’histoire latino-américaine et l’histoire du socialisme se discutent sans entraves ni limites parce qu’on ne peut préparer l’avenir si l’on est incapable d’apprendre du passé.

Face à la presse putschiste, il faut stimuler la création d’une presse de gauche, de syndicats, de groupes, d’organisations : si elle critique certaines mesures du gouvernement, cela permettra si nécessaire de les corriger ou, au contraire, de convaincre les critiques qu’ils sont dans l’erreur. En un mot, pour réduire la force de frappe du putschisme en marche et pour le vaincre, il n’y a pas d’autre voie que d’en appeler aux travailleurs et d’approfondir le processus.

Source :
http://www.enlacesocialista.org.mx/articulo/venezuela-el-peligro-inmediato-reside-en-la-derecha-chavista

Traduction française pour Avanti4.be ; Ataulfo Riera

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