L’auteur est présentement au Chili.
Le fer de lance de la mobilisation actuelle sont des adolescents et des adolescentes de 14 à 18 ans, de niveau secondaire. Cette mobilisation s’est d’abord construite sur deux revendications immédiates : un laissez-passer gratuit aux étudiants et étudiantes pour la locomotion collective et la gratuité de l’examen académique (national) exigé pour postuler aux universités du pays. En fait, ces revendications avaient déjà provoqué des mobilisations importantes au cours des années passées. De petites améliorations avaient été introduites au cours du régime antérieur de Ricardo Lagos.
Cette année, les mobilisations étudiantes ont repris au début mai. La Police —el grupo mobile— dès le point de départ, a tenté d’étouffer la mobilisation avec des mesures de répression brutales et des arrestations massives. L’effet a été le contraire. La solidarité s’est traduite par des assemblées, des débats et une remise en question du manque de moyens dont souffre l’éducation publique depuis la contre-réforme de Pinochet qui avait coupé les moyens financiers aux écoles publiques - via la municipalisation— laissant le soin aux municipalités de financer les écoles.
La grogne initiale des adolescents et adolescentes de niveau secondaire a pris des proportions telles qu’elle s’est étendue dans toutes les villes, se traduisant par des manifestations massives et combatives et par des occupations de centaines d’institutions scolaires. L’amplitude des manifestations est davantage visible dans la capitale Santiago. Cependant, même dans les petites villes les étudiants et étudiantes sont dans la rue, bloquant occasionnellement les ponts et leurs écoles.
Enfin, et c’est le fait le plus important, ces centaines de milliers d’étudiantes et étudiants mobilisés —on parle de 600 000 à 700 000— tiennent tête à la police et sont allés chercher les appuis solidaires des universitaires, du personnel enseignant, de nombreuses écoles privées, des centrales syndicales et des comités de parents.
Le gouvernement de la concertation de Michelle Bachelet a dû réagir. En début de semaine, répondant à l’invitation du gouvernement, les représentantes et les représentants des associations étudiantes, accompagnés de nombreux délégués, se sont présentés pour négocier avec le ministre de l’éducation et ses conseillers. Ces derniers ont refusé de négocier, prétextant que les étudiantes et étudiants étaient présents en trop grand nombre, et qu’on ne pouvait pas travailler.
Les journalistes ont vite relayé cette attitude arrogante des fonctionnaires et du ministre qui, pour sa part, n’a pas voulu se présenter à la rencontre. La pression exercée et la mobilisation, s’accentuant de plus en plus, obligea le cabinet de Madame Bachelet à se réunir tous les jours sur cette question et même, durant deux jours, le ministère de l’éducation a dû tenir des réunions ouvertes pour discuter autour d’une même table avec les délégations étudiantes.
Le 1er juin dernier, Madame Bachelet, dans un discours à la nation, a cédé en grande partie aux deux revendications immédiates du mouvement avec l’ajout de fonds importants pour financer ces mesures. À moyen terme, la présidente Bachelet promet l’ajout de fonds considérables pour restaurer les infrastructures matérielles des écoles et la mise en place de comités de travail pour étudier les réformes pédagogiques qui s’imposent. Dans les prochains jours, on devra apprendre si les propositions du gouvernement sont, ou non, suffisantes pour désamorcer la mobilisation et les occupations.