Le Green New Deal n’est pas une idée neuve. Barack Obama l’avait inclus dans sa plateforme électorale victorieuse de 2008 [3] pour l’abandonner prestement deux ans plus tard devant le blocage systématique des Républicains nouvellement majoritaire au congrès suite aux élections de mi-mandat. La Fondation Verte Européenne, liée aux partis verts de ce continent, a publié dès 2009 une proposition stratégique intitulée « A Green New Deal for Europe ». Ces premières moutures du GND étaient essentiellement des propositions de relance économique keynesienne par le biais d’investissements massif dans les technologies propres et de vagues propositions de création d’emplois verts. En bref, un habillage vert des plans de relance du capitalisme après le krach de 2008.
En totale contradiction avec ses premières versions technocratiques et élitistes, Sanders et Ocasio-Cortez proposent un Green New Deal radical qui transformerait durablement la donne sociale aux États-Unis par une mobilisation massive des classes populaires et des communautés racialisées et marginalisées afin de gagner une transition juste vers une économie décarbonisée. Ils proposent une mobilisation sur 10 ans pour sortir des hydrocarbures et fournir une énergie à 100% renouvelable, attaquant ainsi de front les grandes sociétés pétrolières et leur immense pouvoir économique. Les investissements massifs nécessaires à la reconversion de l’économie et à la création d’emplois verts seraient financés par des taxes accrues sur les grandes sociétés et les ultra-riches ainsi que par des réductions dans les dépenses militaires. Cette vaste transition écologique serait jumelée à une réforme sociale en profondeur incluant notamment l’assurance médicale universelle (medicare for all), la gratuité scolaire ainsi qu’un programme massif de logements sociaux. Au niveau international les États-Unis s’investiraient dans l’aide aux pays en développement voulant combattre les changements climatiques tout en assumant leur pleine responsabilité en tant que grand pays émetteur de GES.
Cette vision stratégique est en rupture ouverte avec le néolibéralisme. Elle frappe de plein fouet le capitalisme fossile et financier américain. C’est toute la structure économico-sociale et sa logique de valorisation du capital qui est remise en cause. Pousser à bout, ce Green New Deal radical, pointe vers la nécessité de dépasser le capitalisme et amorcer la transition vers un socialisme démocratique et écologique, l’écosocialisme.
Comme nous le rappelle John Bellamy Foster [4], le rédacteur en chef de la Monthly Review et le penseur éco-socialiste le plus influent dans le monde anglo-saxon, « ces stratégies d’un Green New Deal populaire forment ce que la théorie socialiste appelle des réformes révolutionnaires, c’est-à-dire des réformes qui promettent une restructuration fondamentale du pouvoir économique, politique et idéologique et qui pointent vers une transition du capitalisme au socialisme ».
Un authentique New Deal vert se doit de gagner un appui populaire très vaste pour devenir le programme d’action des classes subalternes et de toutes les couches marginalisées et opprimées. En même temps, comme le souligne Naomi Klein [5]), pour réaliser ses promesses, un tel plan se doit de garder sa charge anti-systémique et combattre toutes les manœuvres voulant le rabaisser à une simple tentative de badigeonner le capitalisme en vert.
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