2 octobre 2024 | tiré du site du Parti du travail de Belgique | Photo de deux magazines : l’un avec Donald Trump sur la couverture, l’autre avec Kamala Harris sur la couverture
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Comment fonctionnent les élections aux États-Unis ?
Tout d’abord, revenons un instant sur le choix qui s’offre aux électeurs étasuniens. Ce que l’on remarque immédiatement, c’est que le vainqueur des élections présidentielles est toujours issu du parti démocrate ou du parti républicain. Depuis plus de 150 ans !
Pourquoi ? Parce que dans la pratique, le système électoral étasunien favorise une sorte de « bipartisme ». Toutes les élections aux États-Unis fonctionnent selon le principe du « winner takes all » (le vainqueur rafle la mise) : un seul député peut être élu par circonscription, par exemple. C’est pourquoi les candidats se regroupent en deux partis au maximum, afin d’avoir une chance de remporter le siège.
L’élection présidentielle est une élection par paliers : le peuple élit des « grands électeurs » qui, à leur tour, désignent le président. Chaque État présente un nombre fixe de grands électeurs, et toutes leurs voix vont au candidat qui obtient le plus de voix dans cet État.
Les petits États possédant proportionnellement plus de grands électeurs que les États plus vastes, il arrive régulièrement qu’un candidat devienne président grâce à une majorité en termes de grands électeurs, même si le candidat adverse a obtenu plus de voix dans l’ensemble du pays.
Le parti démocrate et le parti républicain ne sont pas non plus des partis tels que nous les connaissons, avec une idéologie et un processus décisionnel interne clairs. Il s’agit plutôt de plates-formes ouvertes dédiées aux élections.
Chaque parti comporte différents courants qui constitueraient des partis distincts en Europe. Alexandria Ocasio-Cortez, par exemple, est une sociale-démocrate progressiste, mais elle évolue dans le même parti que la libérale Kamala Harris. Au sein du parti républicain, il existe également des divisions importantes entre les modérés et les pro-Trump. Mais étant donné que le système électoral favorise un choix entre deux candidats, tous les politiciens traditionnels se rallient aujourd’hui soit à Harris, soit à Trump.
En effet : un troisième candidat de droite (extrême) ne ferait que diviser le vote de droite et favoriserait donc la victoire d’Harris, alors qu’un troisième candidat de centre (gauche) assurerait celle de Trump.
Deuxième particularité de l’élection présidentielle étasunienne : dans au moins 40 des 50 États, le résultat est connu d’avance.
Prenons l’exemple de la Californie, l’État le plus peuplé. Là, les démocrates gagnent toujours. Les républicains ne gaspillent plus d’argent et d’efforts pour y faire campagne.
À l’inverse, les républicains l’emportent toujours dans certains États peu peuplés et ruraux, comme l’Idaho ou l’Alabama. C’est pourquoi les démocrates n’y font pas campagne.
Par conséquent, la bataille électorale se déroule dans ce que l’on appelle les « swing states », des États où la bataille est serrée et dont les grands électeurs peuvent se révéler déterminants pour la victoire finale. Cette fois-ci, il y a à peine sept États où se joue l’ensemble de la campagne : le Michigan et le Wisconsin au nord, la Pennsylvanie à l’est, l’Arizona et le Nevada au sud-ouest et la Géorgie et la Caroline du Nord au sud-est. Le vote de plus de 80 % des électeurs étasuniens n’a donc aucune importance.
Dernière caractéristique importante : ces élections sont dominées par l’argent. Des milliardaires et des grandes entreprises déboursent des sommes considérables pour soutenir l’un ou l’autre candidat, en échange d’un droit de regard sur la politique. En d’autres termes, il s’agit d’une forme légale de corruption.
Le fait que les intérêts de l’élite priment se voit également au niveau des candidats. Ces élections présidentielles sont en réalité un face-à-face au sein de l’establishment, avec d’un côté l’ex-président Trump, lui-même milliardaire, et de l’autre la vice-présidente Harris, qui vit entourée de conseillers de haut niveau, d’avocats d’élite et de cadres supérieurs de multinationales.
La classe travailleuse a beaucoup moins d’influence sur le processus électoral. Le fait que les élections se déroulent traditionnellement un mardi et non un dimanche ou un jour férié compliqué également le vote des travailleurs.
Les projets du milliardaire Trump pour plumer la classe travailleuse
De nombreux médias européens dépeignent Donald Trump comme un fou ou un clown qu’il ne faut pas prendre au sérieux. En réalité, c’est un politicien avisé qui a une réelle chance de redevenir président. Non pas en recueillant plus de voix qu’Harris, mais en obtenant plus de voix de grands électeurs des petits États et des « swing states », comme en 2016. Voyons ce que Trump prévoit de faire dans son pays.
Trump affirme à ses électeurs qu’il souhaite soutenir les travailleurs étasuniens ordinaires. Mais est-ce vraiment le cas ?
En tant que président, Trump a modifié les règles relatives aux heures supplémentaires. Conséquence : 8 millions de travailleurs étasuniens n’ont plus droit au paiement de leurs heures supplémentaires.
Il a également permis aux employeurs de licencier plus facilement leurs employés lorsque ceux-ci demandent une augmentation de salaire ou de meilleures conditions de travail.
Au cours de la dernière législature, la majorité républicaine au Congrès (le Parlement des États-Unis) a bloqué les propositions de loi visant à augmenter le salaire minimum fédéral, qui stagne depuis 2009. Aujourd’hui, Trump promet que, s’il gagne mais que les démocrates obtiennent la majorité au Congrès (un scénario probable), il utilisera son veto présidentiel pour empêcher le Congrès d’augmenter le salaire minimum.
Trump a également mis en place une réduction d’impôt pour les hauts revenus et les grandes entreprises. Un cadeau à lui-même et à ses alliés capitalistes. Mais cela n’a apparemment pas suffi, puisque Trump veut encore réduire ces impôts. Il désire même totalement supprimer les droits de succession pour les plus riches.
Les républicains veulent compenser l’impact de ces mesures sur le budget en réduisant les dépenses sociales. Pour que les choses soient claires : les étasuniens ordinaires ne bénéficient pas de ces réductions d’impôts, mais ils en subissent les effets.
Trump s’en prend aux syndicats et aux droits démocratiques
Lors d’un entretien en direct avec le richissime Elon Musk, Trump a déclaré que les travailleurs qui font grève devraient être licenciés. Il promet d’opposer son veto aux propositions de loi visant à faciliter la création d’un syndicat.
Les juges nommés par Trump prévoient même d’abroger la loi de 1935 autorisant les négociations collectives. Chaque employé devrait alors négocier lui-même son salaire et ses conditions de travail. Lorsqu’il était président,Trump a également placé à la tête du National Board for Labor Relations (un organisme qui régule les conflits sociaux) une personne qui a rendu l’organisation des syndicats aussi difficile que possible.
Cette position anti-syndicale est un exemple de la façon dont Trump s’en prend aux droits démocratiques du peuple étasunien. En affaires comme en politique, Trump souhaite prévenir toute résistance venant d’en bas.
Sa préférence pour un système politique autoritaire s’est clairement manifestée en janvier 2021, lorsqu’il a refusé d’accepter sa défaite électorale. L’appel qu’il a lancé à ses partisans pour qu’ils s’opposent à la passation de pouvoir a débouché sur la violente prise d’assaut du Capitole, le bâtiment du Parlement à Washington.
Si Trump peut redevenir président, il s’est préparé à ne pas céder le pouvoir à nouveau. Pour ce faire, il reçoit l’aide d’un groupe de réflexion conservateur qui a créé le « Project 2025 » qui, entre autres choses, se prépare à remplacer des dizaines de milliers de fonctionnaires fédéraux et de magistrats par des fidèles de Trump prêts à faire des entorses au protocole ou, dans certains cas, à enfreindre les lois, pour lui permettre d’atteindre ses objectifs.
Comment un milliardaire qui veut ouvertement plumer la classe travailleuse, museler les syndicats et démolir les droits démocratiques peut-il s’emparer du pouvoir ? En montant les gens les uns contre les autres.
Nous connaissons tous la tactique de Trump qui consiste à diviser pour mieux régner : répandre la haine contre les migrants, les musulmans, les femmes, les personnes LGBT+, etc. Il souhaite ainsi diviser et affaiblir la classe travailleuse étasunienne, afin qu’elle ne puisse pas se révolter collectivement contre la classe des milliardaires qui l’exploite et l’opprime.
Pour de nombreuses personnes, les conséquences de cette sinistre stratégie sont dramatiques. Songez aux millions de femmes qui ont perdu leur droit à l’IVG à cause d’une décision de la Cour suprême qui a été nommée par Trump. Trump s’oppose aujourd’hui à une loi nationale visant à légaliser à nouveau l’IVG dans tous les États.
Ou pensez aux nombreux réfugiés morts et blessés à la frontière avec le Mexique, où Trump a fait construire son mur ignoble et où les forces de l’ordre répriment violemment les migrants depuis lors. Aucun Étasunien ordinaire ne s’en porte mieux. Pourtant, la rhétorique raciste s’amplifie. Au lieu de « build the wall » (construisez le mur), comme il y a huit ans, Trump fait désormais scander à ses partisans : « mass deportation now ! » (déportez-les en masse maintenant !). Il souhaite expulser des millions de familles, des familles de travailleurs migrants qui souvent habitent, travaillent et vont à l’école aux États-Unis depuis des années. Trump gagne du soutien pour ce point en blâmant les migrants pour tout ce qui va mal, en allant jusqu’aux fake news sur les réfugiés qui mangeraient les animaux de compagnie des Étasuniens.
Républicains et démocrates s’alignent sur Chine
Sur le plan international, Donald Trump a déclaré que la Chine était l’ennemi numéro un. Pour contrer le développement de la Chine, il a initié un véritable changement de paradigme il y a huit ans. Depuis la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont toujours prôné le libre-échange1. À cette fin, les États-Unis ont créé des institutions internationales telles que l’Organisation mondiale du commerce et leur politique de mondialisation2. Les États-Unis en ont été le moteur après la chute de l’Union soviétique dans les années 1990 et 2000.
La mondialisation a été imposée au reste du monde, que ce soit par la manière douce ou par la force. Pendant longtemps, elle a surtout profité aux multinationales étasuniennes, mais face à l’avancée économique de la Chine, Trump a été le premier président à changer de cap et à réinstaller des droits de douane à l’importation de certains biens et services chinois. Certaines entreprises chinoises, comme Huawei, ont même été interdites aux États-Unis. Si Trump est réélu, il promet d’introduire des droits de douane de 60 % sur tous les produits chinois.
Dans son livre Mutinerie, Peter Mertens décrit comment la montée en puissance de la Chine contribue à un monde en mutation dans lequel la position des États-Unis en tant que première superpuissance est remise en question.
Ainsi, même les démocrates, qui ont été les plus fervents défenseurs du libre-échange pendant des décennies, ont suivi l’orientation protectionniste de Trump. Les droits de douane que Trump a introduits contre la Chine ont été maintenus sous la présidence de Joe Biden et même complétés par de nouvelles restrictions à l’importation et à l’exportation de technologies stratégiques. Les droits d’importation sur les voitures électriques chinoises ont même été portés de 25 à 100 %.
Joe Biden a également brisé le tabou de la politique industrielle avec son « Inflation Reduction Act », le plus grand programme de subventions industrielles depuis la Seconde Guerre mondiale. Avec 800 milliards de dollars de subventions, Washington tente d’attirer aux États-Unis les investissements dans les technologies stratégiques.
Bien qu’il y ait certaines différences dans leur approche, Trump et Biden avancent dans la même direction. Et cette direction est celle d’une nouvelle guerre froide. En effet, les États-Unis tentent également de convaincre leurs alliés de réduire leurs échanges avec la Chine.
La pensée en bloc de la guerre froide est de retour : au siècle dernier, il y avait le bloc des États-Unis contre le bloc de l’Union soviétique. Aujourd’hui, Washington voudrait à nouveau former un tel bloc contre la Chine. Cette stratégie n’est pas innocente, car la guerre commerciale des États-Unis et leur constitution d’un bloc contre la Chine comportent un risque d’escalade militaire. Dans ce cas, une troisième guerre mondiale ne serait pas loin.
Les États-Unis rendent le génocide à Gaza possible
Dans un contexte où les États-Unis se battent pour préserver leur empire, les différents courants politiques se rapprochent également sur d’autres questions internationales. On dit souvent de Trump qu’il est « pro-russe », mais en réalité, démocrates et républicains souhaitent à peu près la même chose : que l’Europe n’achète pas de gaz naturel russe mais étasunien, et que les pays européens de l’OTAN augmentent leurs dépenses militaires pour contenir la Russie, laissant les États-Unis libres de se concentrer sur la Chine.
Un autre exemple de cette focalisation stratégique sur la Chine est le retrait d’Afghanistan, négocié par Trump et mis en œuvre par Biden.
Même au Moyen-Orient, les différences ne l’emportent pas sur les similitudes. Donald Trump se présente comme le « meilleur ami d’Israël » et est proche depuis des années du Premier ministre israélien d’extrême droite Benjamin Netanyahu, qui est actuellement responsable de la guerre à Gaza et au Liban. En tant que président, Trump a clairement indiqué qu’il rejetait le droit des Palestiniens à un État lorsqu’il a déplacé l’ambassade des États-Unis en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem. En vertu du droit international, cette ville est la capitale des territoires palestiniens et est illégalement occupée par Israël.
En outre, Trump a donné le coup d’envoi des « accords d’Abraham », une série de réconciliations diplomatiques entre Israël et les pays arabes et nord-africains. Leur objectif stratégique est de mettre en place une coalition régionale contre l’Iran, dirigée par Israël. Sous Biden, de nouveaux accords d’Abraham ont été conclus, bien que son administration ne parle pas bruyamment de guerre contre l’Iran comme le fait Trump.
Les démocrates continuent de soutenir le droit des Palestiniens à disposer d’un État dans leurs paroles, mais leurs actions disent le contraire. L’administration Biden n’a rien fait au cours de l’année écoulée pour mettre un terme à la guerre d’Israël et au potentiel génocide à Gaza, alors que Washington dispose de nombreux moyens pour maintenir Tel-Aviv dans le droit chemin s’il le souhaite. Pire encore, la guerre serait même impossible sans le soutien actif des États-Unis.
Depuis le 7 octobre 2023, les États-Unis envoient chaque mois des armes et des munitions à Israël, pour un total de plus de 50 milliards de dollars. Le dernier programme d’aide comprenant des avions de combat et des bombes a été approuvé par le gouvernement étasunien le 14 août. Aucun président n’a jamais apporté autant de soutien militaire à Israël que Joe Biden. Au cours de la convention nationale des démocrates3, Kamala Harris a rappelé qu’elle soutiendra toujours Israël.
Une situation complexe pour la gauche étasunienne
Pour de nombreux jeunes Étasuniens actifs dans le mouvement de protestation contre la guerre à Gaza, cela a été le facteur décisif pour se détourner de l’ensemble du système bipartisan. Les tentatives visant à faire pression sur les démocrates pour qu’ils imposent un embargo sur les armes à Israël et se prononcent en faveur d’un cessez-le-feu se sont heurtées à un mur. Kamala Harris s’est moquée des militants qui ont interrompu son discours et a refusé qu’un Palestinien prenne la parole lors de la convention nationale du parti démocrate, alors qu’un Israélien a pu s’exprimer.
Le mouvement pro-palestinien appelle donc à ne voter ni pour Trump ni pour Harris. Tout comme le mouvement contre la guerre au Vietnam des années 1960 avait également boycotté les élections parce que les deux partis étaient favorables à la poursuite de la guerre.
De nombreux syndicats, dont l’United Auto Workers (UAW), critiquent également les politiques de Biden et Harris et soutiennent l’appel à un cessez-le-feu à Gaza.
Pourtant, Shawn Fain, dirigeant de l’UAW, a exprimé son soutien à Harris lors de la convention nationale du parti démocrate. Pour lui, l’attitude à l’égard des syndicats est déterminante. Dans son discours, Fain a souligné que Joe Biden avait été le premier président à se rendre sur un piquet de grève, et a qualifié Trump de « briseur de grève » pour avoir refusé de soutenir une grève importante chez General Motors dans l’Ohio en 2019.
Shawn Fain n’est certainement pas d’accord avec tout ce que font les démocrates, mais en ce qui concerne les droits syndicaux, les mandats de Trump et de Biden ont été comme le jour et la nuit.
Par exemple, le chef du Conseil national du travail nommé par Donald Trump a interdit aux syndicats de s’organiser dans les universités privées. La personne que Joe Biden a nommée à sa place a annulé cette interdiction. Cela a permis à l’UAW de créer un syndicat pour les doctorants de la prestigieuse université CalTech en Californie.
Ce n’est que lorsque la classe ouvrière a la liberté de s’organiser qu’elle peut riposter. C’est pourquoi la plupart des syndicalistes de gauche appellent à voter contre Donald Trump afin qu’il soit encore possible de poursuivre la lutte sous Kamala Harris.
Une partie de la gauche, quant à elle, tente de sortir de l’impasse du système bipartisan. Par exemple, Jill Stein, candidate du parti écologiste, tente d’attirer les électeurs démocrates qui veulent protester contre le soutien à Israël ou contre le fait que Biden a permis de pomper plus de combustibles fossiles que n’importe quel autre président.
Le philosophe socialiste et antiraciste Cornel West se profile également comme candidat indépendant.
Claudia de la Cruz est candidate pour le Party for Socialism and Liberation (PSL), un parti de gauche anticapitaliste qui souhaite profiter de l’élection présidentielle pour diffuser son message auprès d’un public plus large.
De son côté, un autre parti de gauche, le Democratic Socialists of America (DSA), a décidé de ne pas participer lui-même, mais aussi de ne pas soutenir Kamala Harris. Ils se concentrent principalement sur les élections parlementaires, où ils tentent de faire élire des candidats de gauche par le biais des listes électorales des démocrates.
L’Europe a besoin d’une trajectoire indépendante
Pour la classe travailleuse étasunienne, Trump représente une menace plus grande que Harris. Pour les Palestiniens de Gaza, il n’y a guère de différence. Mais quels sont les enjeux pour nous en Europe ? Une victoire de Trump accélérerait la guerre froide avec la Chine et ferait le jeu des forces d’extrême droite en Europe, de Viktor Orbán en Hongrie à Giorgia Meloni en Italie, en passant par Tom Van Grieken en Belgique. Mais une victoire de Harris ne serait pas non plus favorable à la paix et à l’économie européenne, avec des politiques à l’égard de la Chine similaires à celles des républicains.
Trump ou Harris au pouvoir, si l’Europe laisse les États-Unis l’entraîner dans une guerre froide contre la Chine, les conséquences seront dramatiques.
En 2023, la valeur totale des échanges de marchandises entre la Chine et l’Union européenne s’élevait à près de 740 milliards d’euros. Participer à une guerre commerciale contre la Chine équivaut donc à un suicide économique pour l’UE.
En particulier pour l’Allemagne, moteur de l’économie européenne dont dépend également une grande partie de l’économie belge. Pendant des années, la croissance économique allemande a reposé sur deux piliers : l’importation d’énergie bon marché en provenance de Russie et l’exportation de produits industriels vers la Chine. Sous la pression des États-Unis, l’Union européenne a déjà imposé un embargo sur l’énergie russe en guise de « sanction » pour l’invasion de l’Ukraine (une sanction qui affecte davantage l’UE que la Russie). Le président Biden a ensuite conclu un accord avec l’UE pour remplacer le gaz naturel russe bon marché par du gaz de schiste étasunien beaucoup plus cher et polluant.
L’augmentation des coûts de l’énergie dans l’industrie menace de faire entrer l’Allemagne et la Belgique en récession. Si les usines européennes ne peuvent plus exporter autant de produits vers la Chine, l’économie allemande, et donc européenne, s’effondrera complètement.
En outre, les États-Unis ciblent l’industrie européenne. Le « Inflation Reduction Act » de Joe Biden rend encore plus attrayantes les activités des multinationales européennes de l’autre côté de l’Atlantique. Des entreprises comme Volkswagen, Tesla et ArcelorMittal menacent d’annuler des investissements prévus en Europe parce que les États-Unis accordent des dizaines de milliards de dollars de subventions. Si nous en arrivons là, des milliers d’emplois bien rémunérés nous échapperont.
Trump veut encore en rajouter : il veut introduire une taxe à l’importation de 10 % sur les produits provenant du monde entier, y compris de l’Europe. Après la Chine, les États-Unis sont le principal pays importateur des biens produits en Allemagne et dans d’autres pays de l’UE. Une telle taxe à l’importation inciterait donc encore plus d’entreprises à délocaliser leur production de l’autre côté de l’océan.
Dans ce contexte économique, les États-Unis exigent également que les pays européens membres de l’OTAN augmentent fortement leurs dépenses militaires. D’abord à au moins 2 % du PIB, puis certainement plus.
Là encore, Trump et Harris sont d’accord. Ils veulent que l’Europe soit en mesure de reprendre les livraisons d’armes à l’Ukraine et, de manière générale, de « dissuader » la Russie elle-même afin que l’armée étasunienne puisse se préparer à une éventuelle guerre avec la Chine.
Pour la Belgique, la norme de 2 % représente une augmentation annuelle d’au moins 5 milliards d’euros.
Dans le même temps, l’Union européenne a encore ressorti ses règles budgétaires strictes. Pour la Commission européenne, la Belgique doit économiser 27 milliards, et en même temps, notre pays devrait injecter 5 milliards supplémentaires dans la défense. L’establishment européen tentera de répercuter le coût sur la classe travailleuse sous la forme d’austérité, d’une augmentation des impôts et d’une baisse des salaires. Ainsi, la lutte pour notre pouvoir d’achat et nos droits sociaux est liée à la lutte pour une politique européenne autonome dans tous les domaines (commerce, énergie, défense...), indépendante des États-Unis d’Amérique.
Notes
1 Le libre-échange est un commerce réciproque avec le moins de tarifs douaniers ou d’autres restrictions possible. L’inverse du libre-échange est le protectionnisme. Les subventions publiques nationales à l’industrie sont également considérées comme une distorsion du libre-échange et donc des politiques protectionnistes. Dans la pratique, la plupart des superpuissances combinent libre-échange et protectionnisme, en fonction de la situation.
2 La mondialisation est le processus d’ouverture de tous les marchés nationaux au commerce international, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus qu’un seul marché mondial.
3 Les démocrates et les républicains organisent tous deux une convention nationale au cours de l’été précédant chaque élection présidentielle afin de désigner officiellement un candidat à la présidence. Dans la pratique, le candidat est alors généralement déjà établi et présente son programme lors de la convention. Les conventions sont avant tout de grands spectacles électoraux, avec des dizaines de discours destinés à enflammer l’électorat.
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