Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Féminisme

Du Montreal Local Council of Women à aujourd’hui

Survol des organisations féministes du Québec

L’existence de regroupements et d’associations féminines et féministes ne date pas d’hier. Le premier regroupement officiel de féministes québécoises a vu le jour en 1893. Le Montreal Local Council of Women a été fondé par Lady Ishbel Aberdeen, l’épouse du gouverneur général. Cette association a réalisé, en 1929, entre autre action d’éclat une campagne publicitaire mettant en vedette des « femmes-sandwiches » arborant des panneaux où étaient inscrits des textes en faveur du droit de vote des femmes. Cette association comptait parmi ses membres des anglophones et des francophones. Cependant, le clergé canadien-français voyait d’un mauvais œil des femmes francophones et catholiques se mélanger aux protestantes. Marie Lacoste Gérin-Lajoie et Caroline Dessaules-Béique fondent alors la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste qui continue malgré tout à travailler en collaboration avec le Montreal Local Council of Women.

Tiré du Journal mobile des Maskoutains.

Hystoire*

L’histoire de la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste s’étire sur un demi siècle, sans qu’elle n’ait jamais reçu aucun financement public. Sa mission était de « grouper les canadiennes françaises catholiques en vue de fortifier leur action dans la famille et dans la société. ». L’historienne Karine Hébert qualifie le regroupement de « maternaliste » plutôt que de féministe car ses revendications touchaient la vie des femmes particulièrement dans leur rôle historique de mère. Marie Lacoste Gérin-Lajoie est tout d’abord secrétaire de l’association, puis présidente de 1913 à 1933, elle est considérée comme l’âme de la Fédération.

Marie Lacoste Gérin-Lajoie en plus de sa très grande implication au sein de la Fédération Saint-Jean-Baptiste fonde en 1922 le Comité provincial pour le suffrage féminin. Mais devant les demandes du clergé, encore une fois, elle quitte ses fonctions pour se consacrer à la Fédération. En 1927, c’est une autre grande figure du féminisme québécois qui prend la relève de la présidence du Comité provincial pour le suffrage féminin, madame Thérèse Casgrain. Elle ajoute à ses fonctions de présidente de la Ligue des droits de la femme, qu’elle a fondé en 1928, celle de présidente du Comité.

La Crise économique de 1929 pousse les femmes à se rassembler cette fois pour porter assistance aux plus démunies d’entre elles et faire reconnaître leur droits en tant que mères, mais aussi en tant que travailleuses. Le 25 juin 1937, 400 femmes prennent d’assaut le tramway de Montréal (sans payer, évidemment !) pour aller manifester à la Commission du chômage et à l’Hôtel de ville de Montréal.

Après l’obtention du droit de vote pour les femmes au Canada, puis au Québec, le mouvement féministe national connaît un déclin dû à la spécificité de sa requête axée avant tout sur le droit de vote. Il faut attendre les années 1960 pour voir un regain d’activité dans les différentes associations et pour voir de nouveaux regroupements prendre forme.

En 1969, dans l’énergie caractérisant ce moment particulier de l’histoire contemporaine, le Front de libération des femmes voit le jour après que 165 des 200 manifestantes soient arrêtées pour avoir manifesté contre le règlement anti-manifestation de l’administration Drapeau-Saulnier de la ville de Montréal. Le Front de libération des femmes a marqué le paysage féministe québécois par ses prises de parole pro-choix (la « caravane de l’avortement »), et c’est également grâce à elles que les femmes peuvent aujourd’hui accéder au statut de juré.Après quelques années d’existence, le Front de libération des femmes se transforme en Centre des femmes de Montréal qui a veillé à la parution du périodique Québécoises, deboutte !

La Fédération des femmes du Québec, d’hier...

En 1966 nous retrouvons Thérèse Casgrain à la fondation de la Fédération des femmes du Québec.Cette Fédération avait pour but de rassembler les différents regroupements féministes de la province tout en permettant à chacun de conserver son autonomie. Plus de quarante ans de féminisme actif parent la feuille de route de la FFQ. En quarante ans de nombreuses transformations ont marqué le regroupement au niveau du membership, du financement, des rôles et statuts des représentantes au conseil d’administration, des structures, des actions et de la professionnalisation des milieux communautaires en santé et en défense des droits, transformations qui ont façonné le visage de l’organisation. Durant ces quarante années, la FFQ a su proposer des analyses étoffées, elle a mené à la création de la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada également nommée Commission Bird et à la demande de la formation d’un Conseil du Statut de la femme.

Les années suivantes ont marqué un tournant dans l’administration de la FFQ. Les regroupements membres de la Fédération se sont transformés grâce à l’acquisition du statut de groupe communautaire et à l’accès à des subventions qui permettaient enfin aux personnes qui travaillaient dans ces groupes d’avoir droit à un salaire. Les femmes qui représentaient leurs regroupements à la FFQ devenaient ainsi à la fois des professionnelles et des militantes.

… à aujourd’hui

La Fédération des femmes du Québec (FFQ) a entre autre pour objectif la défense et la promotion des droits des femmes, la lutte contre la pauvreté, la violence, la discrimination,et la mise en œuvre de conditions qui permettent l’égalité. Les 25 et 26 mai dernier avait lieu le deuxième Colloque des États généraux sur le féminisme : Le féminisme dans tous ses états, suivi, le lendemain, de l’Assemblée générale annuelle des membres au cours de laquelle madame Alexa Conradi a été réélue pour un troisième et dernier mandat. La Fédération des femmes du Québec compte 610 membres individuelles et 192 membres associatives ( il faut garder à l’esprit que les membres associatives représentent à elles seules plusieurs centaines de personnes). La FFQ est encore aujourd’hui une porte-parole privilégiée de la condition des femmes et est écoutée autant par les médias que par nos représentants gouvernementaux. Elle a su au fil du temps développer une analyse des conditions de vie des femmes grâce à ses comités thématiques et régionaux.

La FFQ et la CSF

La Fédération des femmes du Québec avait recommandé en 1970 la création d’un organisme para-gouvernemental voué à examiner les conditions de vie des femmes et à émettre par la suite des recommandations. En 1973, le Conseil du Statut de la femme voit le jour. Le Conseil a pour mission, l’objectif d’arriver à l’égalité entre les femmes et les hommes, de conseiller la ministre de la Condition féminine ainsi que le gouvernement. Depuis 1973, 8 présidentes se sont succédées à sa présidence, la dernière en lice étant madame Julie Miville-Dechêne. La présidente du Conseil est appuyée dans sa tâche par 17 membres, dont dix sont désignées et sept nommées d’office (des sous-ministres ou leurs représentantes).

Les missions des deux organismes sont souvent confondues dans la population, les prises de position et les analyses des deux organisations étant souvent cités dans les médias. Le Conseil du Statut de la femme est une organisation para-gouvernementale qui relève de la ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, qui est également ministre responsable de la Condition féminine, madame Agnès Maltais. La présidente du Conseil du Statut de la femme est nommée par le conseil des ministres, bien que le Conseil soit indépendant de toute politique partisane.

À la Fédération des femmes du Québec, la présidente, qui occupe également la fonction de directrice et donc de porte-parole, est élue par les membres de la Fédération. Les orientations prises par la FFQ sont également colorées par les expériences et les orientations des membres associatives et des orientations de leurs organismes respectifs. Donc, pour faire entendre votre voix, il suffit d’être membre et de participer aux assemblées générales annuelles, car comme tout organisation qui s’appuie sur un membership, ce sont tout d’abord les membres qui ont la parole..

Avenir

Le mouvement féministe est multiple tout en ayant en tête un but commun, l’égalité entre les femmes et les hommes. Il bouillonne, il a des idées et des opinions, et l’ouverture des médias sociaux sert bien les féministes de tous horizons qui désirent se rassembler (en personne ou virtuellement). Depuis cent ans il s’est collé à la réalité de la société québécoise et des femmes en particulier. De la réalité de mère à celle de travailleuse, de citoyenne, les organisations ont suivi le mouvement, car ce qui fait la grande force de ce mouvement, c’est sa prise directe sur les réalités des femmes d’ici et d’ailleurs. De quoi sera fait l’avenir ? Plusieurs initiatives voient le jour comme le site web Les féministes, des liens se créent ici, au Canada anglais et à l’étranger. Bref, le féminisme a encore de grands défis à relever et un bel avenir militant devant lui.

* Le néologisme hystoire est une contraction du préfixe ’’hyst’’ et des quatre dernières lettres du mot histoire et est utilisé par les groupes de femmes pour parler de l’histoire des femmes ou de l’analyse historique féministe.

Caroline Laplante

Blogueuse pour le Journal mobile des maskoutains (Montérégie-Québec)

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