Édition du 12 novembre 2024

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Afrique

Soudan, une histoire chaotique (1/4)

Entre les massacres des populations de Gaza et la guerre fratricide de l’Ukraine et de la Russie, les populations du Soudan sont chassées, pillées et affamées sans que la communauté internationale ne s’en alarme outre mesure. Cette tragédie oubliée frappe pourtant une immense contrée au cœur de l’Afrique, dessinée par l’empire ottoman dès 1821 et devenue la caricature de la colonisation britannique après 1898, dont le sort est décisif pour les nouveaux équilibres régionaux.

Tiré de MondAfrique.

Dans ce premier papier d’une série consacrée au Soudan, Mondafrique revient sur l’histoire mouvementée et sur l’importance géopolitique de ce grand pays hélas livré à une guerre civile sans précédent entre deux clans militaires.

Paris enviait à Londres ce morceau d’Afrique irrigué par le Nil et prolongement de l’Égypte, qui fut longtemps un fleuron de « la sublime Porte ». Le Mali n’avait-il pas été baptisé « le Soudan français » par la France coloniale ? La fascination pour cette immense tranche du cake africain découpé à la conférence de Berlin en 1885 et livré à l’Angleterre était totale.

Les maitres nouveaux étrangers du Soudan ont vite fait d’abandonner le Sud, peuplé de Noirs, aux razzias d’esclavagistes venus de la mer rouge et de l’océan indien. Le nord du Soudan où se trouve la capitale Khartoum est considéré par les colonisateurs comme une zone dotée de quelques rudiments de service public et d’infrastructures qui permettent d’exploiter le potentiel agricole considérable de terres fertiles.

Quand le Soudan devient une nation indépendante, l’élite éduquée du Nord s’installe au pouvoir. La division du pays se renforce : un centre arabe qui génère un système d’exploitation ; dans les régions périphériques, le Darfour et le Sud du pays à la frontière de l’Érythrée notamment, des groupes nomades et des sédentaires négro-africains.

Des guerres civiles à répétition

Les premières élites intellectuelles et/ou économiques sont historiquement liées aux grands partis politiques soudanais que sont le Democratic Unionist Party (DUP) mené par la famille Mirghani et adossé à la confrérie de la Khatmyya et le National Umma Party (NUP) dirigé par la famille Al Mahdi qui s’adosse aux Ansar (les Ansar sont les « compagnons » de la famille Al Mahdi descendante de Mohamed Ahmed Ibn Abdallah qui se proclame Mahdi à la fin du XIXe siècle et établit, après avoir chassé Turcs et Britanniques, un régime théocratique au Soudan).

Les divisions religieuses et raciales, les inégalités économiques et l’exclusion des partis politiques de la vie institutionnelle vont susciter des guerres civiles à répétition.

La sécession du Sud

Le Sud finira par faire sécession et possède à présent sa capitale et son gouvernement à Juba. Au Nord, la vie politique est marquée par l’alternance et parfois la conjugaison d’une forme démocratie parlementaire et de régime militaire. Il en ressort la formation d’un État prédateur et autoritaire que ses dirigeants, civils ou en uniforme, reproduisent dans le temps. Dans ce contexte, la guerre devient un mode d’expression politique d’autant plus que le pays est marqué par la grande révolte du Mahdi qui va défaire l’empire britannique en la personne de Gordon Pacha.

Après l’accession à la souveraineté nationale, la révolution apparait au Soudan comme une voie de libération incarnée par un puissant parti communiste. Les Américains y mettront bon ordre en favorisant la réaction et les militaires. Un jeu dangereux qui aboutit en 1989 à l’accession au pouvoir du National Islamic Front (NIF)qui deviendra le National Congress Party (NCP), dont le programme est inspiré par la Malaisie : une administration autoritaire, un Islam militant et la suprématie raciale arabe.

La parenthèse démocratique

Dix ans après, en 1999, ce cocktail explosif de pouvoir sans partage est servi par l’extraction abondante de pétrole. L’élite de la capitale s’enrichit un peu plus et la périphérie s’appauvrit davantage. L’industrie pétrolière est accaparée par le haut commandement militaire, les grands commerçants et les castes de l’administration. Conforté par de puissants alliés internationaux et soucieux de préserver l’identité arabo-musulmane, le régime signe avec la rébellion du Soudan du Sud, le SPLM, des accords de paix en 2005. Ces accords de paix prévoient l’organisation d’un référendum d’autodétermination du Soudan du Sud en 2011 et la tenue d’élections nationales « libres » en 2010.

Durant cette période (début des années 2000 à 2010), et malgré le conflit meurtrier du Darfour, le Soudan connaît une période de (très) relative libéralisation politique. Les partis politiques sortent de la clandestinité et commencent à reprendre des activités, de multiples associations et syndicats étudiants se créent ou se mobilisent pour contester la domination des groupes islamistes liés au pouvoir sur les campus.

De nombreuses associations et ONG voient le jour dans le sillage du regain d’activité des partis politiques, du conflit au Darfour et de l’apport financier des ONG internationales.

Omar El Bechir, l’homme clé

Il ne faut certes pas surévaluer cette libéralisation politique : les partis politiques sont toujours sévèrement contrôlés, la presse subit la censure et la violence de la National Intelligence Security Service (services secrets). On verra ce@e mouvance civile tenter de revenir au premier plan avec l’évic2on d’Omar el Béchir.

Celui-ci a d’ailleurs bati son pouvoir les services extérieurs et intérieurs de sécurité soudanais. Lesquels onten charge de contrôler la presse et les opposants et commande un certain nombre d’unités paramilitaires -comme les Rapid Support Forces- jusqu’en 2018. C’est l’année du réaménagement du système soudanais de défense et de sécurité.

Cette fin de rêgene d’Omar el Béchir coincide, hélas, avec début de la terrible guerre qui oppose les Sudan Armed Forces (SAF) du chef des armées et les Rapid Support Forces (RSF) des militaires dissidents.

Olivier Vallée

Journaliste à MondAfrique.

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