Édition du 19 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Océanie

Si la France se renie, plus rien ne nous lie … ?

L’Accord de Nouméa va au- delà de sa « durée » ; ce sont deux promesses solennelles et définitives : construire ensemble « une complète émancipation » d’ici « à la fin de cette période » ; garantir constitutionnellement que chaque avancée vers ce but sera « sans possibilité de retour ».

Tiré de Entre les ligne et les mots

Edito du n°32 de La voix de Kanaky, juillet-août 2022

Le « béton » de ces concepts a été cimenté avec la France, à la lueur des trahisons précédentes via des lois, décrets et circulaires français, des tentatives de noyades démographiques du peuple autochtone, et des refus d’obtempérer aux injonctions des textes de l’ONU.

En 1956 la Calédonie a choisi de rester française, contrairement à l’essentiel des autres colonies, parce qu’il y avait une promesse d’autonomie et de droit de vote aux kanak alors majoritaires. Or le conseil de gouvernement élu de l’époque a été stoppé par un simple décret du gouverneur, suite à une manifestation de colons de la droite extrême ! Or l’autonomie légale a été annulée en 1963 par une nouvelle loi. Or le poids du vote kanak a été minoré aussitôt par une immigration voulue pour cela, dès 1957.

En 1983 (Nainville), les Kanak ont déclaré inclure les personnes déjà établies, pour construire le pays avec elles, la France reconnaissant alors son droit à l’indépendance. Or en 1984, l’élection qui mettait en œuvre le statut Lemoine – plus progressiste – conservait un corps électoral très large, rendant impossible l’émergence des autochtones déjà rendus minoritaires.

En 1988, les Accords de Matignon prévoyaient une consultation sur l’indépendance en 1998. Or malgré le verrouillage d’un référendum national et local qui le garantissait, celui-ci a été reporté.

En 1998, l’Accord de Nouméa offrait une garantie supplémentaire pour ses engagements. Or malgré cette garantie d’être « gravé dans le marbre » de la constitution, l’on nous dit maintenant qu’il suffira de casser le marbre pour tout remettre en cause.

Que la France se renie encore est possible, voire probable. M. Macron l’a déjà fait plusieurs fois avec nous. Par l’arrêt des comités des signataires depuis 3 ans (point 6.5 de l’Accord de Nouméa), en imposant la consultation au 12/12/21, ce qui reniait la parole précédente de son 1er ministre, en maintenant cette date en période Covid, ce qui reniait l’engagement de l’Accord de Nouméa de respecter enfin l’identité Kanak, etc.

Rappelons qu’un changement constitutionnel exige le vote concomitant des députés et sénateurs réunis en congrès (traditionnellement à Versailles) à la majorité dite « qualifiée » de 60 %. M. Macron, rendu minoritaire à l’Assemblée nationale française, garde contre nous toute sa capacité de nuire : sa coalition « Ensemble ! » (LREM+MoDem+Horizons) a 240 députés, le RN 89, et LR 62. Cela fait 391 députés sur 577 (soit + de 60%), capables de ne pas comprendre les risques évidents de guerre civile. Quant au Sénat, il est plus colonialiste et plus à droite encore que l’Assemblée nationale. Sénateurs et députés sont donc en capacité de voter sur la demande du Président la fin du corps électoral gelé, donc de la citoyenneté et de l’emploi local, entraînant aussi la noyade démographique autochtone, l’abandon des transferts encore dus, le rejet des textes de l’ONU, et in fine la trahison des deux engagements majeurs déjà pervertis de l’ADN cités ci-dessus : l’accès à l’indépendance promise, et en tout état de cause la garantie d’aucun retour en arrière.

Télécharger au format PDF :
Solidarité Kanaky, Numéro 14 – Août 2022
2022 – 7 – 28 – Solidarité Kanaky Bulletin 14

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