Édition du 12 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le mouvement des femmes dans le monde

Sénégal : Gouvernance masculine, démocratie bafouée

Le remplacement du ministère de la Femme par celui de la Famille est une régression. Aucun secteur n’échappe à la compétence, l’expérience et le dévouement des femmes

Tiré de Entre les lignes et les mots

Collectif des citoyen.ne.s pour le respect et la préservation des droits des femmes

Alors que le Sénégal s’est positionné comme pionnier de l’égalité de genre en Afrique, la nomination des membres du gouvernement laisse les organisations féminines circonspectes. Seulement 4 emmes sur 34 postes, une disproportion qui appelle des mesures correctrices selon un collectif des citoyen.ne.s pour le respect et la préservation des droits des femmes dont nous publions la déclaration ci-dessous :

«  De la nécessité d’inclure les femmes dans les instances de prise de décision pour une gouvernance véritablement démocratique  !

Nous avons accueilli avec une grande satisfaction l’élection du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye. L’espoir fondé en ce président est à la hauteur de la rupture prônée.

Nous tenons aussi à rappeler le combat des femmes pour la tenue d’une élection présidentielle apaisée dans le respect du calendrier républicain. C’est au nom de ce même combat, en tant qu’organisations, personnalités indépendantes, et collectif de citoyen.ne.s soucieux du respect et de la préservation des droits des femmes, que nous alertons sur la nécessité d’une gouvernance démocratique inclusive avec une représentativité substantielle des femmes aux sphères de décisions publiques. La liste des membres du premier gouvernement, parue ce 5 avril 2024, laisse très peu de place aux femmes. Sur 25 ministres, 5 secrétaires d’État, et 4 membres du cabinet du chef d’État, soit 34 postes, seules quatre femmes sont présentes. Cette inqualifiable sous-représentation induit une perte intolérable d’intelligences et de visions que seuls le pluralisme et l’inclusion permettent de garantir. Il n’y a aucun secteur dans lequel on ne trouve des femmes qui allient compétence, expérience et dévouement de premier ordre.

Cette disproportion est d’autant plus regrettable que c’est le Sénégal qui, dès 2004, a proposé à la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union Africaine, l’adoption d’une Déclaration solennelle pour l’égalité de genre en Afrique, posant ainsi les jalons vers une Commission de l’Union africaine (CUA) paritaire pour ne citer que cet exemple. De plus, l’article 7 de notre Constitution dispose : «  les hommes et les femmes sont égaux en droit. La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions ».

Doit-on encore rappeler qu’à chaque étape de la construction de notre Nation, nous avons été présentes et avons été actrices incontournables dans toutes les luttes pour l’indépendance, l’émancipation, la justice sociale, le bien-être de tous  ? Il est important de rappeler qu’aucun pays ne s’est développé en laissant en marge les femmes.

C’est pourquoi, outre la faible représentativité des femmes, nous sommes circonspectes sur le remplacement du ministère de la Femme, de la famille et de la protection des enfants par le ministère de la Famille et des solidarités. Cette appellation est une véritable régression. L’emphase portée sur les femmes et les enfants soulignait précisément l’urgence d’élaborer des politiques publiques destinées à mettre fin aux inégalités de genre (économiques, éducatives, sanitaires, politiques, foncières, etc.) et à améliorer les conditions de vie de celles qui demeurent encore les plus vulnérables à la pauvreté et à la violence, et sur qui, reposent toujours la charge du soin des plus petits et des plus âgés. Soulignons aussi de manière définitive ceci : bien que les femmes jouent un rôle central dans la cellule familiale, elles sont des êtres à part entière qui existent en dehors de la sphère familiale. Les assimiler à cette dernière, c’est nier leur droit à exister dans leur multidimensionnalité.

Pour toutes ces raisons, nous demandons que cette erreur de départ soit rectifiée par la nomination de femmes dans les directions nationales et les instances administratives. De surcroît, nous demandons le renforcement des cellules genre déjà présentes au niveau des différents ministères pour une mise en œuvre transversale de la Stratégie Nationale d’Équité et d’Égalité de Genre (SNEEG) en collaboration avec la Direction de l’équité et l’égalité de genre (Deeg) et le Programme d’appui à la stratégie d’équité et d’égalité de genre (pasneeg).

«  Poursuivre, intensifier et accélérer les efforts pour promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes à tous les niveaux », c’est ce à quoi l’État du Sénégal s’était engagé dans le cadre de la Déclaration Solennelle pour l’Egalité de Genre en Afrique (DSEGA) et c’est à quoi nous invitons le nouveau gouvernement qui définit son projet de société comme panafricain.

Dans notre volonté de veiller à ce que ce nouveau gouvernement, celui de tous les Sénégalais et Sénégalaises, remplisse ses missions de rupture pour plus de gouvernance démocratique, de justice sociale, d’équité, nous continuerons d’alerter et de faire des propositions constructives sur le besoin d’inclusion des femmes et de représentation égalitaire. »

Voir la liste des signataires
https://www.afriquesenlutte.org/afrique-de-l-ouest/senegal/article/senegal-gouvernance-masculine-democratie-bafouee

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