Le comité est clairement divisé sur l’impact qu’aura l’AÉCG sur l’économie canadienne si on se fie aux rapports dissidents annexés au rapport majoritaire. Ces rapports dissidents renferment de très judicieuses recommandations et reconnaissent l’opposition de la société civile concernant plusieurs volets de l’accord. De plus, force est de souligner que les informations sur lesquelles le comité a appuyé son étude sont nettement insuffisantes, puisque l’AÉCG est toujours en cours de négociation et que les pourparlers se tiennent derrière des portes closes.
Le comité doit entendre d’autres témoins du Canada et de l’Union européenne (UE). Il est malhonnête de déclarer, comme le fait le rapport majoritaire, que la « majorité des témoins canadiens voient d’un ’il positif les négociations visant à conclure un AÉCG entre le Canada et l’UE et estiment que les effets d’un accord seront positifs ». Cette assertion est biaisée du fait que le comité a omis de recevoir en audience les points de vue critiques sur l’accord, entre autres ceux du Réseau pour un commerce juste ou du RQIC. D’ailleurs, pas un seul groupe du Québec n’a été invité à faire une présentation au comité, ce qui est inacceptable.
Les députés fédéraux ont la responsabilité de répondre aux préoccupations soulevées par les élus municipaux qui demandent que leur municipalité soit exemptée de l’application de l’AÉCG parce qu’ils craignent que les règles de l’accord concernant les dépenses publiques limitent leur marge de man ’uvre politique. S’il fut louable pour le comité d’avoir entendu les préoccupations de la Fédération canadienne des municipalités concernant l’AÉCG, il devient impératif pour le gouvernement de prendre en considération les réserves municipales quand des villes de la taille de Toronto et de Montréal, de Hamilton ou Burnaby, ont demandé à être exemptées de l’accord.
Le rapport du comité majoritaire ne tient pas compte des études économiques qui remettent en question les prévisions économiques du gouvernement fédéral quant à l’impact de l’AÉCG sur le PIB, la création d’emplois et les flux commerciaux. Le comité emboîte le pas au gouvernement, qui ne cesse de marteler les mêmes vieilles données pour tenter de faire taire un débat public sur l’AÉCG, alors que ces données sont incomplètes et peu fiables. Par exemple, l’affirmation que l’AÉCG créera 80 000 nouveaux emplois apparaît sans fondements et est contredite par une étude du Centre canadien de politiques alternatives qui soutient plutôt que l’accord entraînerait des pertes variant entre 28 000 et 150 000 emplois. De plus, le comité n’a pas jugé bon de mentionner l’évaluation d’impact sur le développement durable réalisée pour la Commission européenne, qui estime plutôt que les avantages économiques de l’accord seraient coupés de moitié par rapport aux 12 milliards de dollars souvent repris par le gouvernement.
Nos deux réseaux réitèrent les principes énoncés dans la Déclaration commune des sociétés civiles canadienne et européenne d’octobre 2011, à savoir que « les accords de commerce doivent promouvoir la coopération et placer le bien commun, l’intérêt public et le respect des droits humains et environnementaux avant les intérêts privés à courte vue des seules entreprises transnationales ».
Le besoin de nos populations pour un plus grand débat sur les accords de libre-échange et de protection des investissements est loin d’être satisfait. Des mécanismes démocratiques doivent être garantis pour que tous les acteurs socio-économiques aient une incidence sur ces accords avant qu’ils ne soient présentés au parlement comme un fait accompli.
Les réseaux exigent que le comité permanent du commerce international (CIIT) tienne une nouvelle série d’audiences publiques afin de permettre à ceux et celles qui n’ont pas été entendus de présenter leurs points de vue.