Publié dans la foulée de la diffusion des études SECOR et IRIS et de la réaction du premier ministre Charest, il s’agit d’un avis produit à l’intention de SECOR dans les jours suivant la publication de son rapport. Il est publié au moment où tous les acteurs de la société cherchent à composer avec ce projet de développement sans assises qui ne s’inscrit dans aucun processus de planification stratégique. L’analyse prend la forme d’une lettre au directeur (stratégie et management) de SECOR, M. Guillaume Caudron. Il met en évidence des enjeux peu ou pas traités lors de récentes interventions, de l’IRIS, de l’IRÉC et du professeur Jacques Fortin, en ciblant la question des enjeux globaux stratégiques, dont les changements climatiques, et des enjeux associés aux marchés visés.
Selon Harvey Mead, « L’étude de SECOR se distingue par l’absence totale d’analyse sur les risques — financiers, écologiques, sociaux — associés au Plan Nord. L’étude se contente d’isoler le PIB et les “retombées économiques” du portrait d’ensemble, ce qui donne un aperçu pauvre des impacts du Plan Nord. Ce genre d’études jovialistes qui ne tiennent comptent que des “bons chiffres”, sans tenir compte du passif réel, sont remises en question un peu partout dans le monde ». Selon Christian Simard, de Nature Québec : « Les crises résultent en trop grande partie de telles lacunes en matière d’analyse économique. Elles induisent les gouvernements et le public en erreur en surestimant les avantages et en sous-estimant les véritables coûts. Une étude peu rigoureuse comme celle de SECOR mériterait d’être retirée, ou du moins ramenée à sa véritable dimension. Elle ne remplacera jamais une véritable planification stratégique tenant compte de l’ensemble de facteurs positifs et négatifs inhérents à un projet de ce type ».
Faisant référence à une analyse publiée dans son livre L’indice de progrès véritable du Québec : quand l’économie dépasse l’écologie (Éditions MultiMondes), Harvey Mead traite du caractère non renouvelable des ressources minières : leur exploitation comporte un épuisement progressif de notre capital naturel. Il est fascinant de voir un effort d’évaluer les retombées économiques du Plan Nord laisser carrément dans l’oubli le fait que la partie minière du Plan Nord comporte la perte d’un capital important. « Nous n’avons pas besoin d’aller loin pour constater certains risques associés à cet aspect du développement proposé : le gouvernement (MRNF) dispose aujourd’hui d’un « plan cuivre » afin de tenter de compenser le fait que les gisements de cuivre, qui ont maintenu une activité dans plusieurs communautés, sont maintenant épuisés.
L’étude SECOR maintient notamment une approche à l’évaluation de la construction des ouvrages hydroélectriques qui est de plus en plus surprenante. Nulle part y est-il question des risques associés à l’annonce de projets totalisant 3500 MW de plus, alors qu’il existe déjà d’importantes problématiques associées à la mise en place des 4500 MW associés à la Stratégie énergétique 2006-2015. Ces risques comportent des coûts extrêmement importants qui pourraient être encourus en fonction de la vente de la production d’électricité à perte (par rapport au coût de production). « Comment évaluez-vous l’intérêt de votre étude quand vous ne parlez même pas de ce risque, alors qu’il s’agit de plus de la moitié des investissements prévus par le Plan Nord ? », interpelle Harvey Mead.
La lettre ouverte fait également référence à l’absence d’analyse fiscale digne de ce nom pour vérifier si les entrées d’argent du Plan Nord seront suffisantes pour le gouvernement. Elle insiste sur l’absence de prise en compte des dépassements de coûts et des coûts d’entretien pour les infrastructures de transports, de même qu’à une véritable analyse de risques dans un contexte mondial « Que ces impacts soient au Québec, ou en Chine, ou associés aux transports intercontinentaux, l’approche du calcul des ?retombées économiques ? qui se poursuit dans l’exclusion des externalités amène à des résultats pour le moins trompeurs, et probablement carrément erronés. », de conclure M. Mead.