Quelques-uns de mes prochains textes vont donc vous permettre de savoir ce que j’ai précisément en tête quand j’utilise certaines notions ou certains concepts. Commençons le tout avec un mot extrêmement valorisé, qui s’accompagne même d’une espèce d’aura quand on l’utilise : « professionnalisation ».
Professionnalisation
Dans Le Petit Robert, il est écrit ceci : « Action de se professionnaliser (en parlant d’une activité, d’une personne). » Professionnaliser : « Donner à (une activité) le caractère d’une profession. » Profession : « Occupation déterminée dont on peut tirer ses moyens d’existence (➙ métier ; fonction ; état). » « Métier qui a un certain prestige social ou intellectuel. » Source : © 2020 Dictionnaires Le Robert - Le Petit Robert de la langue française.
La professionnalisation correspond à un processus par lequel une activité permet de recevoir « ses moyens d’existence », c’est-à-dire un salaire, une rémunération ou des gages. Cette activité n’est pas d’une nature quelconque puisqu’elle est assortie d’un « prestige social ou intellectuel ». Avouons-le, ce ne sont pas tous les métiers ou la totalité des fonctions qui amènent une reconnaissance institutionnelle prestigieuse. La professionnalisation est la conséquence d’une complexification de la société et d’une division du travail qui ne fait que s’accentuer avec le temps. Il s’agit par conséquent d’une occupation ou d’un métier fondé sur une compétence spécialisée et une autonomie reconnue. Le tout vient avec un prestige social ou intellectuel et peut s’accompagner d’un plan de carrière.
PoliticienNE
Pour ce qui est du mot politicienNE, le même dictionnaire le définit comme suit : « Personne qui exerce une action politique dans le gouvernement ou dans l’opposition.➙ 1. politique, II (cf.Homme, femmed’État*). » © 2020 Dictionnaires Le Robert - Le Petit Robert de la langue française.
Le langage courant circonscrit d’une manière un peu moins restrictive la notion de politicienNE. On désigne ici une personne qui occupe un poste électif au sein d’une organisation instituée ou d’un pouvoir institutionnalisé qui s’intéresse ou concerne le bien public. Il peut s’appliquer également à une personne qui occupe un poste électif de représentation ou de défenses des intérêts des membres d’une association.
Il est à souligner que les politicienNEs professionnelLEs n’ont pas toujours été rémunéréEs dans l’exercice de leur fonction. Du XVIIIe au milieu du XXe siècle, les parlementaires du Québec avaient droit à une indemnité qui s’est par la suite métamorphosée en salaire.
http://www.assnat.qc.ca/fr/patrimoine/lexique/indemnite-parlementaire.html. Consulté le 29 avril 2021.
« PoliticienNE » et « professionnelLE » : Le drôle de duo combo
Le mot professionnel implique une formation de haut niveau qui confère une marque de reconnaissance, un prestige même. Ce qui n’est pas le cas pour le métier ou la profession de politicienNE. En effet, pour occuper un poste électif ou une fonction politique élective au parlement, dans une municipalité ou au sein d’une organisation associative, il n’y a aucune exigence de formation à la base. La politicienne ou le politicien est unE citoyenNE qui se préoccupe par métier ou par profession des affaires de la cité, c’est-à-dire du bien commun ou une ou un porte-parole d’une organisation associative quelconque. Le mot s’applique principalement aujourd’hui aux membres de la classe politique (parlementaires, éluEs municipaux et permanentEs des partis politiques). Une personne peut ravir un poste électif, dans le cadre d’une élection ou d’un processus nominatif, en se conformant aux normes éthiques et en respectant scrupuleusement les lois en vigueur ou, en les bafouant tantôt au minimum, tantôt au maximum.
De l’art du maniement de la langue pour unE politicienNE professionnelLE
Les politicienNEs nous donnent souvent l’impression d’être des spécialistes du maniement de la langue. Elles et ils excellent dans l’art d’en connaître beaucoup et surtout d’avoir réponse à tout. Elles et ils performent surtout dans le domaine de la maîtrise d’esquiver les questions de fond. On les entend souvent prononcer de belles formules échappatoires qui ne disent rien sur le fond et qui alimentent la perception qu’elles et qu’ils connaissent tout. C’est ce qui explique pourquoi le mot politicienNE est parfois utilisé de manière péjorative.
Le mensonge est fréquent et très présent dans la vie politique. Platon recommande même, dans la République[1], « aux chefs » d’en faire usage dans l’intérêt de la cité. Faut-il s’en étonner ? Dans Théogomie, Hésiode écrivait ceci : « Nous [les humains], nous savons dire des mensonges qui ressemblent à du vrai. » Il faut toujours se rappeler que les politicienNEs sont et restent en tout temps des personnes humaines, ce qui veut dire que ce sont des êtres qui sont capables de mentir un peu, beaucoup, passionnément et à la folie.
Conclusion : Mensonge et vérité en politique
Ce qui précède nous amène à soulever un certain nombre de questions : se pourrait-il que la politique se confonde à l’occasion avec l’art du mensonge au profit d’un groupe en particulier : celui de la minorité dominante et dirigeante ? Se pourrait-il par conséquent que pour faire des affaires en politique il faille être à la fois une personne rusée et menteuse ; une personne qui promet beaucoup en campagne électorale et livre peu une fois installée au pouvoir ? Nous le savons, les gouvernements sont, en règle générale, les gouvernements d’une minorité dirigeante qui s’exerce au détriment d’une majorité dirigée. Le « pouvoir du peuple » est une utopie qui a été hors de notre portée jusqu’à maintenant. Tout État est tôt ou tard soit une oligarchie (une minorité puissante) ou soit une monarchie (le pouvoir d’un seul). Rassurez-vous, il n’y a pas que mensonge en politique, il y a parfois des moments de vérités. Quand me demandez-vous ? Quand le peuple découvre et réalise qu’on le trompe et qu’on lui ment ! Ce qui arrive à l’occasion et débouche sur des situations qui ne sont pas couvertes par les mots de vocabulaires examinés dans la présente chronique.
Yvan Perrier
11 mai 2021
23h35
yvan_perrier@hotmail.com
[1] Dans le Livre III de La République, Platon fait dire à Socrate que « le mensonge est inutile aux dieux, mais utile aux hommes sous forme de remède […] l’emploi d’un tel remède doit être réservé aux médecins, et que les profanes ne doivent point y toucher, […] Et s’il appartient à d’autres de mentir, c’est aux chefs de la cité, pour tromper, dans l’intérêt de la cité, les ennemis ou les citoyens ; à toute autre personne le mensonge est interdit » (p. 140). Platon. 1966. République. Paris : Garnier Flammarion, 510 p.
Un message, un commentaire ?