Édition du 19 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Syndicalisme

Pour que les travailleuses et travailleurs soient au coeur de la reprise économique

Presse-toi à gauche ! publiera dans les prochaines semaines les différents chapitres d’un livre préparé par le Conseil central du Montréal métropolitain intitulé POUR UNE SORTIE DE CRISE VERTE, SOCIALE ET DÉMOCRATIQUE. Cette semaine, nous publions le huitième chapitre, Pour que les travailleuses et les travailleurs soient au coeur de la reprise économique.

Ce texte a été écrit par le Comité droit au travail du CCMM-CSN.

Lorsque l’état d’urgence sanitaire a été déclaré au Québec, le 14 mars 2020, les travailleuses et les travailleurs se sont retrouvés dans différentes situations. Certaines personnes étaient confinées en télétravail, un grand nombre de travailleuses et travailleurs devaient assurer des services essentiels et d’autres ont brutalement perdu leur emploi. Nous avons pu constater certaines choses. Par exemple, les personnes occupant des emplois jugés essentiels (soins de santé, alimentation, transport, commerces prioritaires, sécurité publique, etc.) requises au travail en personne sont souvent des femmes ou des personnes racisées qui occupent des emplois précaires, mal payés avec peu d’avantages sociaux. On retrouve aussi beaucoup de jeunes et de personnes de la communauté LGBT+ dans ces emplois.

Prenons par exemple le personnel d’entrepôt provenant des agences de placement. Ces travailleuses et travailleurs sont, trop souvent, mal informés sur leurs droits, que ce soit en matière de normes du travail ou de santé-sécurité au travail. De plus, ces travailleuses et travailleurs hésitent à revendiquer, même lorsque leurs droits les plus fondamentaux sont bafoués. Pour ces raisons et bien d’autres, il est très difficile de savoir exactement combien d’entre eux ont été contaminés par le virus.

Les agences de placement temporaire doivent être encadrées correctement par la loi afin de protéger les employées. Les entreprises qui profitent de la force de travail de ces travailleurs doivent absolument être reconnues comme responsables des conditions de travail et de la sécurité des gens qu’elles emploient. Dès à présent, donner de moins bonnes conditions de travail à une personne sous prétexte qu’elle est « temporaire » doit être rendu illégal.

Les entreprises, comme Dollarama, qui ont recours aux services de ces agences engrangent des profits par milliards. Pour contrer ce système d’exploitation honteux, il faut imposer correctement les entreprises et leurs dirigeants et mettre en place un plafond salarial.

Parmi les plus précarisées, on retrouve les personnes considérées comme travailleurs et travailleuses domestiques. Plusieurs ont dû continuer à travailler pendant la pandémie pour fournir des services à domicile. Les tâches à accomplir sont variées et les heures de travail sont souvent longues. Malgré les pressions politiques, le Canada refuse toujours de signer la convention 189 de l’Organisation internationale du travail (OIT) qui encadre les travailleuses et travailleurs domestiques. De nombreux pays l’ont pourtant fait depuis 2011.

De leur côté, les travailleuses et travailleurs syndiqués des épiceries et des usines de transformation, parmi d’autres, ont réussi à arracher aux employeurs des primes COVID. Toutefois, dès l’annonce du déconfinement, ces derniers se sont empressés de supprimer les primes alors que les mesures exceptionnelles étaient encore en vigueur.

Dans la santé, le gouvernement caquiste a daigné accorder des primes. Celles-ci n’étaient toutefois pas accordées de la même manière d’un titre d’emploi à l’autre (décidé unilatéralement et selon des critères partiels) ainsi que d’un établissement de santé à l’autre aggravant, une fois de plus, la distorsion entre les secteurs public et privé... Notre système de santé, mis à mal par des années d’austérité et des réformes mal conçues, était déjà boiteux, porté à bout de bras par le personnel.

Comme l’a démontré le drame de la résidence privée Herron, les promoteurs privés sont incapables de gérer leurs « entreprises » pour le bien des résidentes et résidents : c’est en effet dans ce secteur que les préposées aux bénéficiaires sont le moins bien payés. En effet, pour plusieurs, la Prestation canadienne d’Urgence (PCU) consentie par le gouvernement fédéral représentait plus que leur salaire mensuel.

La PCU a joué un rôle très utile dans le contexte de la pandémie. Elle a permis à nombre de travailleurs et travailleuses de garder la tête hors de l’eau. Toutefois elle a aussi mis en lumière les nombreuses lacunes du programme d’assurance-emploi. Sans la PCU ce sont des centaines de milliers de travailleurs, surtout de travailleuses, qui se seraient retrouvés sans revenu parce qu’ils et elles n’avaient pas accès à l’assurance emploi. On songe ici principalement à plusieurs travailleuses et travailleurs à temps partiel, à des contractuel-les, à des travailleurs autonomes ainsi qu’à des travailleurs saisonniers.

Les travailleuses et travailleurs de l’éducation, des CPE, des services de garde n’ont pas eu droit à des primes. Pourtant, plusieurs ont été considérés comme essentiels pendant le confinement puisqu’il fallait offrir des services de garde pour les parents requis au travail. Les directives qui manquent de clarté s’ajoutant au besoin criant de personnel dans nos écoles ont rendu la rentrée scolaire 2020 inquiétante pour plusieurs parents.

Les travailleuses et travailleurs agricoles, provenant souvent de l’extérieur du pays, se retrouvent, eux aussi, dans des situations difficiles. La semaine de travail tourne souvent autour d’une cinquantaine d’heures alors que le travail est éreintant. Le gouvernement caquiste a d’ailleurs offert une prime de 100 $ pour 25 heures de travail par semaine à celles et ceux qui accepteraient d’aller faire ce travail. Encore une fois, une manière de reconnaître à quel point ce travail est essentiel, mais uniquement de façon temporaire.

On ne peut passer à côté des impacts de la pandémie sur les travailleuses et travailleurs du communautaire. Déjà, avant le début du confinement, les organismes communautaires étaient à bout de souffle, car ils devaient, trop souvent, pallier les compressions austéritaires des gouvernements. Avec les mesures sanitaires, il était beaucoup plus difficile d’offrir les services essentiels à tant de personnes déjà précarisées. D’autres organismes ont aidé les travailleuses et travailleurs non syndiqués qui n’arrivaient pas à joindre les agents de Service Canada ou qui étaient dans l’impossibilité de faire une demande de PCU en ligne. Ces organismes doivent être financés adéquatement autant pour payer décemment les travailleuses et travailleurs du secteur que pour les soutenir dans leur travail auprès de leur communauté et leur rôle de défense des droits.

Si la pandémie et le confinement nous ont appris une chose, c’est bien de reconnaître le travail invisible que tant de personnes font tout en ayant des conditions de travail précaires. Les primes accordées pendant la pandémie, bien qu’insuffisantes, sont un pas dans la bonne direction. Pour permettre à la société québécoise de se relever, nous avons besoin, plus que jamais, de reconnaître leur apport à notre société. Le comité droit au travail du CCMM– CSN a identifié les éléments suivants qui doivent être mis en œuvre immédiatement pour réparer ces injustices :

• Une nationalisation immédiate, sous contrôle démocratique des travailleuses et travailleurs, des services sociaux et des soins de santé.
• Mettre fin à la sous-traitance et aux agences de placement dans la santé.
• Mettre fin aux mouvements de personnel et à la surcharge de travail. Le temps supplémentaire obligatoire (TSO) épuise le personnel soignant.
• Il faut créer des emplois de qualité dans notre système de santé : à temps complet et permanent. Nous ne voulons plus de précarité dans la santé.
• Un salaire minimum viable qui permet de sortir de la précarité et de la pauvreté.
• Un salaire équitable pour toutes et tous, syndiqués ou non.
• Modifier les normes du travail avec l’apport des travailleuses et travailleurs et des organisations qui les représentent pour que la notion de télétravail soit encadrée.
• Plafonner les salaires des dirigeantes et dirigeants d’entreprise.
• Taxer les entreprises à la hauteur de leurs profits.
• Le Canada doit signer sans délai la Convention 189 de l’Organisation internationale du travail (OIT).

Notes

Le comité droit au travail du CCMM–CSN remercie Sylvain Lafrenière du MASSE pour son aide dans la rédaction de ce document .

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