Édition du 17 décembre 2024

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Histoire

Portugal : les œillets « confinés »

En période de « virus » meurtrier, la « Révolution des œillets » du 25 avril 1974, dans sa traditionnelle expression populaire est confinée. Toutes les manifestations publiques ou rassemblements, comme dans le reste de l’Europe (ou presque) sont interdites. Comment la célébrer ? La polémique fait rage entre ceux qui sont pour le « 25 » et ceux qui rêvent du « 24 », un peu réducteur mais il y a de ça !

Tiré du blogue de l’auteur.

Tout commence par une décision du président de l’Assemblée de la République (Assembleia da República), soutenue par une large majorité des députés, de maintenir dans le cadre du parlement des commémorations de la révolution des œillets (qui a mis fin à la dictature le 25 avril 1974).

Un seul représentant à l’Assemblée y est farouchement opposé (l’unique élu de l’extrême droite), deux autres responsables de partis (dont celui du centre) sont pour une autre forme de manifestation : allocution solennelle du Président de la République pour l’un et vidéoconférence à l’Assemblée pour l’autre.

Une pétition a rassemblé plus de 80.000 signatures, demandant l’annulation des commémorations. “C’est une honte” cette manifestation solennelle, qui démontre que les partis “ne respectent pas minimement le peuple”... au moment où ils “demandent à tous les portugais de s’abstenir de sortir de chez eux et de ne pas participer à des concentrations de personnes”.

Cette pétition est appuyée notamment par certains secteurs de l’église catholique qui, officieusement, comparent l’interdiction des manifestations religieuses lors des fêtes de Pâques et l’autorisation de la manifestation parlementaire du 25 avril. Ce n’est pas évidente la comparaison avec l’acte religieux, mais elle suggère d’autres lectures. Et c’est là que les portugais se confrontent entre ceux qui veulent honorer le 25 (avril 1974) et ceux qui voulaient revenir au 24 (avril 1974)... L’influence de l’église (notamment dans le nord) reste un élément clivant que d’aucuns aimeraient pouvoir rallumer.

Mais le sujet n’est pas simple et il est source de contradictions au sein même de la gauche. Une de ses figures “historiques”, le fils de Mário Soares, l’ancien président de la République, ex-Maire de Lisbonne et ministre de la Culture, Joâo Soares, exprime sans détour son opposition : “je trouve absurde persister à l’idée de la séance commémorative du 25 avril dans l’air et sur le modèle traditionnel”. En revanche, d’autres personnalités, y compris des acteurs de la révolution du 25 avril, défendent cet événement. Ils affirment que “la démocratie n’est pas suspendue” et il est “parfaitement normal et légitime que le parlement commémore le 25 avril”.

La séance de souvenir de la révolution aurait la présence de 65 parlementaires (sur 230), 7 ministres et de 50 invités dont les anciens présidents de la République (deux ne seront pas présents), les Magistrats du Tribunal Constitutionnel, capitaines d’abril, chefs militaires et corps diplomatique, les représentants des partis politiques, (habituellement il y a environ 700 invités et les démonstrations militaires ont été annulées).

L’actuel président de la République, Rebelo de Sousa, estime que le 25 avril doit être honoré par cette manifestation et il sera également présent.

Au regard de la situation du Portugal et du monde, face au Covid-19, on pourrait considérer ce débat anecdotique, ou des affirmations radicales, ’’pour en découdre’’ entre des pour et des contre.

Il paraît, cependant, le révélateur d’une situation chancelante où le symbole du 25 avril et donc de sa signification, est de plus en plus objet d’oppositions qui rejettent voire “excommunient” ce qu’il représente comme révolte et victoire contre la dictature qui a dominé le Portugal de 1926 à 1974.

Il est opportun de rappeler, comme le décrivait un élu, qu’en période d’instabilité, dans un pays comme le Portugal, “c’est l’institution parlementaire qui doit rester ouverte en permanence comme garant de la légitimité démocratique”. Et c’est l’affirmation du Parlement, dans cette période perturbée, où le “virus” contribue à la fragilisation de la démocratie voire au risque de l’anéantissement de ses valeurs, qui paraît important et la représentation nationale se réunisse pour que ce symbole reste la boussole de cette jeune démocratie.

** Plusieurs voix, dont celle du responsable du PC portugais, affirment que “les droits ne sont et ne peuvent pas être en quarantaine et que, si le virus est dangereux et tue, les licenciements abusifs, les coupes salariales, la déréglementation des horaires de travail et de la prévention sociale, détruit également des vies...”

Et une proposition est faite à tous les citoyens “dans l’après-midi du 25 avril, à 15 heures, nous allons ouvrir nos fenêtres et chanter Grândola Vila Morena et l’hymne National, donnant sens à la liberté conquise et aux valeurs d’avril”.

Pour le samedi 25 avril, si vous y pensez, sachez qu’à 15 heures (16h en France) on entendra la belle chanson de José Afonso, le signal radiophonique pour le déclenchement de la Révolution des Œillets.

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