tiré de L’INFOLETTRE DE FUGUES - # 609 - 6 avril 2017
Publié le 20 mars 2017 Denis-Daniel Boullé
En gros, on souffle sur les braises de tous les problèmes que nous rencontrons, on fait pleurer sur des temps d’avant, où c’était mieux, où l’on était chez nous, puis une fois l’assistance bien préparée, on cible des res-ponsables, des banquiers sans scrupule, des politiciens corrompus, une immigration envahissante, une insécurité grandissante et, sans oublier, des valeurs morales qui s’effondrent. Et dans ce dernier constat, on ne peut comme LGBTQ que se sentir un tantinet visé. Enfin, une fois la mayonnaise bien prise, les futurs électeurs bien remontés contre la mondialisation et un establishment qui les piétineraient, on leur propose des solutions, donc des politiques, bien radicales. Un mur par là sur une frontière, une priorité aux nationaux pour le travail, un effectif policier augmenté pour se débarasser de la racaille des banlieues, et un abaissement financier aux ONG, surtout à celles qui viennent en aide aux femmes. Bref, en arrière toute !
Je me méfie de tous ces tribuns (dirigeants politiques, chroniqueurs) qui se font les porte-parole de la majorité silencieuse, dont on présume de ses aspirations. Je me méfie de tous ceux qui proposent des solutions simplistes, mais surtout radicales, pour régler des problèmes réels, mais un peu plus complexes que la simple construction d’un mur ou la préférence nationale à l’emploi, (dont on sait qu’ils ont été désertés par les nationaux et que nous sommes contents d’avoir des immigrants légaux ou non pour les occuper).
Je me méfie de ceux qui ont toujours la réponse parfaite, tranchée pour envisager des lendemains meilleurs. Une réponse soutenue par un vocabulaire généralement martial, des attitudes va-t-en guerre. On sort les muscles... et pour peu les armes.
Les Marine Le Pen en France, Geert Wilders aux Pays Bas, et leurs homologues allemands, autrichiens, italiens, hongrois, polonais, veulent des États forts et refermés sur eux-mêmes. Et cela commande un grand ménage. Bien sûr ces partis d’extrême-droite, ou encore certains partis conservateurs accueillent dans leur rang des immigrants, et même des LGBTQ. Ce n’est pas nouveau, ce n’est pas un secret, mais généralement, ces LGBTQ font plutôt profil bas, et surtout ne tentent pas de faire évoluer leurs partenaires idéologiques sur des questions qui les touchent au premier plan.
Trump donne l’exemple et décomplexe les autres partis politiques et leurs dirigeants à travers le monde à afficher ouvertement leurs couleurs nationales au mépris des dernières avancées des droits de la personne et bien entendu les mêmes catégories sociales se retrouvent dans leur colimateur : Les femmes, les non-blancs, les LGBTQ, tout ce qui pourrait faire peur à la majorité silencieuse.
Je ne suis pas naïf au point de croire que l’insatisfaction gronde parmi la populaiton. Je sais que le chômage, les délocalisations, le pouvoir d’achat, l’insécurité, les changements extrêmement rapides, provoquent une énorme inquiétude. D’autant plus que les gouvernements socio-libéraux et socio démocrates n’ont su, ou pu, au cours des dernières décennies apporter de solutions durables et rassurantes. Je sais que lorsqu’on est un agriculteur qui voit le prix de sa production chuter, un employé qui du jour au lendemain se retrouve devant les grilles fermées de son entreprise ayant brusquement cessée toute activité parce que déménagée en Asie, la question des toilettes pour les transgenres, ou encore le mariage pour les couples de même sexe, ce ne sont pas vraiment des priorités. Et de voir des droits qui sont étendus pour un groupe particulier de la population, alors que rien ne change pour eux, peut amener une certaine exaspération.
Exaspération que le discours populiste a bien compris pour cibler nos communautés et d’autres comme faisant partie du problème. Elles ont créé ce qu’elles appellent aujourd’hui le lobby LBGT et les LGBTistes, les allié-es qui sous-tiendraient ce lobby. Et il est amusant de voir certains chroniqueurs du Journal de Montréal, (Richard Martineau, Sophie Durocher, Lise Ravary et Denise Bombardier) se gargariser avec ces néologismes. Bien évidemment, ces quatre-là ne sont pas d’extrême-droite, même s’ils en ont la couleur, l’odeur et la saveur. Et ils seraient les premiers à dire qu’ils ne sont pas homophobes parce qu’ils ont des amis gais (qui font si bien la cuisine, et ont un intérieur tellement bien décoré... Oups, non, c’est Lysiane Gagnon dans La Presse parlant de ses voisins).
Ce n’est pas une digression mais une transition. Bonne cuisine, intérieur design, c’est aussi sur ces clichés que surfent le populis-me. Nous ferions partie selon elle d’une catégorie de priviliégés, des nantis du système, et de citer tous les LGBTQ qui ont fait fortune, sont à la tête d’entreprises, et qui mèneraient le bal LGBTiste dans les plus hautes sphères décisionnelles, avec un agenda caché, se moquant de majorité silencieuse, de la classe moyenne, des pauvres, les véritables victimes de l’Etablishment sur lequel – sans toujours bien le définir – on tire à boulets rouges.
Alors que la réalité est bien autre. Les LGBTQ, comme les femmes et les immigrants sont souvent, parmi ceux qui sont parfois les plus exposés et les moins bien protégés lors de bouleversements économiques, d’austérité, et de rigueur budgétair, quand les discours isolationnistes, protectionnistes et identitaires trouvent un écho de plus en plus grand dans la population.
Bien sûr, nous faisons figure de modèle au Canada et au Québec. Bien sûr, nous sommes contents de ne pas être devant des choix difficiles de gouvernements. Mais le discours populiste connaît ici un certain regain, et demande à ce que nous restions vigilants.
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