Édition du 17 décembre 2024

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Politique québécoise

Pierre-Marc Johnson et la vierge offensée

Ça continue de plus belle. Voilà que Québec embauche à fort prix l’ex-premier ministre péquiste du Québec, Pierre-Marc Johnson, comme négociateur dans l’élaboration d’un Accord économique et commercial global Canada-Europe (AECG) qui va aller plus loin qu’un traité de libre-échange normal.

Il va inclure les investissements, les contrats publics, les biens et services publics, etc. La belle affaire. « Tout est sur la table dit Johnson » (La Presse, 9 décembre 2011). Ça fait vraiment peur. Comme de raison, tout est fait en catimini et M. Johnson ne veut fournir aucun document, même pas aux élus provinciaux, alors que ceux du Parlement européen les ont reçus. Pierre-Marc Johnson se comporte comme si c’était sa business alors que cet accord aura des impacts majeurs sur la population du Québec, allant d’Hydro-Québec à la privatisation de nombreux services publics (ce qui fait saliver les Européens et les opportunistes locaux). On a le droit de savoir. Faut surtout pas demander un référendum sur la signature d’un tel traité. Maître Johnson et ses amis vont grimper dans les rideaux. Pour ces sbires, trop de démocratie est aussi néfaste que pas assez.

Le hic dans cette patente tronquée, c’est que M. Johnson est avocat à plein temps chez Heenan Blaikie, qui a des bureaux et des gros clients en Europe et au pays et qui font par hasard justement des affaires dans les aqueducs, l’électricité, les partenariats publics-privés, le transport en commun, la santé, les autoroutes, etc. De plus, notre négociateur attitré siège au conseil d’administration d’un organisme affilié et financé par la transnationale française Veolia qui opère dans l’eau, les aqueducs, l’énergie, le transport, l’environnement. Mais faut surtout pas s’inquiéter, M. Johnson est un professionnel qui a « certifié qu’il respectait le code de déontologie de sa profession » (Le Devoir, 9 décembre 2011). On vous croit dur comme fer et acier M. Johnson. Cout’donc, on as-tu une poignée dans le dos ?

En plus, M. Johnson siège, entre autres, au conseil d’administration de la pharmaceutique Medicago (Le Devoir, 20 octobre 2009) et il s’est prononcé pour la santé privée (Le Devoir, 10 décembre 2005) et même s’il a été péquiste dans le temps, cela ne l’a pas empêché d’appuyer un candidat libéral (Journal de Montréal, 26 novembre 2005). Quoiqu’il soit partisan de la santé privée, il défendra bec et ongles notre système de santé publique contre l’envahissement possible de certains clients intéressés de son gros bureau d’avocats et d’autres. Juré, craché. Faut surtout pas s’inquiéter, M. Johnson est en quelque sorte M. éthique en personne. Plus éthique que lui, tu meurs !

Même si à ce jour M. Johnson n’a remis aucun document écrit et ne veut rien dire, le compteur est en marche. Il facture au gouvernement un taux horaire fort « raisonnable » de 800 $ l’heure et de 200 $ à 400 $ pour ses assistants. Des séances de placotage et des rencontres qui coutent très cher en fonds publics et sur lesquelles on n’a aucun contrôle sur le nombre d’heures travaillées ou les frais accessoires. Au début du mois décembre 2011, M. Johnson avait déjà facturé 1,4 M$ pour ses précieux services (Le Devoir, 8 décembre 2011).

Dormez tranquilles sur vos deux oreilles, M. Johnson et ses subalternes, également du privé, sont d’une honnêteté maladive. En somme, M. Johnson gagne en 30 minutes ce qu’un travailleur au salaire minimum à 9,90 $ l’heure gagne en 40 heures de travail. Mais le talent coûte cher, comme l’ont souligné les économistes universitaires de service Marcel Boyer et Claude Montmarquette dans leur brillante opinion publiée dans La Presse du 31 mars 2009 : « La compétence, ça se paie ! L’excellence et la haute performance coûtent cher parce qu’elles ont une grande valeur. » Oh, oh, faut faire bien attention car M. Johnson a la mèche courte et est très sensible à sa propre personne. Au député de Québec solidaire, Amir Khadir, qui a évoqué le conflit d’intérêts pourtant apparent de Me Johnson, ce dernier a qualifié M. Khadir de populiste et de démagogue. Et bien moi je vais rajouter mon grain de sel et qualifier M. Johnson « d’opportuniste ».

C’est pourtant limpide. Il est totalement absurde de confier à des représentants du privé, carrément impliqués financièrement jusqu’au cou, ainsi que leurs clients, par les tenants et aboutissants de ces accords de libre-échange avec l’Europe. Me semble que c’est évident que ces négociations devraient être menées et dirigées par des hauts fonctionnaires du gouvernement. Des commis d’État au service de l’État et qui ont à cœur les intérêts supérieurs de la collectivité plutôt que d’embaucher des affairistes qui ont plutôt à cœur leurs propres intérêts et ceux de leurs importants clients. Imaginez la valeur de l’information privilégiée que Me Johnson est le seul à détenir. De grâce, M. Johnson, dispensez-nous à l’avenir de votre numéro grotesque de la vierge offensée.

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