Édition du 17 décembre 2024

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Plan de « paix » israélo-palestinien de Trump

Palestine-Israël. « Ce que vous devez savoir sur le plan d’annexion de Trump »

Le président américain Donald Trump a finalement dévoilé son « plan de paix au Moyen-Orient » le mardi 28 janvier 2020, lors d’une conférence de presse à Washington, avec le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, se tenant à ses côtés.

Tiré de À l’encontre.

L’ensemble du document, intitulé « De la paix à la prospérité : une vision (perspective) pour améliorer la vie des peuples palestinien et israélien », comprend 181 pages, dont un plan politique, plus « The Trump Economic Plan » (que Washington avait déjà présenté en juillet 2019, lors d’une conférence à Bahreïn) et des sections sur la sécurité, les passages de frontières, l’eau, les réfugiés et Gaza. Le plan économique prévoit la création d’un fonds de 50 milliards de dollars pour aider à la relance de l’économie palestinienne, la Jordanie, l’Egypte et Israël recevant également des parts de l’aide financière proposée. Trump espère obtenir cet argent des Etats arabes, mais peu de fonds ont été promis jusqu’à présent pour mettre en œuvre le plan de Bahreïn.

L’annonce de Trump à Washington est considérée comme la composante politique de ce que lui et ses conseillers avaient appelé « l’accord du siècle ». Le plan crée un Etat palestinien fictif, qui devrait être démilitarisé et n’avoir aucun contrôle sur sa propre sécurité, ses frontières, ses ressources hydriques et sa politique étrangère, cédant la plupart de celles-ci à Israël. Un tel « Etat » aurait, en fait, moins de pouvoir et de contrôle que les bantoustans créés par l’Afrique du Sud de l’apartheid dans les années 1970. Il est certain que Lucas Mangope ou le général Oupa Gqozo, chefs des bantoustans Bophutatswana et Ciskei respectivement, avaient plus de pouvoir sur les territoires qu’ils contrôlaient ostensiblement que le « gouvernement » de l’« État » palestinien envisagé par Trump.

Oui aux colonies

Selon le plan, longtemps retardé, les Etats-Unis reconnaîtront officiellement les colonies juives d’Israël dans les territoires occupés. Toutes les colonies, qui abritent environ 600’000 colons, sont illégales au regard du droit international. Ce document est également un encouragement pour Israël à s’approprier autant de terres palestiniennes qu’il le souhaite avant que le plan ne soit mis en œuvre.

Selon le document, « [Israël] ne devra démanteler aucune colonie et incorporera la grande majorité des colonies israéliennes dans le territoire contigu israélien. Les enclaves israéliennes situées à l’intérieur du territoire palestinien contigu feront partie de l’Etat d’Israël et seront reliées à celui-ci par un système de transport efficace. »

Non à l’Etat palestinien

Bien que le plan de Trump fasse référence à une « solution réaliste à deux Etats » et à la création d’un Etat palestinien, il définit cette entité comme une série d’enclaves individuelles reliées par des tunnels et des ponts, et ne comprenant qu’environ 9% de ce qui était la Palestine sous mandat britannique en 1947. Il impose également des « limitations de certains pouvoirs souverains dans les zones palestiniennes » qui privent la nouvelle entité des pouvoirs, droits et devoirs d’un Etat normal. L’« Etat » palestinien mal défini est également conditionné par le respect d’un certain nombre de conditions par les dirigeants palestiniens, notamment le rejet de la « terreur ».

« L’Etat d’Israël, l’Etat de Palestine et les pays arabes travailleront ensemble pour contrer le Hezbollah, l’ISIS (Daech), le Hamas… et tous les autres groupes et organisations terroristes, ainsi que les autres groupes extrémistes », indique le document. Il est clair que les « autres groupes extrémistes » ne font pas référence au parti Likoud de Netanyahou ou à la myriade de groupes de colons juifs armés et violents qui attaquent quotidiennement les Palestiniens, leur bétail, leurs fermes et autres biens.

L’« Etat » ne sera pas autorisé à avoir des capacités militaires ou paramilitaires, et n’aura « pas le droit de conclure des accords militaires, de renseignement ou de sécurité avec un Etat ou une organisation qui affecte négativement la sécurité de l’Etat d’Israël, comme décidé par l’Etat d’Israël ». Le document contient une liste de potentiel de sécurité que l’« Etat » palestinien ne sera pas autorisé à avoir, y compris les mines, les mitrailleuses lourdes et le renseignement militaire. Et, dans le cas où les Palestiniens violeraient l’une de ces interdictions, Israël « conservera le droit de démanteler et de détruire toute installation ». Israël aura également le droit de prendre toutes les mesures nécessaires pour « garantir que l’Etat de Palestine reste démilitarisé et non menaçant » pour Israël.

Oui à Jérusalem comme capitale – pour Israël

Le plan qualifie Israël de « bon gardien de Jérusalem », « contrairement à de nombreuses puissances précédentes qui avaient gouverné Jérusalem et détruit les lieux saints d’autres religions ». Il félicite également Israël « pour avoir sauvegardé les sites religieux de tous et maintenu un statu quo religieux », ignorant complètement la réalité de la destruction et des attaques continues d’Israël sur les sites religieux chrétiens et musulmans au cours des sept dernières décennies.

Jérusalem, selon le plan, est envisagée comme la capitale « indivisible » d’Israël, comme l’a déjà déclaré l’administration Trump le 6 décembre 2017. Le plan propose cependant de donner aux Palestiniens une souveraineté limitée sur quelques quartiers adjacents au mur d’apartheid israélien construit illégalement dans Jérusalem-Est occupée. « La capitale souveraine de l’Etat de Palestine devrait se trouver dans la partie de Jérusalem-Est située dans toutes les zones à l’est et au nord de la barrière de sécurité existante, y compris Kafr Aqab, la partie orientale de Chouafat et Abu Dis », indique le document, qui précise que l’« Etat » palestinien n’aura le contrôle d’aucune partie de Jérusalem elle-même, en particulier pas la vieille ville de Jérusalem ou les sites religieux importants tels que la mosquée Al-Aqsa ou l’église du Saint-Sépulcre. Dans une concession apparemment généreuse, il suggère que les quartiers mentionnés « pourraient être nommés Al Quds ou un autre nom déterminé par l’Etat de Palestine ». Pour l’essentiel, les Palestiniens peuvent avoir leur capitale à Jérusalem, tant que leur Jérusalem n’est pas à Jérusalem.

Oui à Gaza en tant que partie de l’Etat palestinien, si…

Sans une seule référence dans ses 181 pages au siège israélien brutal de 14 ans sur Gaza, et aux diverses attaques militaires israéliennes sur le territoire pendant cette période, le document affirme que la population de Gaza « a souffert pendant trop longtemps sous le régime répressif du Hamas ». Peu importe que le Hamas ait été élu démocratiquement par les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza en 2006, mais qu’il ait été soumis, avec deux millions de Palestiniens, au siège israélien hermétique dans la bande de Gaza appauvrie.

Bien que les Palestiniens de Gaza aient « trop longtemps souffert », pour que la Bande Gaza soit incluse dans un futur « accord de paix », il faudrait qu’elle soit démilitarisée et qu’elle tombe sous le contrôle de l’Autorité palestinienne (AP) ou de toute autre partie qu’Israël choisirait de reconnaître.

Non aux réfugiés

Comme prévu, le plan réitère le rejet par Israël du droit des réfugiés palestiniens, en vertu du droit international, de retourner dans leurs foyers et leur pays. Il stipule qu’il n’y aura pas de droit au retour ou à l’intégration d’un réfugié palestinien dans l’Etat d’Israël. Ce qui est décrit comme le « problème des réfugiés » devrait être résolu par les « frères arabes » de Palestine, qui « ont la responsabilité morale de les intégrer dans leur pays comme les Juifs ont été intégrés dans l’Etat d’Israël ». Même l’éventuelle « absorption » de réfugiés palestiniens dans « l’Etat de Palestine » est soumise à des limites. Le plan prévoit la création d’un comité « d’Israéliens et de Palestiniens » pour veiller à ce que « les droits des réfugiés palestiniens à immigrer dans l’Etat de Palestine soient limités conformément aux dispositions de sécurité convenues ».

Le document appelle à une « solution juste, équitable et réaliste de la question des réfugiés palestiniens », mais l’assimile ensuite à « la question des réfugiés juifs », faisant référence aux Juifs qui ont quitté les pays musulmans pour s’installer en Israël, appelant également à une « solution juste, équitable et réaliste des questions relatives aux réfugiés juifs ».

Oui à la sécurité – pour Israël

La sécurité d’Israël est un fil conducteur qui traverse le document, avec un sous-titre indiquant clairement « La primauté de la sécurité ». Israël aura, en fait, « la responsabilité primordiale de la sécurité sur l’Etat de Palestine » et sera responsable de « la sécurité à tous les points de passage internationaux vers l’Etat de Palestine », ce qui signifie que le nouvel Etat n’aura de contrôle sur aucune de ses frontières. Israël « continuera également à contrôler l’espace aérien et le spectre électromagnétique à l’ouest du Jourdain ».

Même les aspects des relations étrangères de l’« Etat » palestinien, selon le document, seront de la responsabilité d’Israël. « L’Etat de Palestine n’aura pas le droit de conclure des accords militaires, de renseignement ou de sécurité avec un Etat ou une organisation quelconque qui aurait un impact négatif sur la sécurité de l’Etat d’Israël, telle que qualifié par l’Etat d’Israël », affirme-t-il.

Oui à plus de nettoyage ethnique

Une autre partie inquiétante du plan concerne les communautés palestiniennes d’Israël qui vivent dans une zone appelée « Triangle ». Concernant ces communautés – à Kafr Qara, Ar’ara, Baha al-Gharbiyye, Umm al-Fahm, Qalansawe, Tayibe, Kafr Qasim, Tira, Kafr Bara et Jaljulia – le document « envisage la possibilité… que les frontières d’Israël soient redessinées de telle sorte que les communautés du Triangle fassent partie de l’Etat de Palestine ». L’objectif est donc de relocaliser politiquement ces communautés d’environ 350’000 personnes, en les dépouillant de leur citoyenneté israélienne et en les jetant dans le bantoustan palestinien. Le plan propose en fait une autre façon d’aider à nettoyer ethniquement Israël de sa population palestinienne.

Conclusion

Les Palestiniens, apparemment sans exception, ont rejeté le plan Trump. Un certain nombre de formations politiques palestiniennes, la veille du dévoilement du plan, ont exprimé leur opposition unie à celui-ci. Ce n’est pas surprenant, compte tenu des dispositions du document. La réalité, cependant, est qu’à bien des égards, le plan Trump ne fait que tenter de légitimer le statu quo. Une grande partie de ce dont le document parle comme d’une future « vision » (perspective) est déjà la réalité palestinienne.

La question est maintenant de savoir comment les groupes palestiniens vont actualiser leur opposition en tant que projet de résistance qui affronte non seulement le plan Trump, mais aussi l’occupation israélienne et le projet d’annexion dans son ensemble.

Analyse publiée par l’AMEC en date du 29 janvier 2020, établie en collaboration avec Palestine Chronicle ; traduction rédaction A l’Encontre.

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