Édition du 19 novembre 2024

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Obama : l’emploi, l’austérité et le pouvoir du business

A la fin de son discours de hier soir, 8 septembre 2011, consacré à l’emploi, le président Obama a mis le Congrès au défi d’imaginer où seraient les Etats-Unis si leurs prédécesseurs s’étaient dérobés quand on leur demandait de penser grand.

Publié par Alencontre le 25 - septembre - 2011

Il a énuméré les initiatives historiques du gouvernement : l’effort pour construire le chemin de fer transcontinental et instituer des universités techniques par des concessions de terres fédérales dans les années 1860 [1], le vote de la loi des Gis [2] et la construction du réseau des autoroutes inter-états au milieu du XXe siècle, et plus récemment, le soutien à la recherche fondamentale qui a rendu possible le chip informatique et Internet.

« Quelle sorte de pays serait le nôtre si cette chambre avait voté contre la Sécurité sociale ou Medicare juste parce que ça viole quelque idée rigide à propos de ce que le gouvernement peut ou ne peut pas faire ? » a demandé Obama. « Combien d’Américains en auraient souffert les conséquences ? »

Malheureusement pour le président, ces comparaisons n’auront servi qu’à souligner combien maigres sont ses propositions de création d’emplois quand on les mesure à l’aune de ces choix d’investissements gouvernementaux qui ont réussi.

Barack Obama a essayé de faire un discours de campagne électorale rempli de propositions pour lesquels les Républicains eux-mêmes pourraient voter. Il a abouti au pire des deux mondes. Le contenu était pauvre en inspiration pour sa base de plus en plus démobilisée. Particulièrement parmi les syndicalistes [les appareils syndicaux apportent leur appui politique et financier au Parti démocrate] qui commencent à manifester ouvertement leur frustration avec les Démocrates.

Comparé aux beaux discours sur les emplois verts et l’énergie renouvelable que le candidat Obama offrait couramment en 2008, ce morceau de bravoure ressemble à des toasts mouillés qui ne peuvent satisfaire que si on les compare à la bile que crachent des aspirants à la présidence comme Rick Perry [gouverneur républicain du Texas et candidat aux primaires du Parti républicain] qui a appelé la Sécurité sociale (avec ses 2300 milliards de dollars d’excédent) une chaîne de Ponzi [c’est-à-dire un système qui consiste à rémunérer les investissements effectués par les clients par les fonds procurés par les nouveaux entrants ; cette chaîne qui se casse lorsque les nouveaux entrants ne permettent plus de rémunérer les anciens ; Charles Ponzi a mis au point ce type d’escroquerie dans les années 1920 ; la dernière figure de ce genre d’opération frauduleuse est Bernard Madoff].

Après le cirque du plafond de la dette publique de cet été, quand les conservateurs du Tea Party ont monté une crise bidon pour l’utiliser afin de prendre le gouvernement en otage, il paraît peu probable que le Congrès vote effectivement grand-chose de ce que le président a présenté, quelles que soient les qualités de ses propositions.

Mais pour les simples salarié·e·s qui croient que le gouvernement peut et doit faire plus pour affronter la crise de l’emploi provoquée par la récession, le discours d’Obama était bien plus décevant. Il cristallisait la pensée de petite envergure qui domine à Washington – dans l’administration Obama en particulier – pas seulement à propos de ce que le gouvernement devrait faire, mais plus fondamentalement à propos de ce qu’il est capable de faire.

Au vu de la statistique de l’emploi du mois passé, qui montrait que la croissance des emplois était à plat, c’est vraiment des mauvaises nouvelles pour les 25 millions de personnes qui sont au chômage, ou qui ne trouvent pas d’emploi à plein-temps, ou qui ont abandonné la recherche d’un emploi tout simplement [voir à ce sujet l’article sur ce site d’Alan Maas sur le chômage aux Etats-Unis, en date du 15 septembre 2011]

Les baisses d’impôts ne créent pas des emplois

Le contenu détaillé de la Loi sur les emplois d’Obama (American Jobs Act) est basé sur des principes que Reagan aurait approuvés. La moitié du paquet de 450 milliards de dollars est composée de réductions d’impôts. Obama a longuement pris la peine de nous assurer qu’il s’engage à trouver des réductions de dépenses supplémentaires – y compris dans Medicare [système d’assurance-maladie pour les personnes âgées de plus de 65 ans ou handicapées] et Medicaid [système d’assurance-maladie pour les personnes ou familles ayant des revenus très faibles], afin de compenser les nouvelles dépenses.

Et Obama n’a pas raté l’occasion de participer à la noce à Thomas [jeu de massacre] des attaques contre le gouvernement lui-même, en promettant de couper dans les règlements et la bureaucratie qui sont censés faire obstacle aux affaires ! Il a déjà pris de l’avance la semaine passée quand son administration a renoncé à des nouvelles normes de pollution dont l’EPA [3] dit qu’elles préviendront 12’000 morts chaque année.

Ce qui est presque aussi grave, c’est que les propositions d’Obama ne peuvent pas même commencer à entamer le manque d’emplois du pays.

Comme le dernier paquet de relance l’a démontré, les baisses d’impôts ne vont pas stimuler les dépenses, mais vont permettre à des gens de rembourser leurs dettes et à des entreprises d’augmenter leurs immenses réserves. Ces « créateurs d’emplois » tant vantés sont déjà assis sur près de 2000 milliards de dollars [l’investissement stagne et ces capitaux intègrent la sphère financière].

Après que Wall Street et le reste du business des Etats-Unis ont eu fini de ratisser des profits records l’année dernière, ce qu’ils ont dépensé comme argent est allé à des augmentations à deux chiffres pour les PDG et des gras honoraires pour les avocats et les consultants qui leur permettent de payer presque rien comme impôts fédéraux.

Les entreprises n’investissaient pas ni n’engageaient des personnes qui ont moins de cinq zéros sur leur fiche de paie. Elles étaient retournées au business as usual et il n’y a rien dans le discours d’Obama – ou dans l’offensive de charme de la Maison Blanche vers les patrons cette année – qui va changer quelque chose à cela.

Où est le réseau d’autoroutes inter-états de notre siècle ? Après qu’un incident dans une centrale nucléaire a plongé dans le noir la plus grande partie du Sud-Ouest la nuit passée, nous pourrions assurément avoir l’usage de grands et audacieux investissements pour rendre viable, technologiquement et économiquement, l’énergie solaire et éolienne.

Où est l’équivalent pour notre siècle de l’électrification rurale ? Le gouvernement coréen a un plan pour amener l’Internet haut débit dans chaque foyer du pays. Les Etats-Unis ne vont définitivement pas tirer cela du camion d’un fournisseur de la Time Warner ou de la Comcast [deux grands groupes de médias des Etats-Unis].

Qu’en est-il du train à grande vitesse ? La Chine est déjà en train de travailler dur au plus grand réseau de train à grande vitesse du monde, un point que Obama a souligné dans son discours. Pendant ce temps, Obama bricole avec des améliorations modestes tandis que des gouverneurs mesquins font que leur Etat mérite la note « échoué » en refusant des investissements dans le chemin de fer.

Des solutions de ce type ne vont pas venir du secteur privé, mais par contre les ressources pour les payer doivent venir de là. Elles peuvent et doivent donc être prélevées sur le secteur privé.

Des grandes idées – et un gouvernement du XXIe siècle qui n’ait pas peur de l’action audacieuse – pourraient créer des millions d’emplois et édifier une nouvelle base économique, plus durable.

Malheureusement, l’ambition et la pensée en grand étaient piteusement absentes la nuit passée, du discours d’Obama. Cela fait plus d’une génération qu’elles sont absentes de Washington et aujourd’hui les congressistes se disputent pour savoir qui va le plus réduire encore nos attentes.

Il revient aux militants du mouvement ouvrier – et plus largement – d’exposer dans détours ces faits et de jeter à bas cette fiction selon laquelle c’est le contrôle par les entreprises et l’austérité qui seraient la seule voie vers la renaissance économique. (Traduction A l’Encontre ; article écrit le 9 septembre 2011)


Mark Brenner est le directeur du bulletin et du site Labor Notes au Etats-Unis. Ce bulletin sert aussi d’organe de liaison d’un secteur de militant·e·s actifs dans divers syndicats.

Notes
[1] Des lois fédérales de 1862 et de 1890 ont subventionné par la cession de terres fédérales la création par les Etats d’institutions d’enseignement supérieur, d’abord techniques, devenues ensuite des universités publiques généralistes.
[2] Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, le gouvernement des Etats-Unis a payé des études universitaires à tous les soldats démobilisés.
[3] Agence de protection de l’environnement. Obama a demandé de retirer un projet de réglementation environnementale prévoyant des normes de qualité plus rigoureuses sur la qualité de l’air, afin de ne pas « faire obstacle à l’industrie ».

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