Édition du 17 décembre 2024

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Poésie

Nous nous écrivions presque toutes les semaines

Nous nous écrivions presque toutes les semaines, avant. J’ai pris la plume et je l’ai abandonnée, puis reprise, animée de cette furieuse envie de t’écrire, comme autrefois. Comment vas-tu ? Habites-tu comme avant un logement clair, dont les fenêtres donnent sur les marronniers, les catalpas et les tilleuls ?
Est-ce que la chatte, furtive et altière tout ensemble, entre et sort à sa guise dans le jardin ensoleillé ? Tu me disais que dans chaque endroit où tu avais habité, il y avait un bout de verdure, pas tant pour toi que pour la chatte. Il y a si longtemps, ce ne peut plus être la même chatte. Mais, quand je te vois en mes souvenirs, il y a la chatte. Ensuite, il y a la table à écrire traversée d’un éclat de soleil, le café ou le vin selon l’heure.

À travers la course folle qui nous a menées l’une et l’autre sur d’autres chemins, il y a soudain cette pause. Je sais qu’elle ne durera pas. Mais en cette nuit paisible où la maison s’étire et prend ses aises après le soleil harassant qui nous a talonnés la journée durant, j’ai installé mon sous-main sur la table de la cuisine et je me suis mise à t’écrire, comme si nous n’avions jamais cessé de faire circuler, de l’une à l’autre ces lettres pleines de petites choses qui font la vie.

Je réalise soudain que toutes ces années, j’ai été en dehors de ma vie, en dehors de la vie telle que je la conçois et je ne suis plus certaine d’avoir envie de sauter encore, pieds joints, dans ce train fou qui nous emporte et qui sème, tout au long de son parcourt, des bribes de notre âme. J’ai envie d’errer encore un temps dans le jardin, entre les pivoines et les lupins, près des roses de mon père que j’ai transplantées chez moi. Il n’est pas grand, mais j’y ai mis tout ce que j’aime, sauf le marronnier, le catalpa, le tilleul et le magnolia. La chatte qui y dort n’est plus la mienne, mais je lui ai réservé, au soleil, une place de choix.

Cette nuit, j’ai marché dans la ville, j’ai usé mes semelles et je me suis réapproprié des pans de vie qui sont les miens, qui sont les nôtres. Seule, j’ai souri à maints souvenirs, j’ai froncé les sourcils à d’autres et de ce long périple, dans ma solitude aimée, j’ai ramené des bribes de notre passé, comme un enfant cueille dans le jardin ou sur la plage, des coquillages et des fleurs.

C’est à nous qu’il reviendra de faire qu’après soit mieux qu’avant. Mais, d’avant, il faudra garder la beauté, la poésie, les jardins, le marronnier, le catalpa, le tilleul, le magnolia, la chatte, les foules innombrables marchant d’un même pas dans le rêve d’un monde meilleur et l’odeur de l’averse sur l’asphalte mouillée.

Je te laisse. Et j’espère que cette fois, ce sera pour peu de temps.

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