A l’encontre
11 mars 2021
Par la rédaction de Frontier
Des centaines de policiers et de soldats ont fait irruption dans le complexe de logements du personnel Myanma Railways dans le district de Tarmwe à Yangon (Rangoon) vers 6 heures du matin, le mardi 10 mars, et ont bloqué pendant une bonne partie de la matinée toutes les entrées et sorties du complexe, faisant craindre aux résidents des violences immédiates.
La police a d’abord arrêté trois conducteurs de locomotive, mais à midi, elle a commencé à expulser tout le monde par la force, en criant que leurs maisons seraient rasées au bulldozer et qu’eux-mêmes et leurs familles seraient abattus s’ils refusaient de partir.
« Ils ont une liste de personnes du CDM qu’[ils] vont arrêter, mais s’ils veulent arrêter les personnes de ce complexe qui soutiennent le CDM, nous serons tous arrêtés », a déclaré ce matin à Frontier un employé des chemins de fer et résident du complexe, avant qu’il ne soit clair que les habitants seraient tous expulsés. « Il n’y a personne ici qui ne soutienne pas le CDM. »
Environ 1000 membres du personnel de Myanma Railways et leurs familles vivaient dans le complexe, qui jouxte la gare de Ma Hlwa Gone. Ils participaient au CDM depuis le 8 février. Un habitant a confié à Frontier que beaucoup d’entre eux n’ont nulle part où aller et s’inquiètent pour la sécurité des enfants et des parents âgés qui vivent avec eux.
Avant les ordres d’expulsion, Frontier a vu de nombreux résidents fuir le complexe avec leurs affaires emballées à la hâte dans des sacs-poubelles en plastique, craignant d’être arrêtés ou contraints de quitter le CDM et de retourner au travail.
Les policiers et les soldats qui ont pris d’assaut l’ensemble des logements ont confisqué du riz et d’autres biens qui avaient été donnés par la population solidaire au personnel des chemins de fer participant au CDM.
Selon un habitant, peu après le début du raid, une cinquantaine de policiers ont pénétré dans la cité par l’est, avant que l’entrée principale du côté ouest ne soit bloquée par des camions de l’armée et un grand nombre de soldats. Vers 11h30, 40 autres policiers sont arrivés dans le complexe dans six véhicules. En fin de matinée, un total de 15 véhicules militaires, cinq voitures de police et des centaines de policiers et de soldats avaient encerclé le complexe et bloqué toutes les sorties.
« Cela signifie que nous sommes enfermés », a déclaré le résident ce matin. « Je pense que nous serons dans une mauvaise situation ce soir. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de moyen de sortir. Je n’ai que deux choix : me taire ou me défendre. »
Le raid à Ma Hlwa Gone fait suite à une série de tentatives infructueuses de la Tatmadaw (armée) pour contraindre le personnel ferroviaire en grève à reprendre le travail. À Mandalay, le 17 février, des soldats ont tenté de forcer des cheminots à reprendre le travail sous la menace de leurs armes, mais sans succès.
À l’échelle nationale, on estime que 90% des 30 000 employés des chemins de fer du Myanmar ont rejoint le mouvement, interrompant le transit des trains dans tout le pays depuis début février.
Les grévistes ont été soutenus par des dons publics de nourriture et d’argent que des bénévoles ont aidé à distribuer au personnel à tous les niveaux.
« La plupart des dons vont aux grands ateliers ferroviaires, comme ceux de Ma Hlwa Gone et d’Insein [dans le nord de Yangon]. Les gens n’atteignent pas les autres employés des chemins de fer – ceux qui vérifient les billets et entretiennent les voies – alors nous faisons en sorte que les dons leur soient également utiles », a déclaré U Htay Hla, directeur général adjoint du département des moteurs et de l’entretien des bus ferroviaires de Myanma Railways, qui s’est caché pour échapper à la Tatmadaw.
Malgré les menaces de ne pas payer les grévistes, l’administration militaire a versé les salaires de février au personnel en grève de Myanma Railways au début du mois de mars. (Article publié sur le site Frontier, le 10 mars 2021 ; traduction rédaction A l’Encontre)
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