Margaret Thatcher (1925-2013) : vie et mort d’un rhinocéros
08 avril 2013Par Jean-Louis Legalery
Son irritante et permanente intransigeance lui avait valu le surnom en forme de métaphore réminiscente de la politique des blocs et de la guerre froide, the Iron Lady, référence faite à the Iron Curtain, chape de plomb tombée du ciel du Pacte de Varsovie sur les peuples de l’Europe de l’Est. Elle est morte, aujourd’hui 8 avril 2013, à la suite d’une ultime attaque, très loin d’une réalité dont les affres de la maladie d’Alzeihmer l’avait coupée depuis de nombreuses années.
Elle laissera dans l’histoire contemporaine le souvenir d’un leader ultra conservateur et terriblement entêtée, convaincue de détenir la vérité, une des pires réactionnaires de l’après-guerre. Pourtant, tout avait bien commencé pour cette femme travailleuse, intelligente et méritante qui aurait pu, en étant jusqu’à ce jour, l’unique femme premier ministre, laisser une noble empreinte, dans le sillage de toutes les femmes qui, du droit de vote à la seconde guerre mondiale, ont mené de rudes batailles pour la liberté et l’émancipation. Fille d’une couturière et d’un épicier, Margaret Roberts mena de brillantes études secondaires qui lui permirent d’intégrer l’université d’Oxford encore très machiste et d’y obtenir une maîtrise de chimie. A 24 ans elle sera candidate, sans succès, pour la première fois, tout en entreprenant des études de droit qui feront d’elle une avocate. Lorsqu’elle prend la tête du parti conservateur en 1975, seule femme de l’état-major Tory, les espoirs des femmes et des féministes se sont déjà évanoui, puisque, depuis son passage au ministère de l’éducation (1970-1974), elle a été surnommée the milk snatcher, littéralement la voleuse de lait, pour avoir supprimé, en 1971, la distribution gratuite de lait aux enfants des écoles primaires britanniques.
Puis, lorsqu’elle arrive au 10 Downing Street, en 1979, pour y rester 11 longues années jusqu’en 1990, elle va se montrer pire que n’importe lequel de ses mâles prédécesseurs. Faible avec les forts, forte avec les faibles, elle va devenir le fossoyeur de tout ce qui faisait le Royaume-Uni. En quelques années, elle va dilapider les mines, l’industrie automobile, la métallurgie, la solidarité, le Welfare State, bref tout ce qui caractérisait le Royaume-Uni. Elle se désintéressera totalement de l’ex-Commonwealth, qui ne faisait pas partie de ses préoccupations économiques. Elle poussera l’ignominie jusqu’à s’opposer par tous les moyens à la libération de Nelson Mandela avant son départ du pouvoir, considérant que c’était un dangereux terroriste. On n’oubliera pas non plus les larmes versées sur son enfant gâté de fils, perdu quelque part en Afrique dans le cadre d’un rallye automobile, alors que les grévistes de la faim irlandais allaient au terme tragique de leur action dans les geôles britanniques, ni son indestructible amitié avec le très réactionnaire Reagan et l’infréquentable Pinochet. Elle avait réussi le tour de force de se faire admirer par les conservateurs français, en tête desquels Chirac, qui vont forcément verser une larme, les femmes britanniques aussi, mais pour d’autres raisons, car, à cause de Margaret Thatcher, elles ont perdu près de cinquante ans.
P.S. : Sans la complicité objective de la junte militaire argentine qui décida d’envahir las Malvinas, the Falkland Islands, le passage au pouvoir de Thatcher, qui était au plus bas dans les sondages en 1982, aurait dû être une parenthèse vite refermée. Mais l’exploitation honteusement nationaliste et prétendument patriotique de la récupération de cet archipel et l’aide de Rupert Murdoch et de toute la presse a gravement prolongé le malentendu.
http://www.guardian.co.uk/politics/2013/apr/08/margaret-thatcher-dies-aged-87