Édition du 19 novembre 2024

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Politique canadienne

Projet de loi sur les droits d’auteurs

Loi C-32 : Une joute politique inquiétante

Il est peut-être temps de reposer à M. Moore cette question laissée sans réponse au printemps dernier : « Les 10 000 chansons sur le iPod du ministre de l’Industrie (M. Clement) ont-elles été acquises légalement ? »

Contre toute attente, après moult rumeurs de report, le projet de loi C-32 visant à réviser la Loi sur le droit d’auteur franchit actuellement l’étape de la deuxième lecture, qui permet de connaître les positions des partis sur la question. À l’amorce de cette joute politique, l’inquiétude grandit, car un survol de l’historique du gouvernement en poste et de la conjoncture politique laisse planer la question suivante : avons-nous plus à craindre du projet de loi conservateur ou du laxisme de l’opposition ?

À cet égard, force est de constater que le Bloc québécois fait bande à part. En effet, ce dernier et le NPD ont démontré plus de cohérence et d’aplomb que les libéraux, pourtant fondateurs de la loi actuelle.

Another brick in the wall

Ainsi, sous le règne conservateur minoritaire, nous avons vu les politiques culturelles canadiennes être érodées de façon dramatique.

2005 : Le CRTC accorde des quotas de 10 % de canaux canadiens dont 2,5 % de canaux francophones à Sirius Canada et à CSR, amenuisant ainsi la protection de la diversité culturelle dont nous nous étions dotés ;

2008 : Abolition, sans justification, du programme Routes commerciales, qui affecte la circulation de nombreuses tournées canadiennes à travers le monde ;

2009 : Le CRTC maintient le statut d’exemption des entreprises de radiodiffusion de nouveaux médias, les soustrayant ainsi à toute contribution financière à la création de contenus originaux ;

2009 : Remise en question des règles de propriété étrangère dans le secteur des communications ;

2010 : Réaffectation vers les radios (communautaires) de sommes auparavant dévolues à Musicaction et FACTOR ;

Projet de loi C-32 :
Déclin inéluctable du régime de la copie privée ;
Déresponsabilisation des fournisseurs d’accès Internet ;
40 nouvelles exceptions.

En somme, le financement du contenu est amoindri et on amenuise les revenus autonomes des ayants droit. Voilà pour la tendance lourde du bilan conservateur. Or, en contexte minoritaire, le plus accablant est de penser que plusieurs ont laissé faire. Et à cet égard, difficile de ne pas tourner les yeux vers les libéraux.

Les héritiers de Mme Copps ont-ils le courage de préserver son héritage ? Le fait est que, si bloquistes et néo-démocrates ont jusqu’ici exprimé des positions claires, les libéraux, qui prétendent au pouvoir, demeurent outrageusement évasifs. Que proposent donc les libéraux en matière de droit d’auteur ? À ce stade-ci du débat, leur silence persistant n’envoie pour tout signal qu’une caution de plus aux plans conservateurs.

Patrimoine orphelin, prise 2

Le régime de la copie privée, introduit par le gouvernement libéral en 1997, a donné à ce pays, à ses artistes et à ses producteurs, une mesure tout indiquée pour assurer l’équilibre recherché par la loi, conjuguant l’accès attendu par le consommateur et une juste compensation financière pour les ayants droit. Il suffit au législateur de mettre à jour le principe de la loi au vu des nouvelles technologies. Il faut rappeler que l’intention de Mme Copps était de couvrir tous les supports audionumériques. Malheureusement, les tribunaux en ont décidé autrement et les iPod de ce monde ne sont toujours pas soumis au régime. Ce faisant, les juges ont renvoyé la balle au pouvoir politique, qui ne l’a jamais saisie. Le moment est venu de réparer ce tort, dont les créateurs canadiens ont fait les frais depuis une décennie.

À cette problématique s’est entre-temps ajoutée celle des échanges de fichiers sur Internet. À nouveau, le gouvernement ferme les yeux et fait porter aux ayants droit le fardeau de « policer » la Toile.

Dernier chapitre de la saga (la deuxième lecture du projet de loi), le fait saillant des derniers jours est un commentaire du ministre du Patrimoine en réponse à l’éloquent plaidoyer de Mme Carole Lavallée. « Tout ça [les échanges de fichiers], c’est de la foutaise. Aujourd’hui, les gens écoutent leur musique en streaming », dixit James Moore.

Il est peut-être temps de reposer à M. Moore cette question laissée sans réponse au printemps dernier : « Les 10 000 chansons sur le iPod du ministre de l’Industrie (M. Clement) ont-elles été acquises légalement ? »

Tout compte fait, l’approche conservatrice, qui s’en tient à réaffirmer le caractère illégal des échanges P2P et à enjoindre les ayants droit à poursuivre les fautifs, me donne une idée.

Peut-être nous faut-il, aux fins d’un exemple qui fasse école, commencer par le ministre de l’Industrie ?

L’auteur est président de la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec

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