La première, celle de notre ministre de l’Éducation, Monsieur Yves Bolduc, qui a conseillé aux commissions scolaires d’économiser en reportant l’achat de livres dans les bibliothèques, a soulevé le monde littéraire en plus du milieu scolaire.
La seconde concerne la maison de distribution ADP qui ne sait pas compter ni reconnaître le droit d’auteur. Il faut dénoncer ce manque de respect des créateurs et de tous ceux qui font vivre la littérature.
« Ça ne tuera pas les enfants. »
Les réseaux sociaux ont largement diffusés ces propos de notre ministre Bolduc et plusieurs personnes ont réagi. Danielle Marcotte, écrivaine de la Montérégie, a dénoncé « ces propos irresponsables ». Elle a écrit à M. Philippe Couillard, premier ministre du Québec, pour lui faire part de son indignation face aux propos tenus par le ministre de l’Éducation. Elle l’invite à s’occuper « des vraies affaires ». Vous pouvez la lire et réagir sur ce lien (http://dmarcotte.ca/pas-de-livres-dans-les-bibliotheques-scolaires-ca-ne-tue-pas-dit-le-ministre-de-leducation/).
Auteure, conteuse, passionnée de lecture, je diffuse et anime le milieu littéraire depuis plus de 30 ans, aussi je partage tout à fait le point de vue de Madame Danielle Marcotte. Voici un passage de la lettre : « Ils méprisent mon travail d’auteure ; ma vie professionnelle à cheval entre l’édition, l’enseignement et la promotion de la lecture ; ce que j’ai tenté d’inculquer à mes enfants et de transmettre à mes petits-enfants à propos de l’importance de la lecture ; mon implication citoyenne dans des associations liées au livre et à la lecture… Ils grugent encore la confiance que je peine à conserver à nos élus. »
Des excuses bidon
Le monde du livre est petit, fragile, mais solidaire. Nous avons été nombreux à dénoncer les propos d’un ministre qui gère la culture et l’éducation de façon bien étrange. Aussi s’est-il excusé cette semaine en exigeant aux commissions scolaires d’acheter des livres et d’en rendre compte au ministère, sans toutefois augmenter leur budget… Au final, ce sera encore plus de gestion, encore moins de liberté, et toujours pas plus d’argent. Il ne suffit pas de brandir fièrement une facture d’achat de livres pour donner le goût de lire aux jeunes, éveiller leur curiosité, animer et mettre en valeur la littérature qui leur est destinée… Monsieur Bolduc tente de se rattraper, mais il est trop tard. Ses propos des dernières semaines ont bien révélé le fond de sa pensée.
Un caillou trop lourd
Dans le même ordre d’idée, le distributeur ADP, qui diffuse les livres de Caillou publiés aux éditions Chouette (imitant le véritable Caillou créé par Hélène Desputeaux en 1989), a annoncé dernièrement devant une salle remplie de libraires, de bibliothécaires et divers intervenants du livre que Caillou (le faux) avait 25 ans ! Comme si ces gens ne savaient pas compter ! Comme s’ils ne savaient pas que c’est en 1989 qu’Hélène Desputeaux créait ce personnage bébé inspiré de sa fille qui venait de naître. Comme s’ils ne savaient pas que les éditions Chouette publient depuis une quinzaine d’années (et non depuis 25 ans…) une pâle imitation de ce personnage !
Si vous ne connaissez pas encore la saga de Caillou et sa créatrice, vous pouvez lire ce lien (http://journalmobiles.com/culture/livres/six-ans-apres-le-scandale-de-caillou).
Hélène Desputeaux, qui a passé plus de 10 ans en cour pour tenter de rétablir les faits sur son œuvre et ses droits d’auteur, dénonce cette attitude de la part d’un important distributeur. Les gens d’ADP savent-ils la vérité ? Pourtant, les écrivains le savent, les libraires le savent, tout le monde le sait, alors pourquoi jouer à l’autruche ? Est-ce parce que ces livres s’adressent à des tout-petits que personne ne réagit ? Est-ce parce que cette marchandise se vend bien et permet au distributeur et à l’éditeur de mettre la main sur un profit non négligeable ?
Apprenant la nouvelle, Hélène Desputeaux, créatrice de Caillou, a publié ces quelques lignes sur le site de sa maison d’édition :
« Quand tu as juste envie de pleurer et de t’écrouler... Ai-je été 11 ans en Cour Supérieure ou je l’ai rêvé ? On vient de m’informer qu’hier, à la journée ADP, devant les libraires, les bibliothécaires, il y a eu une présentation vidéo sur les 25 ans de Caillou et de sa créatrice... pas moi bien sûr... je dois être morte ou invisible...Malgré une transaction homologuée par la Cour et une nouvelle requête déposée pour faire respecter cette transaction... »
L’automne dernier, des milliers de personnes ont signé la pétition de L’AEQJ (Association des écrivains pour la jeunesse) dénonçant l’utilisation d’une illustration du faux Caillou pour imprimer un timbre célébrant les 25 ans du personnage. Devant cette situation, Postes Canada s’est rétracté et a annulé le projet de timbre – lequel était sans doute déjà imprimé.
Madame Desputeaux, comme l’auteur Claude Robinson, se bat depuis des années pour faire reconnaître son œuvre et ses droits d’auteur. À quand la fin de ces procès interminables ? À quand une loi et le respect du droit d’auteur ? En pleine rentrée scolaire, comment trouver les mots pour stimuler des étudiants qui auraient envie de faire carrière dans le monde du livre ? Il est révoltant de voir certains éditeurs et distributeurs se comporter, en toute impunité, comme des hors-la-loi qui pillent la propriété intellectuelle de nos créateurs pour s’en mettre plein les poches ! Et tout cela, sous le regard bienveillant de nos élus qui se réjouissent de voir, avec ces méga-succès commerciaux, que le monde du livre se porte bien ! Comment continuer à donner le goût de lire quand les gestes et les propos de nos élus vont à l’encontre de notre travail ?