Bien que ce projet de loi soit perfectible, il s’agit d’un pas dans la bonne direction ainsi qu’une occasion de jeter les bases d’un véritable régime public et universel d’assurance médicaments. D’ici à ce que cela devienne réalité, nos organisations entrevoient plusieurs difficultés. D’abord, on peut s’attendre à ce que les lobbyistes de l’industrie pharmaceutique et des assureurs soient très actifs derrière les portes closes et dans l’espace public afin de torpiller toute initiative qui vise à réduire les coûts des médicaments et donc leurs profits. Collectivement, des efforts devront être déployés pour faire primer les intérêts collectifs sur ceux d’une minorité.
L’enjeu des coûts risque d’occuper une grande place dans les débats. Pour plusieurs, un régime public et universel est trop coûteux pour les finances publiques, et ce, surtout dans un contexte où l’état de l’économie se détériore. Selon nous, cet argument n’est pas recevable. Environ 10 milliards de dollars sont dépensés en médicaments d’ordonnance au Québec par année. Que l’on paie une prime à un régime privé d’assurances collectives ou au régime public n’y change rien. Il s’agit d’un bien essentiel dont on ne peut se passer et qu’il faudra payer d’une manière ou d’une autre. La question n’est donc pas de savoir si un régime public et universel d’assurance médicaments est trop coûteux, mais plutôt combien d’argent sommes-nous prêts à gaspiller collectivement pour maintenir en vie un système dysfonctionnel incapable de contrôler les coûts ?
Il existe également des craintes légitimes parmi la population, malgré un fort appui pour la mise sur pied d’un régime public et universel d’assurance médicaments. Plusieurs redoutent la perte de certaines protections avec un tel programme. Pourtant, tous les Québécois et Québécoises en sortiraient gagnants. Des efforts devront donc être déployés pour bien informer la population des bienfaits d’un régime public et universel.
Mais c’est le refus du gouvernement québécois qui demeure le principal obstacle au progrès social. Depuis plusieurs années, celui-ci a préféré dénoncer l’ingérence du fédéral plutôt que de régler lui-même les problèmes du système actuel. Le Québec aurait intérêt à négocier avec Ottawa pour financer un régime public et universel québécois, plutôt que de réclamer un droit de retrait avec pleine compensation dans l’unique but de maintenir un statu quo problématique. Le Québec doit profiter des convergences possibles et ainsi améliorer son pouvoir de négociation face à l’industrie pharmaceutique. D’ailleurs, il collabore déjà avec le fédéral et les autres provinces pour réduire les coûts de certains médicaments. Dans ce débat, le gouvernement du Québec devra s’expliquer. Veut-il collaborer de manière constructive avec le palier fédéral et prendre le parti des Québécois et des Québécoises qui doivent choisir entre se nourrir et se soigner ? Ou, au contraire, préfère-t-il continuer de se cacher derrière le paravent des champs de compétence pour favoriser une poignée d’intérêts privés au détriment du bien-être collectif ?
Signataires
Luc Beauregard, secrétaire-trésorier de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
Julie Bouchard, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)
Émilie Charbonneau, 2e vice-présidente de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS)
Maxime Dorais, codirecteur général d’Union des consommateurs
Geneviève Lamarche, coordonnatrice de la Coalition solidarité santé
Magali Picard, présidente de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
Caroline Senneville, présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN)
Luc Vachon, président de la Centrale des syndicats démocratiques (CSD)
Stéphanie Vallée, présidente de la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles (TRPOCB)
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