Édition du 17 décembre 2024

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International

Venezuela

Les véritables ennemis de la « liberté d’expression »

Le 28 mai dernier, le couperet tombait sur la chaîne de télévision Radio Caracas Télévision (RCTV). La décision du gouvernement d’Hugo Chavez de refuser le renouvellement de la licence de la chaîne d’opposition a suscité de vives critiques à l’international. Les grands médias au Canada, comme ailleurs dans les pays occidentaux, ont fortement dénoncé cette mesure qualifiée de « censure ». Or, un examen attentif de la réalité vénézuelienne démontre que les chaînes privées d’information sont les vraies ennemies de la démocratie.

Le Censureur censuré

Le Venezuela compte quatre chaînes télévisées Globovisión, Televen, Venevisión et RCTV - qui contrôlent près de 90% du marché et disposent d’un monopole médiatique de facto. Ces télédiffuseurs sont depuis longtemps en opposition franche et ouverte contre le gouvernement en place, n’hésitant pas à mener une véritable guerre de propagande. En avril 2002, ces médias ont participé activement à la tentative de coup d’État qui a renversé durant 48 heures le président Chavez. Les réseaux privés ont diffusé volontairement de fausses informations sur la répression de manifestants anti-Chavez et ont relayé avec exultation la déclaration des putchistes dissolvant la Constitution démocratique. De plus, les chaînes privées ont encouragé activement la population à participer à la grève générale de l’industrie pétrolière.

La participation de RCVT à la rupture constitutionnelle d’avril 2002 avait été telle que son responsable de production, Andrés Izarra, opposé au putsch, avait aussitôt démissionné pour ne pas se rendre complice du coup de force. Lors d’un témoignage à l’Assemblée nationale, Izarra avait indiqué que le jour du coup d’Etat et les jours suivants il avait reçu l’ordre formel de Granier de « ne transmettre aucune information sur Chavez, ses partisans, ses ministres ou n’importe quelle autre personne qui pourrait être en relation avec lui » [1]. Mentionnons également que RCTV a refusé de diffuser les publicités pro-Chavez durant le référendum révocatoire d’août 2004. Malgré ce passé suspect, les défenseurs de la liberté de la presse ont été peu nombreux à dénoncer ces pratiques abusives à l’intérieur des conglomérats médiatiques.

Médias communautaires : l’autre regard de la liberté de la presse

La télévision RCTV a cessé d’émettre sur les ondes VHF, mais elle aura encore la permission de diffuser sur le câble et par satellite. Son signal sera repris par TVES, une nouvelle chaîne étatique qui viendra s’ajouter au Canal 8. Contrairement à certaines informations véhiculées par les grands médias – notamment au Téléjournal de Radio-Canada -, RCTV n’était pas la dernière télévision d’opposition. Trois grandes chaînes de télévisions d’opposition demeurent en onde, sans compter la presse écrite dont la majorité est anti-Chavez. On est loin du « pouvoir hégémonique sur les moyens de communication » dénoncé par Reporter sans Frontières.

Le panorama des médias au Venezuela ressemble peu à celui d’une dictature. Depuis quelques années au Venezuela, le nombre de stations de radios communautaires s’est fortement accru. Ceci grâce à l’effort de plusieurs militants et militantes qui ont cherché à produire une information atteignant leur communauté. Alors qu’en 2002 il existait 13 stations de radio communautaire agréées, elles étaient au nombre de 170 en juin 2005. En plus, plus de 300 radios clandestines ont vu le jour. L’État a favorisé la création de ces radios communautaires par des subventions. Toutefois, ces dernières protègent pour l’instant leur indépendance : en 2005, l’Association des médias locaux, regroupant une grande partie des radios associatives, a pris position contre un projet d’exploitation pétrolière menaçant l’environnement. [2]

Il est inquiétant de voir les médias québécois relayer sans aucune critique la campagne en faveur de RCTV. Le débat sur la liberté d’expression ne devrait-il pas se faire chez nous d’abord ? À Québec, il y à peine deux ans, le CRTC a sanctionné la station CHOI-FM pour ses propos diffamatoires. Sans vouloir atténuer les discours intolérants de CHOI, ses animateurs n’ont jamais encouragé activement le reversement armé du gouvernement, comme l’a fait la télévision au Venezuela. Et que pensez de la décision des États-Unis de refuser l’octroi d’une licence pour que Al-Jazeera soit diffusé sur le câble ?


[1Voir le texte Hugo Chávez et RCTV : censure ou décision légitime ? sur RISAL.

[2Voir cet excellent article : L’essor du mouvement des radios communautaires au Venezuela, toujours sur RISAL.

Mots-clés : International Vénézuela

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