Édition du 17 décembre 2024

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Economie mondiale

Les plans d’austérité, l’arme de la mondialisation

« Il faut une réflexion et un nouvelle conception du Fond monétaire international (FMI) pour prévenir de nouvelles crises. Pour le moment, avec ce qui a été mis en place, les inégalités vont fleurir dans nos pays ; il y aura des larmes et la pauvreté jettera des milliers de gens dans l’exclusion…Ceux qui dirigent le Fonds viendront présenter leur mea culpa mais nous aurons vu le nombre de pauvres augmenter si nous appliquons ce qu’ils nous demandent ».

Nestor Kirchner, président de l’Argentine, le 21 septembre 2004.

21 novembre 2011, Counterpunch.org
Traduction, Alexandra Cyr,

Un plan d’austérité arrive comme un train à haute vitesse, comme une armée marchant au pas de l’oie, comme la vengeance de l’affaméE. Il remplacera nos pires cauchemars. Il vous volera votre maison pour la donner au plus offrant. Il transformera votre environnement en quartiers en décrépitude. Il attaquera votre droit de vous organiser politiquement et socialement, vos droits de protester vos droits a avoir une juste représentation dans les institutions politiques. Il vous offrira des emplois sans bénéfices marginaux, avec des salaires de misère et écrasera quiconque tentera de résister.

Les plans d’austérité sont l’arme du nouvel ordre économique mondial, créés par et pour l’élite entrepreneuriale afin de sécuriser et maintenir la richesse dans ses mains au détriment de la masse des travailleurs et travailleuses.

Depuis la grande crise économique mondiale de 2008, le régime d’austérité est à l’œuvre mais le coup de massue n’a pas encore été donné. Il est en place en Europe. Les politiques du FMI et de la Banque centrale européenne qui a récemment créé le Fond de stabilité européen, ont déjà touché gravement la Grèce, l’Irlande, infecté le Portugal, l’Espagne et l’Italie.

Aux États-Unis et en Grande Bretagne les gouvernements sont devenus si corrompus par les entreprises que leurs populations se soumettent à l’austérité, s’ajustent volontairement. Aux États-Unis, l’arme ne tombera pas avant la fin des travaux du comité sur le déficit. Ce comité conjoint entre la Chambre des représentants et le Sénat a été crée dans la foulée de la « crise » sur le plafond d’emprunt du gouvernement ; il doit trouver le moyen de couper mille cinq cents milliards de dollars dans les dépenses budgétaires des dix prochaines années en plus des neuf cents dix-sept milliards sur lesquels il y a déjà un accord. Si ce comité échouait à en arriver à un accord acceptable aux deux Chambres un mécanisme automatique se mettra en place pour couper mille deux cents milliards dans tous les départements et agencesi.

D’une façon ou d’une autre le régime d’austérité arrivera et tout y passera : Social Security, Medicare, Medicaid (les programmes sociaux), sont sur la table à découper. L’éducation, la formation à l’emploi et les subventions aux États également. Que le gigantesque budget militaire soit aussi promis à un tel sort est une mince consolation.

Et un tel régime arrive au moment ou le chômage frappe des records, ou on a jamais vu autant de saisies de maisons, ou les salaires sont très faibles et ou la pauvreté ne cesse d’augmenter. Si vous pensez que ça ne fera pas mal, vous vous apprêtez à subir tout un choc. (cf Naomi Klein : The Shock Doctrine).

Vous pensez qu’il s’agit là d’une conspiration de la droite ? Détrompez-vous ! Les deux partis, en sont les créateurs et l’ont installé avec l’approbation des deux Chambres Démocrates ou Républicaines et par les présidents démocrates et républicains.

Comment en sommes nous arrivéEs là ?

Le Fond monétaire international a été fondé en 1945 dans la foulée du Plan Marshall. Il devait stabiliser les économies en agissant sur les taux de change monétaires et aider au développement des nations sous-développées. C’est au cours des années soixante-dix qu’il a changé de vocation, au moins en partie. Il est devenu le représentant des entreprises les plus puissantes dans le monde. Son mandat a intégré le libre échange et les nations sous-développées sont devenues ses cibles.

Le FMI a approché ces pays en difficultés, criblés de dettes en leur offrant des prêts à des taux raisonnables à condition qu’ils revoient leurs règlementations commerciales à la baisse, éliminent les taxes à l’importation et les subventions qui visaient à protéger leurs marchés nationaux de la compétition étrangère. Cette injection de fonds a été un échec parce que les réformes ont inversé la balance des paiements, affaibli l’industrie, décimé la force ouvrière, augmenté la pauvreté et enfermé des gouvernements dans une spirale d’emprunts, donc de dettes.

Pour recevoir un autre prêt, ils devaient introduire un programme d’austérité ; une panoplie de mesures attaquant les travailleurs et travailleuses et toutes les politiques de sécurité sociale. Résultats : des coupes dans les emplois, la baisse des salaires et une accélération du développement de la pauvreté. Donc, des gouvernements encore plus dépourvus qu’ils ne l’avaient été.

Suivant l’Argentine dans sa décision de ne pas payer ses dettes au FMI, les autres pays d’Amérique latine ont rompu leurs liens avec l’institution. En 2005, le Brésil et l’Argentine ont quand même payé, mais en avance, leurs dettes au FMI. Et entre 2005 et 2008, le poids des dettes de ce continent y est diminué de 80%. Depuis 2009, c’est la Banque du Sud qui assure le soutient à la région protégeant ainsi son indépendance.

Le FMI ayant perdu un gros morceau de sa clientèle aurait dû être prêt à répondre aux besoins de pays européens en difficulté suite à la grande dépression de 2008. Ces pays ont traditionnellement été du côté des fournisseurs du FMI, appuyant ses programmes d’austérité. 
C’est à leur tour de les subir.

L’union européenne et la zone Euro

Au moment de la création de l’Euro et donc, de l’euro zone, l’Union européenne sortait renforcie de l’opération. Il y avait même des espoirs qu’elle devienne un contre poids aux politiques défendues par les Etats-Unis au FMI. Après tout, les Européens n’avaient pas une peur viscérale du socialisme. La plupart d’entre eux comprennent qu’un système économique développé doit comporter un certain équilibre entre les principes capitalistes et socialistes.

Hélas ! On a vite compris que l’Union européenne n’était qu’un autre promoteur du libre échange. Ses politiques sont l’exacte copie de ce que les institutions financières s’emploient à mettre de l’avant : la dérégulation, les privatisations, et l’exploitation des peuples au moyen des plans d’austérité.

Ce sont d’abord l’Islande, l’Irlande et la Grèce qui subit le plus fortement les attaques au cours de la crise frauduleuse du complexe financier et immobilier. Juste avant, les banques et les courtiers avaient été secourus. Qu’est-il arrivé dans ces pays depuis ?

L’Islande a nationalisé les transactions financières domestiques de ses trois plus grandes banques ; elle a déclaré ses opérations internationales sans fonds, donc en faillite. Elle a installé son propre programme de coupes dans ses dépenses et d’augmentation de taxes pour traverser la crise sans demander de prêt au FMI. Résultats : le pays est en relative rémission.

De son côté, l’Irlande a secouru ses banques, assumé la responsabilité de leurs dettes et accepté 85 milliard d’Euros d’emprunt du FMI et de la Banque centrale européenne. Alors qu’elle était l’enfant chéri des capitalistes adeptes du libre échange, elle a élu un autre gouvernement et vit maintenant et pour longtemps sous un dur régime d’austérité.

La Grèce qui vivait une phase de croissance solide a sombré au cours des années 2007 et 2008. Voyant qu’elle n’arrivait plus à satisfaire les exigences monétaires de l’Union européenne, elle a fait ce que toutes les entreprises font dans ce cas : embaucher des entreprises spécialisées pour lui concocter une solution qui puisse l’aider à se sortir du pétrin. Mais, elle a embauché les compagnies responsables de la crise soit, entre autre, Goldman Sachs.

Il faut savoir que les institutions financières qu’on embauche pour poursuivre des pratiques frauduleuses cachées sont rarement inquiétées. Elles négocient généralement des clauses d’immunité les mettant à l’abri des poursuites.

En Grèce, la dissimulation a fait long feu. En mai 2010 le gouvernement a accepté un prêt de 110 milliards du FMI et de l’Euro zone. De son côté la Banque centrale européenne rachetait les obligations grecques et la population subissait une quatrième dose du régime d’austérité.

Quand le premier ministre Papandréou a annoncé qu’il soumettrait le projet de sauvetage au référendum, la panique s’est emparée de tout ce qui existe de marchés boursiers dans le monde. Voilà tout le respect qu’ils ont pour les gouvernements démocratiques ! Tout ce poids est tombé sur les épaules du premier ministre ; il a démissionné dans les jours qui ont suivi et son pays a effectivement perdu sa souveraineté.

Nous savons maintenant que le même scénario se déroule en Italie. Les foules ont célébré le départ du premier Ministre Berlusconi, un capitaliste de droite qui a certainement mérité sa disgrâce. Malheureusement ses œuvres étaient déjà accomplies. Il laisse la place à un gouvernement de bureaucrates qui sont aux ordres de Bruxelles et dans la main de fer de Berlin et Paris. Les Italiens et Italiennes vont vite déchanter. Ils vont se réveiller dès demain et constater qu’ils ont perdu leur gouvernement autonome et se demander s’il n’a jamais valu la peine de joindre l’Union européenne.

L’Europe unie avait le pouvoir et la capacité d’arrêter le train de l’austérité dès le début. Elle aurait pu déclarer l’essentiel des dettes européennes odieuses, résultant d’une fraude et en transférer la responsabilité aux institutions financières qui les ont créées. Elle aurait pu effacer la portion due aux étrangers comme l’a fait l’Islande. Elle aurait pu faire maintes et maintes choses. Mais elle a choisi l’austérité. Elle a choisi de protéger les institutions financières et l’élite d’affaire.

Il y a maintenant au moins six des dix-sept pays de la zone Euro qui sont sous la dure règle des régimes d’austérité. Et ça ne fait que commencer.

L’arrivée de l’austérité aux Etats-Unis

Les génies de la finance américaine ont crée des formes de transactions qui ont déçu les marchés et mené à la crise économique mondiale. Ils ont généré une vague de dettes qui à mis les pays à genoux et les a obligés à élaborer les régimes d’austérité.

Il est clair que c’étaient des pratiques frauduleuses depuis les simples hypothèques jusqu’aux actions surévaluées. Non seulement ils n’ont rien payé pour cela, mais ils en ont grandement profité. Si vous surveillez de près les marchés vous vous rendez compte que Wall Street et tous ses partenaires sur la planète adorent l’austérité. Ça peut paraitre contradictoire quand on sait que l’austérité amplifie la pauvreté, punis la classe ouvrière et diminue la demande de biens qui est le carburant de l’économie. Mais Wall Street aime l’austérité parce que les effets de ses dettes toxiques sont assumés par la population non par les institutions financières coupables.

Si nous vivons en démocratie, pourquoi n’y a-t-il pas eu de loi adoptée pour annuler les hypothèques des simples particuliers qui se sont fait rouler par leur prêteur dans cette fraude monumentale ? Pourquoi si peu est-il fait pour punir les coupables et récupérer certaines sommes ? Pourquoi le gouvernement fédéral fait-il pression pour qu’une entente survienne qui va éliminer toute forme de culpabilité ? Pourquoi n’y a-t-il pas d’efforts sérieux de fait pour développer une institution de régulation financière vraiment indépendante ?

On sait que Fannie Mae et Freddie Macii, ces institutions soutenues par le gouvernement, manquent de régulations conséquentes parce que cette fonction a été accordée en sous-traitance à des entreprises privées liées au secteur de la finance. La droite leur attribue la responsabilité de la crise.

Pourquoi n’y a-t-il pas de débat à propos des politiques commerciales ?

C’est que ni nous, ni les pays européens ne sont plus de véritables démocraties. Nous avons renoncé à notre système représentatif de gouvernement quand notre Cour suprême a jugé, dans son infinie sagesse, que le statut de personnes s’appliquait aux entreprises, que l’argent avait le droit de parole et que ces deux droits étaient protégés par la constitution.

Nous sommes maintenant aux prises avec des gouvernements si soumis à l’influence des entreprises, qu’ils sont prêts à abandonner leurs pouvoirs pour protéger les odieuses richesses des possédants. L’Europe a abandonné sa voie démocratique. Les États-Unis ont ajouté leur nom ai bas du contrat. Le régime d’austérité s’en vient et il va parcourir le pays comme une tempête. Les classes qui en seront les victimes vont devenir de plus en plus nombreuses et vont chercher un endroit où se faire entendre.

Les seulEs qui font face au pouvoir des entreprises en ce moment sont les protestataires des mouvements Occupy : Wall Street, Londres, San Francisco, Boston, Madrid, Rome, Los Angeles, Berlin, Francfort, Toronto, Amsterdam, Seattle, Portland, Bloomington, Santiago, Barcelone, Athènes, Hong Kong, Tokyo, Zurich, Denver, Vancouver, Mexico, Lisbonne, Miami, Philadelphie, San Juan, New Haven, Valence, Tulsa, Little Rock, Bruxelles, Columbia, Sacramento, Séoul, Taipei et Oakland.

Que pouvons-nous faire pour lutter dans cette situation ? Soutenir les occupants de notre ville. La contre attaque s’en vient. Partout, les maires se cachent derrière la police alors qu’elle brutalise les protestataires et abat leurs camps. Mais les campements ne cessent de se reconstituer. Il faut les garder en place et en novembre prochain, (lors des prochaines élections), refusez de voter pour l’un ou l’autre des deux partis dominants qui protègent les fraudeurs et ordonnent les expulsions. Refusez qu’on vous prenne pour acquis. (….)

Le seul espoir valable qu’il nous reste est celui de reconstruire nos démocraties de la base jusqu’au sommet.

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