5 juin 2023 | tiré d’Entre les ligne entre les mots
Nous – acteurs de la société civile ukrainienne, féministes, artisans de la paix, médiateurs, facilitateurs de dialogue, universitaires et défenseurs des droits humains – avons conscience de la montée en puissance d’une divergence d’opinions en matière de stratégie au niveau mondial. Un nombre croissant de voix pacifistes, issues de la droite comme de la gauche, réclament l’arrêt de l’aide militaire à l’Ukraine. En guise de stratégie pour mettre fin à la guerre, ces voix appellent aussi à un cessez-le-feu immédiat entre l’Ukraine et la Russie. Il faut comprendre que ces appels à cesser toute résistance pour négocier avec Poutine reviennent à demander à l’Ukraine de renoncer à sa souveraineté et à son intégrité territoriale.
Nous ne demandons que le plein respect du droit humanitaire, des chartes internationales des droits humains et de la Charte des Nations unies, ainsi que les moyens pratiques de défendre nos vies, notre souveraineté nationale et notre intégrité territoriale, pour résister aux menées expansionnistes et impérialistes du Kremlin dans son entreprise de recolonisation de ses voisins. Certes, nous avons besoin de diplomatie et, en effet, nous avons besoin d’aide humanitaire, mais ne vous y trompez pas, l’Ukraine doit continuer à être soutenue par des livraisons d’armement moderne et toutes autres formes d’assistance militaire, ainsi que par des sanctions économiques et juridiques strictes à l’encontre du Kremlin.
L’arrêt des livraisons d’armes à l’Ukraine ne conduirait pas à « la paix par des moyens pacifiques », mais offrirait la possibilité au régime autoritaire de Poutine de reprendre des forces pour réitérer son agression contre l’Ukraine. Les appels à l’apaisement sont dangereux. Nous avons documenté la façon dont le Kremlin traite les prisonniers de guerre et les civils dans les zones occupées. Nous avons vu de quelle manière il traite ses propres opposants politiques. Cela n’a rien à voir avec la paix. Dans un conflit aussi radicalement asymétrique que celui dont il s’agit, nous sommes convaincus que l’aide à la défense et le soutien à la résistance, accompagnées d’une solidarité mondiale constante et bien informée en faveur du peuple ukrainien, sont les meilleures incitations pour obtenir une cessation de la violence et le retrait négocié des forces russes.
La reconnaissance de facto de l’occupation par la Russie d’une partie du territoire ukrainien et l’impunité qui en découlerait créeraient un dangereux précédent pour d’autres régimes autoritaires désireux de réviser les frontières internationales. Cela entraînerait également une accélération de la prolifération de l’armement nucléaire dans le monde, en propageant l’idée délétère selon laquelle seule la possession de l’arme nucléaire peut garantir la sécurité d’un pays.
Nous demandons que les organisations et mouvements internationaux respectent le droit des Ukrainiens à rester au premier plan et au centre des décisions concernant les négociations de paix sur l’Ukraine, la défense de leurs vies et de leurs droits. Nous demandons que soient respectées nos demandes de participation et que, lorsqu’il s’agit de déterminer notre propre avenir, soit systématiquement respecté le principe : « Rien sur l’Ukraine en l’absence de l’Ukraine ». Nous protestons contre la tenue de conférences et de manifestations pour une prétendue « paix en Ukraine », où les Ukrainiens ne sont ni manifestement impliqués, ni équitablement représentés.
Nous trouvons profondément choquant le discours tenu, aussi bien à droite qu’à gauche, selon lequel les soldats ukrainiens se battent en quelque sorte par procuration pour l’Occident. Cet argument nie notre humanité, déprécie l’histoire de l’Ukraine, dont l’indépendance a été durement acquise, et remet en cause la légitimité d’un gouvernement démocratiquement élu par le peuple ukrainien. Il s’agit d’une rhétorique politique trompeuse et nuisible. L’invasion et l’annexion illégales de certaines parties de l’Ukraine par la Russie en 2014 sont le résultat de l’agression et de l’expansionnisme russes et ne sauraient être considérées comme la réponse à une prétendue menace extérieure.
Nous sommes reconnaissants pour la médiation internationale et le soutien à la médiation dans le cadre des négociations humanitaires portant sur le retrait de la Russie, l’échange de prisonniers de guerre, le retour des enfants ukrainiens déportés, l’élimination de la menace nucléaire et la libre circulation des céréales. Ces négociations sont extrêmement importantes et doivent être poursuivies et développées.
Au monde, à vous, nous demandons de poursuivre votre effort de compréhension et votre solidarité bien informée. Il y a besoin pour cela de faire preuve d’une constante créativité et de recourir à une nouvelle approche du travail international pour la paix dans le respect mutuel, la compréhension de nos spécificités propres, en alimentant et non en brisant les liens sociaux et les réseaux qui existent au sein de la communauté internationale, dans la perspective de la justice, de la paix et de la démocratie.
Nous croyons qu’au moyen de cette résistance et avec votre soutien, au fil du temps, nous viendrons à bout de l’indéfendable occupation de l’Ukraine par la Russie, qui perdra cette guerre d’usure brutale et illégale. Nous leur demandons de rendre des comptes pour ce qu’ils ont fait. Nous savons que la solidarité a un coût et que ce coût pèse sur de nombreuses épaules. Nous avons choisi de vivre dans un monde où les vies humaines comptent, où la démocratie compte, où le droit international compte, et nous n’avons pas renoncé à nous battre en faveur du monde que nous voulons pour nos enfants et leurs enfants.
Nous remercions la communauté internationale de se tenir à nos côtés et de partager le prix, si douloureux à payer, de la paix.
Cet appel (disponible en anglais ici) a été lancé par la Communauté ukrainienne des médiateurs et facilitateurs de dialogue et le Réseau féministe ukrainien pour la liberté et la démocratie, et soutenu par la société civile ukrainienne, notamment par les organisations et personnes suivantes : Centre d’initiatives publiques « Idées pour le changement » ; Initiative Feminist Lodge ; DOM4824 ; Initiative d’Ivano-Frankivsk Women UA ; Oksana Potapova, cofondatrice du Réseau féministe ukrainien pour la liberté et la démocratie (UFNFD) ; Centre de recherche sur la médiation et le dialogue (Université nationale de Kyiv – Académie Mohyla) ; Association nationale des médiateurs d’Ukraine ; Institut pour la paix et le terrain d’entente ; Parc de facilitation ; Initiative « Dialogue en action » ; Centre pour le droit et la médiation ; Institut ukrainien de médiation et de facilitation ; Groupe régional de médiation d’Odessa ; Laboratoire d’initiatives pacifiques Centre de médiation ukrainien ; Ligue des médiateurs d’Ukraine ; Association des médiateurs familiaux d’Ukraine ; école de médiation ITC ; Centre de médiation de Lviv ; Centre de médiation Prydniprovsky, Vilna Peacemaking Space ; Intellectum Arti ; Sense 2 Sense Communication ; Plateforme nationale pour la résilience et la cohésion sociale ; Centre des droits humains ZMINA ; SOS Crimée ; Centre régional des droits de l’homme de Luhansk Alternative ; Ukraine sans torture ; Association des parents de prisonniers politiques du Kremlin ; Centre régional pour les droits de l’homme ; Centre d’éducation civile Almenda ; Fondation de coopération polono-ukrainienne (PAUCI) Mon Action (Pyryatyn, région de Poltava) ; Initiatives de femmes ; Initiatives civiques d’Ukraine ; Centre de jeunesse pour le développement régional ; Postupovyy Gurt Frankivtsiv ; Fonds de soutien à la recherche fondamentale ; Centre européen d’analyse stratégique ; Centre pour la sécurité internationale.
Rappel :
Cessez de faire pression sur l’Ukraine pour qu’elle accepte la partition !
A la lumière de la campagne menée par des sections du mouvement pacifiste pour que l’Ukraine négocie un cessez-le-feu inconditionnel avec l’agresseur et l’occupant russe (rendue publique tout récemment dans les plans du « Sommet de la Paix » prévu pour les 10 et 11 juin à Vienne), nous, soussignés :
1. Déclarons notre solidarité avec la résistance héroïque du peuple ukrainien contre l’agression de la Fédération de Russie.
2. Insistons sur le fait que la décision de décréter un cessez-le-feu et d’entamer des négociations appartient à la victime de cette agression, à savoir le peuple et les autorités ukrainiens.
3. Condamnons les pressions exercées par certaines parties du mouvement pacifiste pour obtenir des négociations indépendamment de l’occupation du territoire ukrainien par les forces russes, ce qui revient à faire pression sur le peuple ukrainien pour qu’il accepte la partition de son pays.
4. Appelons toutes les sections du mouvement pacifiste à soutenir le droit de l’Ukraine à l’autodétermination et à l’autodéfense et à exiger le retrait immédiat des forces russes.
Déclaration de signature initiée par le Réseau européen de solidarité avec l’Ukraine
https://www.change.org/p/cessez-de-faire-pression-sur-l-ukraine-pour-qu-elle-accepte-la-partition
https://www.change.org/p/stop-pressuring-ukraine-to-accept-partition
https://www.change.org/p/dejen-de-presionar-a-ucrania-para-que-acepte-la-partición
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