Tiré de MondAfrique.
A l’échelle internationale, on estime à 59 millions de déplacés dans le monde dont 4 millions de réfugiés syriens, bien qu’ il y a moins de demandes d’asile en Europe pour cette année 2015 qu’en 2000. La majorité des migrants se réfugient dans les pays du Sud. L’Europe n’accueillant que 8% des déplacés de la planète.
Pour la Méditerranée, c’est la guerre et la misère qui poussent les migrants à aller voir ailleurs, parallèlement à la destruction de la Libye qui assurait jusque-là un rôle de sous-traitant des frontières Nord et par où la majorité des Africains embarquent aujourd’hui. Comment gérer cet afflux ? Voici dix réponses, parmi les plus inventives de l’Europe.
1- Le bombardement des chaloupes
En attendant le feu vert de l’ONU qui hésite encore sur cette décision sans précédant dans l’histoire, la stratégie européenne se dirige vers l’arraisonnement de bateaux de migrants en pleine mer. C’est ce que demandent quelques pays de l’Union, malgré l’illégalité de la procédure qui consisterait à intervenir dans les eaux internationales. Invoquant le modèle australien qui a réussi à réduire presque à zéro le flux de migrants en provenance d’Asie du Sud Est par des interventions armées en pleine mer, musclées, opaques et classées « secret défense », les Européens sont de plus en plus nombreux à demander l’aide de l’armée.
En Angleterre, c’est l’armée qui est appelée par les politiques et les opinions publiques à gérer ce problème que les politiques et les civils n’ont pas su gérer. En Autriche, l’armée épaule déjà la police dans le traitement des réfugiés. La Macédoine, plus petit état des Balkans, a fermé ses frontières avec la Grèce et la Serbie et déclaré l’état d’urgence dans son pays, l’un des plus importants points de passage avec la Croatie. En attendant le bombardement in vitro, l’Union Européenne a déjà lancé des missions navales militaires contre les passeurs le long des côtes libyennes mais qui se limiteraient à une première étape de surveillance. Pour l’instant. Après le no fly zone imposé par l’OTAN pendant la guerre contre la Libye, vers une no boat zone ?
2- Les écoutes téléphoniques
Europol, le super policier d’Europe, a mis en place un réseau de surveillance des communications téléphoniques, qui inclut aussi les réseaux sociaux où l’on peut trouver maintenant les dates de départ, les prix et les classes, éco, luxe, comme dans tout voyage organisé. Car si avant, les migrants payaient par étapes leur voyage de relais en relais, aujourd’hui les 30.000 passeurs s’activant autour de la Méditerranée sont si bien organisés en réseaux qu’un seul paiement suffit pour passer de Damas à Bruxelles, d’Erythrée à l’Allemagne ou de Dakar à Créteil.
L’idée de base est simple, tout le monde a un smartphone connecté, même les réfugiés, ce qui a d’ailleurs étonné nombre d’Européens qui pensaient qu’ils étaient démunis. A l’image de Lech Walesa, prix Nobel de la paix polonais, qui s’est demandé comment se fait-il que ces réfugiés « sont bien nourris et mieux habillés que nous ? » Le plombier polonais n’aurait pas de téléphone ?
3- La patate chaude
L’idée est vieille comme l’Europe, faire passer le problème aux voisins en fermant les yeux. C’est ainsi que les Français refilent les réfugiés vers l’Angleterre, ce qui énerve sérieusement cette dernière, l’Espagne vers la France et l’Italie vers le Nord de l’Europe.
De l’autre côté, ces pratiques ont failli dégénérer en incidents diplomatiques, comme entre la Grèce et la Macédoine, où Athènes voulait carrément acheminer 3000 migrants recueillis sur un bateau en Méditerranée par car vers la Macédoine. Si la Grèce accusée de ne pas surveiller ses frontières et de refiler les migrants à d’autres par un laxisme plus ou moins prémédité, dans les Balkans, toutes les autorités fustigent la décision de leurs voisins hongrois d’ériger une clôture de barbelés pour stopper les migrants, ce qui reviendra à les pousser vers la Bulgarie et la Croatie.
A force de les repousser des uns vers les autres, les migrants vont-ils finir par revenir chez eux à la fin de la boucle ? Pas évident…
4- L’esclavage…économique
L’Italie avait décidé, voici quelques années, que les communes hébergeant des demandeurs d’asile pouvaient les faire travailler gratuitement, c’est-à-dire de leur fournir des papiers temporaires mais à la condition qu’ils ne soient pas rémunérés pour leur labeur. Un peu comme les condamnés à des travaux d’utilité publique.
Ce retour à une forme d’esclavage économique pourrait s’étendre au reste de l’Europe car il possède deux avantages certains : en ces temps de crise, ne pas payer les travailleurs, et en ces temps de migration décourager les réfugiés en éliminant à la base le rêve européen qui va leur faire gagner des millions d’euros comme Sarkozy ou BHL. Tous des enfants de migrants.
5- La colonisation, le retour
Dans la logique européenne du 15ème siècle, il s’agit de pourchasser les assaillants sur leur propre territoire, comme l’a fait l’Espagne catholique en refoulant les Maures d’Andalousie pour les attaquer jusqu’en Afrique du Nord et coloniser ainsi leurs terres. C’est l’idée de la presse tabloïd anglaise et d’une partie des conservateurs.Il n’y a pas si longtemps que Roger Helmer, alors député européen britannique et membre du parti d’extrême droite Ukip, qui veut faire occuper par l’Angleterre la ville de Calais où une partie des migrants passe de l’Europe continentale pour rallier la Grande-Bretagne. Argument historique imparable de l’élu européen : « Calais était anglaise jusqu’en 1558, il est peut-être temps de la reprendre. »
L’Allemagne songerait d’ailleurs à récupérer le reste de la France et Rome et toute l’Europe.
6- Des camps dans les pays de départ
François Fillon, candidat à la primaire UMP pour 2017, avait proposé de mettre en place des camps de réfugiés en Libye sous le contrôle des Nations unies. Comme en Australie, qui sous-traite moyennant finances des camps sur l’île de Nauru, à Manus en Papouasie et même au Cambodge. Sauf que Fillon est plus malin, c’est l’ONU qui va payer. Reste la question à régler, qui va payer l’ONU ? Pourquoi pas les migrants eux-mêmes ?
7- Le règlement du billet retour
Prendre un peu d’argent et faire le chemin inverse, c’est l’une des idées européennes, calquée sur le modèle australien, lui aussi dépassé par le nombre de réfugiés. L’Australie avait décidé de payer 5000 dollars chaque réfugié pour qu’il retourne chez lui, comme cela a été confirmé sur un cas de bateau indonésien, qui a refait la traversée en sens inverse.
La méthode va-t-elle s’étendre ? Il y a une limite, celle de l’argent, les 500.000 migrants arrivés cette année en Europe auraient coûté 1 demi-milliard d’euros. C’est 10 fois moins cher que les bombardements en Syrie ou en Libye mais c’est de l’argent, surtout en temps de crise.
8- L’appel aux dieux de l’Olympe
La vieille méthode bureaucratique à la Bruxelloise, se réunir régulièrement pour des réunions de crise. A quoi servent-elles ? L’année dernière, les Européens s’étaient réunis pour donner un nom, l’opération « Triton » avait été lancée voici dix ans pour surveiller les entrants humains, opération pilotée par Frontex, l’agence européenne de surveillance des frontières. « Triton » était censée succéder à l’opération « Mare Nostrum », abandonnée depuis, dans la foulée de », « Hermès », « Poséidon et « Aenesas » (Enée), trois autres opérations de "containment".
Des noms grecs, alors que la Grèce est paradoxalement montrée du doigt par les Européens pour ses dépenses mais aussi pour son laxisme aux frontières. Hermès est d’ailleurs à lui seul tout un symbole. Il est le messager des dieux, donneur de la chance, l’inventeur des poids et des mesures, le gardien des routes et des carrefours, des voyageurs et du commerce.
9- Le recours au bon vieux barbelé
L’efficacité du barbelé n’est plus à prouver. Si en Hongrie principal point de passage vers l’Europe par la Croatie, la mise en place de 200 kms de grillage par l’armée a fait réagir Bruxelles, au Sud de l’Espagne ou à Calais dans le Nord de la France, ces grillages existent depuis bien longtemps et n’émeuvent personne. Mais plus offensif, le Parlement hongrois a autorisé l’usage d’armes, « non létales » pour bloquer les migrants qui ne seraient pas découragés par les barbelés et même la gare de Budapest a été fermée cet été pour les empêcher de circuler, suspendant le mois dernier toute la ligne Budapest-Vienne-Munich avec l’accord de l’Autriche et de l’Allemagne.
C’est d’ailleurs toute l’ironie de l’histoire, l’Union Européenne importe la plupart de ses ressources minérales, dépendante à 48% pour le minerai de cuivre à 64% pour la bauxite et jusqu’à 100% pour le cobalt, le platine ou le titane, achetant sur les marchés africains et sud-américains 160 millions de tonnes de fer par an pour faire des barbelés entre autres, deuxième importateur mondial. Et à titre d’exemple devant l’épuisement de ses ressources, la sidérurgie française s’approvisionne exclusivement en minerai importé depuis 1993 et la fermeture des usines de Lorraine. Une idée, faire des migrants des mineurs, quelque soit leur âge. Même les mineurs.
10- Le profiling
La Slovaquie a été claire, après étude du dossier, elle n’accepte que les migrants chrétiens. « En Slovaquie, il n’y a pas de mosquées, c’est pourquoi nous voulons choisir seulement des Chrétiens » a expliqué un porte-parole du ministère de l’intérieur en guise d’argument tautologique. En Tchéquie voisine, même principe, jusqu’à Tomio Okamura, leader d’extrême-droite qui a encouragé ses compatriotes « à élever des cochons et des chiens » pour repousser l’assaut. En Pologne, « c’est un véritable problème », a renchéri Lech Walesa, encore lui. « Si l’Europe ne ferme pas ses frontières, des millions de migrants vont venir ici et ils n’hésiteront pas à imposer leurs coutumes, y compris les décapitations », a-t-il prédit à la Houellebecq.
Bref, les idées et les arguments ne manquent pas. Comme les réfugiés.
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