Israël est le 8ème plus grand marchand d’armes sur la planète alors qu’il ne se situe pourtant qu’au 99ème rang quant au nombre d’habitants. S’il vend beaucoup d’armes à d’autres pays, Israël en consomme lui-même beaucoup, évidemment, ainsi qu’on a encore pu le constater ces dernières semaines. Or les usines de fabrication d’armes sont très peu nombreuses à l’intérieur de ses propres frontières. Où sont-elles donc produites, ces machines à tuer ? Eh bien chez-nous en grande partie et avec notre argent en plus !
J’ai moi-même fait partie dans ma jeunesse de cette chaîne de production du matériel militaire destiné à Israël, dans des usines comme Héroux Devtek, à Longueuil, et Canadair à Ville St-Laurent. Je ne sais pas s’il se produit encore des pièces d’avions militaires israéliens dans ces usines mais je sais qu’au moins une compagnie de la région de Montréal a contribué la semaine dernière à guider des missiles vers leurs cibles de mort et de destruction à Gaza, car elle s’est vanté publiquement de contrats avec l’armée israélienne à plusieurs occasions. Cette compagnie s’appelle CAE et son siège social se trouve tout près de l’aéroport Dorval. Elle n’est évidemment pas le seul fournisseur d’armes à Israël parmi les compagnies ayant pied-à-terre au Québec, ni parmi celles ayant leurs sièges sociaux ailleurs au Canada, en Europe ou aux États-Unis. Plusieurs multinationales en sont, même lorsque leur secteur d’activité traditionnel n’a à priori aucun lien avec l’armement : Caterpillar, Mitsubishi, Verizon communications, etc. ii
Mais il y a plus : ces compagnies fabriquent ces armes avec mon argent, avec votre argent, en particulier avec l’argent que vous avez mis de côté dans des fonds de pension ! Je parle ici, en l’occurrence, du Fonds de pension du Canada ainsi que de celui du Régime des rentes du Québec, ainsi que des fonds de pension privé et des REER que vous auriez placés dans une caisse pop ou dans une banque. À consulter les rapports de ces institutions, je constate qu’elles ont des placements importants dans l’une ou l’autre de ces compagnies.
J’en viens donc à la conclusion que contrairement à ce que la plupart des « observateurs » nous disent sur cette guerre sans fin, ses acteurs principaux ne sont pas Netanyahou et le Hamas, ni même Biden ou Trudeau. Ses acteurs clés, ce sont à la fois ces compagnies qui s’alimentent en profits à même le roulement de matériel militaire qu’elles destinent à l’armée israélienne, et ces autres qui ont fait du Moyen-Orient leur vache à lait, ou plutôt leur vache à pétrole, depuis des décennies : elles ont compris depuis longtemps que l’existence même dans cette région d’une entité telle qu’Israël leur était une garantie capitale.
Que cela se fasse avec l’argent de nos fonds de pension, que cela tue des gens et les expulse de leurs logements à coups de démolition en règle, tout cela ne leur fait pas un pli sur la différence, comme disaient nos ancêtres : ces compagnies n’ont pas de problèmes de conscience puisqu’elles n’ont pas de conscience du tout, elles n’ont que des indicateurs de leurs actions en bourse. Des actions dont elles retournent un millième des dividendes à des gens comme moi, l’autre quatre-vingt-dix-neuf millième allant dans les poches de leurs pdg et actionnaires privilégiés. Je serais prêt pour ma part à me priver de ce dividende et je ferai de mon mieux pour que ces derniers se privent un jour des leurs.
Yves Rochon
Notes
i.- https://www.lapresse.ca/international/moyen-orient/2021-05-18/le-hamas-un-arsenal-abondant-avec-un-fort-soutien-de-l-iran.php
https://www.lapresse.ca/international/moyen-orient/2021-05-21/un-imposant-arsenal-a-gaza.php
ii. http://coat.ncf.ca/P4C/67/4-5.pdf
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