« Je ne sais pas qui a commandité l’attentat du 6 avril 1994 …. Mais je ne crois pas, comme l’excellent juge Jean-Louis Bruguière, que Paul Kagamé ait sciemment décidé d’allumer l’étincelle qui embraserait son pays. Je ne peux pas cautionner cette vision simpliste et infamante qui fait des Tutsis les responsables de leur propre malheur, pas plus que je ne peux supporter d’entendre certains défendre la thèse d’un double génocide tutsi et hutu ». BK
Bernard Kouchner ne change pas, c’est la sagesse humanitaire française qui en lui s’avilie. Kouchner, membre du gouvernement français, d’un verbe tranchant tire à boulet rouge sur des institutions de son pays, et de l’autre apaisant leur lance des fleurs. Ainsi, n’accrédite-t-il pas l’ergotage de Kagame qui prétend que des soldats français auraient pris part aux barrages de nettoyage ethnique contre des tutsi, tout en leur consacrant l’honneur inaliénable, et affirmant qu’il « serait odieux et inacceptable de penser qu’elle (la France) aurait pu être coupable de crimes ou de complicité de génocide ». Aussi n’écrit-il pas « l’Excellent juge Jean-louis Bruguière » tout en qualifiant d’infamant et simpliste son verdict à l’endroit du plus grand criminel en poste, de l’avis éclairé du professeur belge et crédible spécialiste du Rwanda, Philip Reytjens.
Oui Kagame n’a pas que des Jean-Louis, Philip, Onana, Péan, Philpot, Ruzibiza, Marchal, … et des fosses communes en face de lui. Oui il a aussi et c’est regrettable des encenseurs derrière lui, mais ce ne serait là une raison pour un supposé prêcheur du respect des droits de l’homme de prendre partie d’un criminel en liberté et en position de réitérer avec plus de finesse ses forfaits. Bernard Kouchner pourrait-il risquer le pari sur son poste avec le nombre de meurtres, de tortures, de crimes contre la vie et la dignité humaines commis au Rwanda durant le seul moment de son déjeuner avec son sombre hôte de marque ?
« Et j’ai vu au Rwanda la réalité d’un génocide. J’y étais. » BK
Kouchner prétend être sur le lieu du génocide au moment des carnages. Devrions-nous lui rappeler qu’hélas il n’y fut pas seul, que nous y étions plus encore face aux vampires, que d’autres Français, Espagnols, Canadiens, Belges, Congolais, Burundais, Tanzaniens, Chinois, etc., y étaient également. Des civils, des humanitaires, des diplomates, des militaires, des journalistes, des agents doubles, … auront assisté, complices ou complaisants, amorphes ou impuissants ou suicidaires dans un geste héroïque jusqu’à leur assassinat, à ce dont Kouchner prétend rougir et dont il affiche une lecture monoculaire maladive.
« Les soldats de l’opération « Turquoise » se sont trouvés empêtrés dans un drame dont ils ne contrôlaient pas davantage les tenants qu’ils ne mesuraient les aboutissants. »
Nous ne poserons pas la question relative à ses actions, faits et pensées durant sa légendaire présence au Rwanda en 94. Mais nous devons faire remarquer qu’un jour différent, le régime Kagame saurait fabriquer des témoins et des preuves pour l’incriminer, le ramener sur ces barrières où il aurait aperçu (à travers les jumelles de Kagame et son FPR présumons-nous) d’autres Français « empêtrés dans un drame » à la marionnette.
« Je sais que les ingrédients du drame étaient réunis depuis longtemps ».BK
Kouchner sait du 94 rwandais que « tous les ingrédients du drame étaient réunis depuis longtemps », nous ne pouvons mettre en doute ni son savoir ni ce constat. Les carnages auront été planifiés de longues dates, tout observateur sérieux en conviendra. Mais ce savoir n’a pas de sens si on ne sait pas dire par qui, avec l’aide de qui, et en faire la démonstration.
A date, l’« excellent » juge Jean-louis Bruguière, des experts et des témoins oculaires ont démontré que Kagame et son FPR sont acteurs de l’essentiel des ingrédients en plus de constituer les pièces maîtresses des machines génocidaires. Nous savons et d’aucuns savent par contre que les thèses machiavéliques, délicieusement manichéennes mises de l’avant durant et après les carnages pour incriminer globalement les Hutus, font partie des stratagèmes de génocide visant à écraser dans la coquille toute résistance imaginable à la marche de Kagame, et au vaste projet géostratégique de ses sponsors qui ne cachent plus leurs appétits centenaires pour l’Afrique.
Ainsi, malgré le fait que le TPIR n’ait pas pu faire la démonstration d’une planification par le régime duquel Kouchner fait écho d’accusations de racisme, ethnisme et autoritarisme, des gens continuent d’être traqués, méprisés, jugés et condamnés ou simplement diabolisés au nom d’une justice internationale que chacun sait « de vainqueurs ». Ainsi et ce malgré la profession universelle de la foi en une justice internationale et en l’adhésion des pays civilisés dont celui de Bernard Kouchner, des gens déclarés propres par le TPIR continuent de faire les frais des refus délibérés de ces mêmes pays à leur accorder l’asile.
« Lancé dans un développement économique et social vigoureux, le Rwanda est aujourd’hui un acteur clé dans la stabilisation de la région des Grands Lacs africains. Il est en incontournable à l’est de la République démocratique du Congo. Et il joue un rôle majeur dans la crise du Darfour, … » BK
Bernard Kouchner est manifestement séduit par Kagame et son régime, comme l’aura été le général canadien Roméo Dallaire qui ne tarit pas d’éloges pour « un brillant stratège » et son armée qui, de dire le général sénateur, aurait pu arrêter le carnage mais se devait de poursuivre l’unique but du pouvoir même au cynique sacrifice des siens. Et c’est ce même « brillant développeur et stabilisateur de la région des grands lacs, missionnaire de la paix au Darfour » que courtisent à tour de rôle président de la République et Ministre des affaires internationales.
Le Rwanda est sans parler de son voisin détruit entre autres par Kagame et ses sponsors, le plus grand exportateur d’exilés politiques et de guerres. Partout en occident et dans la quasi totalité des pays du monde, des ressortissants du Rwanda affluent nombreux et sont reçus comme réfugiés politiques. Comme le criminel Kagame et son régime semblent tant propres à servir de modèles pour la France selon Kouchner, pourquoi dans cet élan de normalisation des relations Kouchner n’aurait pas commencé par rapatrier les originaires du Rwandais et du Congo exilés dans l’hexagone, comme l’aura fait Pascal Lissouba du Congo populaire à l’époque où il était au pouvoir, et ainsi être conséquent avec ses jugements ?
Faire des éloges à Kagame que d’aucuns qualifient à juste titre de « hitler africain » et , revient à marcher sur les cadavres de millions de ses victimes, à mépriser les millions de rescapés que son régime retient en exil, et dans une certaine mesure à dénigrer les institutions qui accordent l’asile à ces fugitifs. Constatons que ces derniers ne sont pas que des Tutsis, ne sont pas que des Hutus, ne sont pas que des Congolais, …, plutôt sont-ils tout simplement de potentielles forces de résistance à une machine qui reçoit des concurrents d’une certaine France les moyens du contrôle de ses tenants et de la mesure de ses aboutissants. Constatons par ailleurs que les génocidaires ne sont ni « hutus » ni « tutsis », des hutus et des tutsis se trouvent relativement grands acteurs au sein des diverses machines à tuer en place en 94, et depuis jusqu’à ce jours. L’initiative Kouchner viserait-elle à porter secours aux victimes de l’ombre de ces vampires ?
« la France a certainement commis des erreurs politiques, mais il serait odieux et inacceptable de penser qu’elle ait pu être coupable de crimes ou de complicité de crimes de génocide. ... Notre rapprochement avec le Rwanda ne se fera pas au détriment de l’honneur de l’armée française ». … Le président de la République s’est entretenu à Lisbonne avec son homologue rwandais, promettant de rétablir bientôt un dialogue … La France doit continuer d’être écoutée et respectée sur l’ensemble du continent, sans exception ». BK
S’il faille reconnaître que Kagame n’incarne pas le Rwanda, s’il faille convenir de la nécessité d’une normalisation des relations entre les peuples rwandais et français, comment situer les courbettes de Kouchner devant celui qui de son initiative, dans une manoeuvre dilatoire d’évitement de la justice, a rompu de façon bergère les relations avec la France l’accusant sans la moindre réserve de « génocidaire » ? Est-ce la seule logique des intérêts économiques qui expliquerait ce zèle diplomatique ? Et que dire de cette volonté clairement affichée d’ignorer ses propres accusations, gravissimes à l’endroit de la France, tout en marchant sur des cadavres et des blessés africains comme sur de la paille ? Serait-elle la clé des rapports de confiance que Kouchner de ses propre mots veut rétablir entre la France et l’ensemble du continent pour y être plus que jamais respectée ? Une véritable et durable normaliation doit passer par le respect de soi et de l’autre, l’ouverture et la promotion des voies de la véritable Vérité, la véritable Justice, et l’urgente neutralisation des criminels actifs et impénitents. Autrement, il me semble qu’on sème le cynisme politique et la haine absurde entre des peuples humains.
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