Ne pas se donner les moyens d’atteindre les objectifs poursuivis
Le Plan du ministre de l’Environnement vise à réduire de 40 à 45% les émissions de GES pour 2030 par rapport aux niveaux de 2005 et être en voie d’atteindre la carboneutralité en 2050.
Pour ce qui est du secteur du transport, c’est le virage vers l’auto électrique qui est privilégié. Le gouvernement veut faciliter la transition des Canadien-nes vers les véhicules électriques avec des investissements de 2,1G$ dans les infrastructures de recharge, un soutien financier pour rendre ces véhicules plus abordables et établir des exigences réglementaires afin que d’ici 2035, les nouveaux véhicules de tourisme vendus au Canada soient des véhicules zéro émission. Ce plan ne bouleverse rien. Il refuse une sortie claire de la mobilité centrée sur l’automobile. Il subventionne la production par les grands monopoles privés de l’auto d’une conversion d’un parc automobile à l’électricité qui mobilisera une quantité énorme de ressources et d’énergie, mais qui ne mettra nullement fin à la congestion routière que nous connaissons. La priorité au transport public électrifié et gratuit, source essentielle d’une véritable sobriété, n’est nullement au centre du plan du ministre.
Si le plan du gouvernement fédéral se promet d’élaborer un plan national de construction de bâtiments à consommation énergétique nulle, l’échéance de la réalisation de ce plan est mise en 2050 et se contente pour le moment de mettre à l’essai des projets d’amélioration du rendement énergétique des grands bâtiments.
Il laisse, comme le gouvernement Legault d’ailleurs, aux entreprises privées le soin d’adopter des technologies propres et de faire la transition en leur assurant une aide financière. Il se contente également de mesures incitatives pour l’usage de carburants propres (le gaz naturel sans doute) et il dit compter sur la capture et le stockage du carbone alors que ces technologies ne sont pas encore au point et servent aux entreprises exploitant des hydrocarbures de couverture pour la continuation de leur expansion. La tarification du carbone, avec son signal-prix, est présentée comme une mesure essentielle dans la lutte contre la pollution, alors qu’un tel type de taxe n’a pas démontré jusqu’ici qu’elle était réellement efficace pour bloquer la hausse des émissions de GES. L’agriculture industrielle centrée sur la production carnée et l’exportation n’est pas remise en cause alors qu’elle est une source importante d’émissions. Le gouvernement promet de favoriser le captage naturel du carbone par les tourbières et les zones humides alors que ces dernières sont détruites sur le territoire canadien. [1]
Mais là où le plan touche à l’incohérence, c’est qu’il refuse d’interdire l’augmentation de la production du pétrole et du gaz. Au contraire le Canada permet aux multinationales des hydrocarbures d’augmenter cette production et favorise les exportations canadiennes sur l’ensemble de la planète. Le gouvernement libéral prévoit que le Canada haussera ses exportations de pétrole et de gaz de l’équivalent de 300 000 barils par jour sous prétexte de remplacer le pétrole russe. [2]
Pas étonnant que le Canada ait augmenté ses émissions de GES de 18% depuis 1990. Elles ont crû chaque année depuis 2015. Le plan Guilbeault fixe des cibles de réduction des émissions lors de la production du pétrole et du gaz, mais ce pétrole va être utilisé et brûlé et émettre alors des GES. Le ministre de l’environnement le sait bien, mais il prend prétexte de la constitution canadienne pour prétendre que le gouvernement n’a pas le pouvoir de bloquer la hausse de la production d’hydrocarbures sur le territoire canadien. Et il utilise, la même constitution, quand il est question de transporter ces hydrocarbures, d’acheter un pipelines et d’imposer la construction de gazoduc sur le même territoire. Tout cela relève de la mauvaise foi et de la manipulation.
Pour couronner le tout le gouvernement Trudeau vient d’approuver le mégaprojet Bay du Nord d’exploitation de pétrole à l’est des côtes de Terre-neuve. Ce projet prévoit le forage de 60 puits qui produiront 300 millions à un milliard de barils d’ici 30 ans. Un acte irresponsable qui est une autre démonstration du caractère trompeur du plan Guilbeault. [3]
Le rapport du GIEC alerte à la nécessité d’actions importantes et urgentes
Le rapport porte un diagnostic sans ambiguïté. La catastrophe s’approfondit. Les émissions de GES ont continué d’augmenter au cours de la décennie. Les cibles nationales de réduction de GES présentées permettraient l’augmentation de la température à la surface du globe à plus de 3 degrés C en 2100. La stabilisation du climat ne peut être réalisée sans une réduction substantielle de la consommation d’énergie, ce qui implique la diminution de la production matérielle et des transports. Des technologies bas-carbone doivent produire au moins 90 à 100% de l’électricité. Et cela est possible, car le coût du déploiement des énergies renouvelables est plus bas que jamais. La production d’électricité à partir des énergies renouvelables est maintenant moins chère qu’à partir des combustibles fossiles.
Mais ces transformations impliquent qu’il faut tourner le dos aux énergies fossiles et abandonner tous les nouveaux projets d’exploitation des énergies fossiles et opérer une réduction substantielle de l’utilisation de ces énergies. C’est là une piste clairement exprimée dans le rapport du GIEC.
C’est à l’aulne de ce défi que le plan Guilbeault doit être évalué. Et à ce niveau, il ne tient pas la route. Il se contente de belles cibles et de beaux discours. Il refuse de s’opposer à la croissance de l’exploitation de ces énergies. Au contraire, il prévoit son extension et permet que le Canada se définisse de plus en plus comme un État pétrolier. Et cela, c’est sans compter, le renforcement des dépenses militaires dont l’achat de 80 F-35 pour près de 18G$ alors que le complexe militaro-industriel et les forces armées sont parmi les principaux émetteurs de GES. En somme, malgré ce qu’il dit, le gouvernement de Justin Trudeau refuse de relever le défi posé par ce rapport du GIEC.
Il y a urgence climatique, mobilisation générale !
Face à l’urgence climatique, il faut une mobilisation générale. Pour transformer nos modes de production et de consommation, on ne peut se contenter de jouer sur les comportements individuels. On doit éviter toute attitude attentiste face au gouvernement.
La sortie des énergies fossiles est incontournable pour parvenir à la réduction de GES contrairement à ce qu’affirme le ministre Guilbeault. Les subventions aux énergies fossiles doivent cesser. La vaste majorité des hydrocarbures doit rester dans le sol et il faut favoriser la transition des économies des régions vivant de cette industrie vers de nouvelles bases économiques bas carbone.
Il faut transformer en profondeur nos villes, nos modes de transport. La fin de la vente des voitures thermiques doit être imposée à un horizon rapproché. Les transports collectifs et gratuits doivent devenir une priorité.
Seule la planification démocratique d’investissements publics massifs permettra d’accélérer la transition vers un système énergétique 100% renouvelable.
La rupture avec l’agriculture industrielle permettra de réduire la production et la consommation carnées pour en finir avec les grands élevages industriels et de s’orienter vers la recherche de la souveraineté alimentaire.
L’économie d’énergie et le renforcement de l’efficacité énergétique des bâtiments ne peuvent être laissés à l’initiative de promoteurs immobiliers. Un grand chantier public permettra d’opérer la bonification de l’efficacité énergétique des bâtiments et la construction de logements sociaux répondant aux besoins de la population.
Nos vies valent plus que leurs profits. C’est pourquoi le réinvestissement dans les services publics de santé et d’éducation fait partie de la transformation sociale qu’il faut viser.
Pour disposer des argents nécessaires à cette transformation, les banques doivent devenir un service public. Cela permettra de cesser le financement des combustibles fossiles. « Au cours des six dernières années qui ont suivi l’adoption de l’Accord de Paris (2015-2016), les 60 plus grandes banques privées du monde ont financé les combustibles fossiles à la hauteur de 4600 milliards de dollars, dont 742 milliards pour la seule année 2021. » [4]
Les politiques du gouvernement Trudeau et de son ministre de l’environnement ne sont pas à la hauteur des enjeux et de l’urgence climatique. Les politiques de faux-semblants, les postures environnementalistes et la stratégie des petits pas doivent être décrites pour ce qu’elles sont : des outils pour défendre les intérêts des puissants et des profiteurs qui ont comme seule devise : « après nous, le déluge ».
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