Tiré de Entre les lignes et les mots
Photo Unicef
Aujourd’hui, 24 janvier, c’est la journée internationale de l’éducation. Alors que le monde entier célèbre cette journée, l’éducation a été interdite aux femmes par le groupe terroriste des taliban. Les étudiantes souffrent de problèmes psychologiques et dans certains cas, sont forcées de se marier de peur d’être forcées d’épouser un combattant taliban.
Au cours de l’année et demie écoulée, les jeunes filles ont été privées d’éducation à partir de la sixième année, ce qui a eu de graves conséquences sur leur vie. Si pour résister aux décrets misogynes des taliban, certaines filles se sont tournées vers d’autres formations, comme l’anglais ou la peinture, la fermeture des écoles et les autres décrets misogynes édictés par les taliban leur ont causé des problèmes psychologiques.
Arefa était élève de dixième année quand les taliban ont annoncé l’interdiction pour les filles d’étudier au-delà de la sixième année. Elle a alors décidé d’étudier l’anglais et la calligraphie. Cela n’a pas suffi pour lui éviter de subir les conséquences psychologiques désastreuses des décrets des taliban.
Elle a déclaré à Nimrokh : « Quelques mois avant l’arrivée au pouvoir des taliban, j’ai terminé mon cursus d’anglais. Pour maintenir mon état mental stable et ne pas perdre l’espoir, mon frère m’a conseillé de continuer d’étudier l’anglais. Mais le comportement des taliban envers les femmes empirait de jour en jour et je n’arrivais plus à continuer. Aujourd’hui, je ne dors plus bien la nuit, et mes journées sont encore plus sombres que mes nuits ».
Il y a environ trois mois, les responsables du service de santé mentale de l’hôpital de Hérat ont déclaré aux médias que 75% des patients qui s’adressaient à leur service étaient des femmes.
Selon leur rapport, la plupart des patients souffrant de problèmes psychologiques sont des étudiantes qui ont été privées d’études et de travail quand les taliban sont arrivés au pouvoir.
Les problèmes psychologiques dont les femmes ont été victimes depuis la prise de pouvoir des taliban ont causé une augmentation du nombre des suicides de femmes et de filles au cours de l’année et demie écoulée.
Le dernier cas recensé est celui de Nasrine, une jeune fille de 19 ans qui vivait dans le 6e arrondissement de Kaboul. Sous pression psychologiquement depuis la fermeture des écoles, elle s’est suicidée en ingérant du détergeant.
L’un de ses proches a déclaré à Nimrokh : « Il lui restait moins de deux mois de préparation pour l’examen du TOEFL. Une semaine après la fermeture des écoles sur ordre des taliban, elle a tenté de se suicider. La première fois, nous nous en sommes aperçus rapidement et nous avons pu la sauver, mais la deuxième fois elle a attendu que nous soyons tous couchés pour avaler du détergeant. Nous avons découvert son corps le lendemain matin ».
Dans un cas similaire, une élève d’environ 15 ans s’est pendue le 19 janvier dans la province de Nimroz parce que sa famille lui avait interdit de se rendre en cours.
Selon les rapports publiés, elle s’appelait Fereshta et était élève dans un centre de formation de la ville de Zarandj.
Les mariages forcés représentent un autre défi auquel ont été confrontées les étudiantes après la fermeture des écoles. L’augmentation de la pauvreté et du chômage ainsi que les ordres des taliban ont poussé les familles à forcer leurs filles à se marier.
Maliha Hashimi, 17 ans, a été forcée d’épouser son cousin après la prise de pouvoir des taliban. A peine arrivée de son village à Kaboul avec son mari, elle a déclaré à Nimrokh : « L’arrivée au pouvoir des taliban n’a pas uniquement signifié pour moi la fin de mon éducation. J’ai aussi été obligée d’épouser un homme que je ne m’attendais pas du tout à devoir épouser ».
Maliha explique qu’elle a dû accepter ce mariage de peur d’être forcée d’épouser un combattant taliban : « Les taliban avaient ordonné à deux familles de notre village de leur donner en mariage leurs filles célibataires. Mon père a pris peur et m’a forcée à me marier contre mon gré. Aujourd’hui, j’ai perdu tous mes rêves, j’ai l’impression que je suis une femme qui est restée chez elle depuis des années et qui n’a jamais vu la lumière ».
Lors d’une conversation téléphonique avec Nimrokh, Rashid Hashimi, le père de Maliha, a expliqué qu’il avait forcé sa fille à se marier de peur qu’elle ne subisse un mariage forcé avec un membre du groupe taliban. Il a déclaré : « Là où nous vivons, les taliban épousent les jeunes filles de force et personne ne peut les en empêcher. J’ai été obligé de prendre cette décision ».
Chaque année, dans le monde entier, on célèbre le 24 janvier la journée internationale de l’éducation. L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture a rappelé qu’à l’heure actuelle, 244 millions d’enfants et d’adolescents dans le monde étaient privés d’éducation et que 771 million d’adultes ne savaient ni lire ni écrire.
Selon un rapport de l’UNESCO, en Afghanistan, entre les années 2001 et 2018, le nombre d’enfants scolarisés a été multiplié par dix, passant d’un million en 2001 à environ dix millions en 2018. De même, le nombre de filles scolarisées est passé de zéro en 2001 à 2,5 millions en l’espace de deux décennies. Des études de l’UNESCO montrent qu’en 2021 en Afghanistan, quatre élèves de primaire sur dix étaient des filles. La présence des Afghanes dans l’enseignement supérieur était également impressionnante et a été multipliée par vingt pendant cette période, passant de 5 000 à 100 000 étudiantes en 2021.
Audrey Azoulay, directrice générale de l’UNESCO, a déclaré : « l’éducation est un droit humain universel qui doit être garanti. Aucun pays du monde ne devrait priver les filles et les femmes de leur droit à l’éducation ».
Cette année, cette organisation a célébré cette journée par le slogan « Investir pour le peuple, priorité à l’éducation » et l’a dédiée aux Afghanes, car l’Afghanistan est le seul pays au monde dans lequel un groupe imposé officiellement et par la force a interdit l’éducation aux filles.
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Texte : Saya, journaliste à Nimrokh
Article paru le 24 janvier 2023 sur le site Nimrokh.
Vous pouvez lire l’article original ici.
Traduction : Mathilde
https://blogs.mediapart.fr/mathilde-weibel/blog/260123/le-mariage-ou-le-suicide-desormais-seules-echappatoires-des-afghanes
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