Édition du 17 décembre 2024

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Politique québécoise

4 septembre 2012 – 4 septembre 2013

Le gouvernement Marois, un gouvernement qui fait reculer le Québec !

Le 4 septembre dernier, le Parti québécois accédait au pouvoir. Le gouvernement péquiste vient de terminer un an de gestion néolibérale marquée par de nombreuses capitulations face aux pressions du gouvernement Harper. Non seulement, le gouvernement péquiste a multiplié les reculs par rapport aux prétentions de ses promesses électorales, mais il a fait reculer le Québec et sa majorité populaire sur nombre de terrains. Ses politiques ont affaibli le Québec et elles ont semé la démobilisation.

Les seules avancées allant dans les intérêts de la majorité ont consisté à liquider les héritages les plus nauséabonds du gouvernement Charest, héritages qui avaient été discrédités par des mobilisations sociales d’ampleur : abolition de la hausse des frais de scolarité de Charest et révocation de la loi 78, fermeture de Gentilly 2, fin de l’exportation de l’amiante critiquée par toute la communauté internationale.

La ligne à plomb de sa politique : une soumission aux décisions des élites d’affaires

Le gouvernement péquiste a fait reculer le Québec en refusant d’abolir la taxe santé. Il s’est plié aux remontrances de l’oligarchie qui a lancé des hauts cris devant la perspective d’une réforme timide de la fiscalité au profit des plus démuniEs. Les velléités écologistes de la campagne électorale n’ont pas fait long feu. Daniel Breton, ministre de l’environnement, a été descendu en flammes par l’opposition libérale et caquiste parce qu’il avait la réputation d’être un environnementaliste. Sa démission a été rondement obtenue. La ministre des Richesses naturelles, Martine Ouellet, a dû abandonner rapidement ses postures « progressistes » sur l’augmentation des redevances minières. Dans son premier budget, Nicolas Marceau a fait de l’objectif du déficit zéro dans les délais prévus par le ministre des Finances du gouvernement Charest, Raymond Banchand, une obligation politique, répondant par là aux demandes du capital financier. C’est Pauline Marois, elle-même, qui, dès le discours d’ouverture de la première session, faisait reculer le Québec sur le terrain en proclamant son ouverture à l’exploitation pétrolière dans le golfe St-Laurent. Elle devait d’ailleurs poursuivre sur cette lancée en se montrant à la rencontre du Conseil de la fédération, disposée à ce que le Québec devienne une plaque tournante de la distribution du pétrole tiré des sables bitumineux. Le masque vert du gouvernement péquiste s’est effrité. Chaque jour semble confirmer que sa pratique concrète contredit ses discours écologistes. Aujourd’hui, on apprenait que le gouvernement Marois permettait à un projet de cimenterie très polluant d’échapper à l’analyse du BAPE.

Alors que le gouvernement péquiste se rendait avec célérité aux demandes du patronat, les coupures à l’aide sociale, dans les garderies, en éducation et santé étaient justifiées au nom de l’atteinte du déficit zéro. Malgré, le ralentissement économique, le ministre Marceau s’entêtait et maintenait son objectif et s’attaquait aux acquis populaires. Seuls les secteurs les mieux organisés, les organismes de recherche, parvenaient à diminuer l’ampleur des coupures gouvernementales. Coupures d’une part, tarifications diverses d’autre part. La promesse du gel de l’électricité était également oubliée. Les frais de scolarité étaient indexés. La gratuité scolaire jouissant d’un large soutien populaire était rejetée du revers de la main, de même que le gel des frais de scolarité pour lequel les étudiantes et étudiants du Québec s’étaient mobilisés massivement.

Le Parti québécois, fort des difficultés de ses adversaires

Selon un récent sondage [1], le gouvernement péquiste retrouvait au niveau des intentions de vote, le niveau obtenu lors des élections de septembre dernier, soit 32%. Si le PLQ de Philippe Couillard obtient 36% des intentions de vote, il n’a le soutien que de 26% chez les francophones. Sa réputation de parti corrompu formé de profiteurs lui colle à la peau. D’autant plus que la commission Charbonneau recommence et risque de rappeler quotidiennement que des partisans libéraux ont trempé d’une façon ou d’une autre dans des affaires louches. Pas facile dans ce contexte d’apparaître vertueux alors que la population du Québec s’est fait déjà servir les politiques néolibérales avec lesquelles ce parti n’a pris aucune distance si ce n’est sur un mode purement démagogique. N’était-ce sa base inébranlable dans la communauté anglophone et chez la majorité de la bourgeoisie et élites affairistes francophones, il pourrait difficilement prétendre reprendre le pouvoir aux prochaines élections malgré la force de son organisation et de son soutien par les grands médias.

La Coalition Avenir Québec est sur une pente descendante depuis les dernières élections. Si elle a alors obtenu 27% des voix, le sondage Léger lui accorde maintenant 18% des intentions de vote. Elle perd ses soutiens tant du côté des libéraux que des péquistes. Ses politiques néolibérales ressemblent tout à fait aux politiques économiques et sociales des libéraux comme des péquistes. Elle n’a aucune base dans la communauté anglophone. Comme, le champ politique à droite est fort occupé et que son avenir est de plus en plus incertain, les arrivistes de tout style ne se bousculent plus aux portes. Sa marginalisation et les perspectives de réaliser des scores approchant ceux de l’ADQ sur le déclin laissent une CAQ sans réel avenir. Le gouvernement Marois peut donc miser sur sa prochaine marginalisation. Mais la stratégie péquiste ne vise pas à couper tous les liens avec la CAQ car une éventuelle alliance électorale pourrait s’avérer utile. C’est là un fer qu’il vaut mieux laisser au feu.

Un gouvernement en sursis à la recherche de solutions compensatoires

Un bilan véritable du gouvernement péquiste passe par des questions incontournables qu’il faut identifier et auxquelles il faut répondre. Le pouvoir péquiste a-t-il été un rempart dans la défense de nos acquis comme on l’a si souvent prétendu ? A-t-il protégé nos services publics ? A-t-il défendu le pouvoir d’achat des plus démuniEs ? A-t-il été un raccourci pour la victoire de nos revendications ? A-t-il fait de la défense de l’environnement un axe réel de sa politique ? A-t-il permis de faire des pas réels vers le renforcement de notre combat pour l’indépendance du Québec ? La majorité du peuple québécois est-elle plus unie, plus décidée, plus claire sur ces perspectives depuis la prise du pouvoir par le Parti québécois ?

A toutes ces questions, il faut répondre par un NON retentissant. Mais plus grave, il a favorisé la démobilisation. Pour maintenir son hégémonie, il a appelé à une paix sociale dans le cadre de l’ordre actuel bâti sur l’injustice. Les organisations syndicales, populaires, féministes et écologistes se retrouvent confrontées à des défis majeurs par un gouvernement qui organise les reculs sur les acquis tout en se présentant comme un gouvernement progressiste.

À force de s’accommoder des pressions du patronat fédéraliste, à force de collaborer aux desseins du gouvernement Harper, tout en le dénonçant comme opposé aux valeurs québécoises, le gouvernement péquiste a semé la démobilisation et la désorientation. Ses politiques ont renforcé les sentiments d’impuissance. Désormais incapable, pour toute une période, de jouer la carte du parti progressiste et vert, il se rabat sur la recherche de solutions compensatoires en jouant la carte identitaire. Il cherche maintenant par sa Charte des valeurs québécoises, à identifier comme s’excluant du Québec, des minorités qui refuseraient de s’intégrer et qui seraient ainsi porteuses de la régression sociale qu’il organise sur différents terrains.

Le PQ est un vieux parti, qui n’a plus que les oripeaux d’un parti souverainiste. Il n’est pas en mesure d’organiser le peuple autour d’un projet de liberté et d’indépendance.

Construire Québec solidaire comme une nouvelle alliance de la majorité populaire pour l’indépendance du Québec

Les projets de l’oligarchie régnante visent à assurer ses possibilités d’enrichissement au mépris de nos conditions de vie et de nos droits démocratiques. La résistance à ces objectifs de la classe dominante passe par la construction d’un parti des classes populaires mobilisées pour reprendre en main leur destin.

La construction d’un tel parti, dans cette période de crise économique, sociale et écologique ne passera pas par une accumulation progressive et continue d’une base électorale dans un contexte où la majorité populaire serait incapable de faire face aux offensives menées contre ses acquis dans un contexte de régression sociale généralisée.

La construction d’un tel parti se fera dans le feu même des luttes. Ce nouveau parti fera face à des défis considérables pour devenir un instrument de combat apte à apporter sa contribution dans la transformation du rapport de forces sur le terrain, ici et maintenant, en favorisant l’unité dans la lutte.

Les succès électoraux sont essentiels pour renforcer notre programme, élargir notre audience, apparaître comme une alternative au pouvoir en place. Mais, le parti ne pourra devenir un instrument capable d’imposer un rapport de force à l’oligarchie et à ses partis qu’à la condition de contribuer au développement de la résistance des mouvements sociaux et d’aider au renforcement de leur indépendance face aux partis liés à l’oligarchie.
C’est dans cette mesure que le parti que nous voulons construire pourra devenir un parti puissant capable de résister à la répression et d’agir comme un vecteur de la transformation sociale.

Face à la gestion néolibérale, face à la crise écologique destructrice, il est nécessaire d’élaborer et de proposer un programme d’urgence aux différents mouvements sociaux et à la majorité populaire. À l’heure où la légitimité du capitalisme comme mode d’organisation de la société est en crise, des couches de plus en plus larges comprennent que l’avenir est porteuse de la détérioration de leurs conditions d’existence, que la mobilité sociale n’est plus à l’ordre du jour et que la démocratie restreinte pour la majorité est le cadre auquel veut nous réduire la minorité dominante.

Ce programme d’urgence qui pourrait s’articuler autour des axes suivants : une transition énergétique menée dans un contexte de démocratie citoyenne, un élargissement des services publics pour assurer leur gratuité et leur accessibilité, une réforme radicale de la fiscalité permettant la redistribution de la richesse, et enfin l’approfondissement des droits démocratiques débouchant sur la définition démocratique des priorités collectives grâce à la mise en place de mécanismes de démocratie directe.

Un parti des urnes et de la rue doit avoir comme objectif de rassembler les luttes dispersées des innombrables associations citoyennes, des syndicats groupes écologistes dans l’action commune tout en offrant la perspective de la mise en place d’un gouvernement de transformation sociale.

L’élection d’une constituante suppose que la majorité populaire aspire à redéfinir les grandes institutions de la société. Cette aspiration ne pourra être que l’aboutissement de la réorganisation des fragments épars de la résistance populaire en un mouvement d’ensemble.


[1Léger, La politique provinciale
et fédérale au Québec, Publication : le 31 août 2013

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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