Privées de contrats publics, des firmes de génie-conseil seraient sur le point de faire faillite. En effet, selon La Presse, les contrats publics comptent pour 75% des activités de Dessau.
À l’heure de la mondialisation, où la planète devrait être leur client, des firmes de cette importance, après plus de 50 ans d’existence, ont toujours besoin de l’État pour survivre. Dans ce cas, doit-on toujours parler de firmes privées ou plutôt de firmes vivant au crochet de l’État ? Ne s’agit-il pas plutôt d’une fonction publique parallèle et coûteuse pour les contribuables québécois ?
Le rapport de l’Unité anticollusion (rapport Duchesneau) mentionne que le recours aux firmes dites « privées », outre de rendre le ministère des Transports (MTQ) vulnérable et dépendant, coûte entre 79% et 131% plus cher que lorsque les travaux sont réalisés à l’interne. Pour le seul MTQ, on parle de centaines de millions versés en trop.
La faute à qui ?
Selon l’ingénieur Bernard Lamarre, fondateur de Lavalin (aujourd’hui SNC-Lavalin), la crise de confiance que vit l’industrie du génie-conseil serait due à René Lévesque. Sa loi électorale aurait forcé en quelque sorte des firmes à utiliser des prête-noms pour la contourner.
Il en va probablement de même pour les firmes qui ont fraudé la loi sur la concurrence. Si la loi n’existait pas, il n’y aurait pas eu faute. La belle affaire !
D’ailleurs, quel remède la firme Beaudoin Hurens souhaite-t-elle que le gouvernement apporte à la réglementation ? Que les firmes puissent soumissionner, comme pour le MTQ, sans prix auprès des municipalités. Bizarre, l’entreprise dite privée ne veut plus que les règles du libre marché s’appliquent. Pourtant, en Ontario, le ministère des Transports de cette province demande des prix et le réseau routier n’en souffre pas, sauf peut-être les actionnaires des firmes.
Profiter de la crise
Avant de continuer à donner la respiration artificielle à des firmes qui ne sont pas en mesure de faire leur place dans un monde de concurrence et de libre-échange, le gouvernement doit questionner sa stratégie d’octroi de contrats publics. Nous croyons qu’il n’est pas profitable aux contribuables québécois de continuer à subventionner les firmes dites privées en leur réservant des travaux qui pourraient être réalisés à moindre coût par le secteur public. De plus, nous croyons que pour tous les contrats publics, le gouvernement devrait, tout comme en Ontario, exiger que les firmes soumissionnent avec prix.
Au demeurant, même si des firmes ferment, faute de contrats publics, le génie québécois n’est pas en péril, bien au contraire. Comme le mentionne l’ingénieur Nicolas Théberge de la firme Hatch, « aucun ingénieur qui veut travailler se retrouvera en chômage ». D’ailleurs, les firmes Hatch et Stantec sont en recrutement intensif. Le MTQ peine à embaucher malgré la crise. Il manque toujours d’ingénieurs et de techniciens d’expérience.
Enfin, les gestionnaires intègres des autres firmes qui n’ont pas pu prendre leur envol dû à la collusion et à la corruption seront récompensés. Il est grand temps de penser à eux et à leurs employés.
Lucie Martineau, présidente du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ)
Michel Gagnon, président de l’Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec (APIGQ)