Israel Dutra et Thiago Aguiar- 5 JAN 2023
Le 1er janvier dernier, au premier jour de l’année 2023, Lula a prêté serment à Brasilia, et des centaines de milliers se sont rendus sur l’Esplanade des ministères à Brasilia pour célébrer la défaite de Bolsonaro. Le MES a été partie prenante de la campagne de Lula contre le bolsonarisme lors des élections. Nous considérons que le PSOL doit poursuivre cette lutte, en maintenant son indépendance, sans accorder de trêve à l’extrême droite. À cet égard, Roberto Robaina et Pedro Fuentes ont publié des articles récents dans la revue Revista Movimento.
L’arrivée du nouveau gouvernement ouvre une nouvelle situation au Brésil, notamment en ce qui regarde la lutte contre l’extrême droite. Cette lutte reste décisive pour trois aspects : 1) il est fondamental de vaincre le bolsonarisme pour recadrer à gauche l’ensemble de l’agenda politique national ; 2) régler ses comptes avec le fascisme, alors que ses représentants ont obtenu près de 50 % des votes, aura une signification historique ; et 3) il y a un réel danger dans les actions terroristes promues par les bolsonaristes ces dernières semaines - elles n’ont pas de force suffisante pour modifier le rapport de forces, mais elles présentent des risques réels pour l’intégrité physique du militantisme.
Le crépuscule du gouvernement Bolsonaro : fin mélancolique et fuite en Floride
Deux jours avant l’inauguration, Bolsonaro a utilisé un avion de la FAB pour se rendre à Orlando, en Floride, où il séjournera pendant quelques mois. Il aurait d’abord séjourné chez le lutteur de l’UFC José Aldo. Il est possible de qualifier le voyage de Bolsonaro quelques jours avant de perdre le forum privilégié [privilège du président devant la justice brésilienne] de fuite, une sortie tragicomique digne d’une « novela » brésilienne , comparable aux fuites d’autres despotes à travers l’histoire, et qui a frustré sa base. Des organes de presse ont rapporté que l’entourage de Bolsonaro s’inquiète d’un éventuel mandat d’arrêt dans les mois à venir.
La fuite de Bolsonaro et l’investiture de Lula ont conduit au découragement et à la désorganisation des bolsonaristes qui maintenaient encore des occupations devant les casernes du nord au sud du Brésil et, en particulier, au QG de l’armée à Brasilia. La démoralisation de ces groupes s’est accrue avec la déclaration d’Hamilton Mourão [vice-préssident], diffusée à l’échelle nationale le 31, lorsqu’il a pris ses distances avec Bolsonaro, en essayant de se poser, à sa manière, comme le protagoniste de l’opposition au nouveau gouvernement.
Les variables de l’extrême droite
L’extrême droite a obtenu un résultat électoral considérable et a démontré, bien que sans grande force politique, une capacité d’action avec la mise en place de barrages routiers. Le pays reste fracturé, malgré la victoire étroite de Lula. L’extrême-droite continuera d’être une force politiquement et socialement pertinente, et a mis en évidence l’existence d’un secteur dangereux de terroristes, insufflés par la politique armementiste de Bolsonaro. Ce n’est pas un hasard si l’une des principales porte-parole de ce secteur, Carla Zambelli, vient de faire l’objet d’une perquisition et saisie ordonnées par le STF pour récupérer ses armes, après qu’elle ait poursuivi, pistolet au poing, un homme noir dans les rues de São Paulo à la veille du second tour.
Il existe cependant un secteur de la base politique de Bolsonaro, en particulier le "centrão", qui participe des négociations avec le nouveau gouvernement, comme c’est le cas avec Claudio Castro [gouverneur de l’état de Rio de Janeiro} et Arthur Lira, jusqu’à récemment "l’homme de Bolsonaro" à l’assemblée législative [qu’il préside]. Même au sein du PL et des Républicains, on trouve déjà des dirigeants et des parlementaires, comme l’ancienne ministre Flavia Arruda, qui font des clins d’œil en direction de Lula.
Le "laboratoire Paulista"
Il reste à voir comment le gouvernement de São Paulo va évoluer sous la direction de Tarcisio de Freitas. Son gouvernement sera sans doute une vitrine pour la droite. Ces derniers jours, le nouveau gouverneur a déclaré qu’il n’était pas un "bolsonariste pur et dur", tout en remerciant l’ancien président pour son soutien électoral lors de sa prestation de serment.
Tarcisio, d’une part, devra faire des gestes et composer avec le gouvernement fédéral et la base du PSDB. Le PSD de Kassab, bien établi dans les structures fédérales et étatiques, est le meilleur exemple de ce point de contact. D’autre part, le gouverneur doit aussi faire des gestes vers la droite, dont le poids, le poids du retard, s’est exprimé dans la composition dues secrétariats, notamment avec la nomination d’un député bolsonariste, capitaine retraité de la police militaire de São Paulo, au secrétariat de la sécurité publique.
Il appartiendra au mouvement social et à l’opposition organisée de São Paulo de mener une lutte de répercussion nationale : le PSOL jouera un rôle fondamental grâce à son groupe á l’ALESP [Assemblée législative de l’état de São Paulo]et à sa présence dans d’importants syndicats, comme ceux de l’éducation et du métro, et dans des organes étudiants comme les DCE de l’USP et de l’Unicamp.
"Pas d’amnistie"
Lors de l’investiture, le slogan le plus scandé par la foule présente était "pas d’amnistie", pour demander que les responsables des crimes du dernier gouvernement, en particulier Bolsonaro lui-même, fassent l’objet d’une enquête et soient punis. Le PSOL est du côté de ceux qui demandent une sanction pour l’ancien président et le banc du parti a demandé au STF sa détention préventive et la saisie de son passeport.
Le nouveau gouvernement Lula présente les caractéristiques de la conciliation des classes, avec des noms progressistes dans les ministères et des noms liés à la vieille politique comme Daniela Carneiro, Jader Barbalho Filho, Renan Filho, en plus du ruraliste Carlos Fávaro à l’Agriculture. L’élément le plus inquiétant est la tutelle de José Múcio Monteiro au ministère de la défense.
Parmi les principales mesures prises lors de la cérémonie d’investiture, sont importantes : la lutte contre la déforestation et le rétablissement du Fonds amazonien, la nouvelle Bolsa Família de 600 reais, plus 150 reais pour chaque enfant jusqu’à six ans et la suspension des privatisations, comme Correios, EBC et Petrobras, entre autres. En même temps, nous exigerons la révocation du secret et des décrets bolsonaristes, points sur lesquels Lula s’est engagé pendant la campagne. Ces premiers jours, la quantité d’armes et de munitions accessibles a été réduite et Lula a demandé que l’CGU se prononce dans les 30 jours sur les secrets de 100 ans [imposés par Bolsonaro sur son activité et celle de son gouvernement].
Nous n’accepterons pas l’impunité des responsables du génocide pendant la pandémie de Covid-19, de l’invasion et de la destruction des terres indigènes, des quilombolas et des espaces publics détruits par l’exploitation minière et aurifère, de l’assassinat de Bruno Pereira et Dom Phillips, et de tant de dirigeants persécutés et massacrés ces dernières années, des opérations meurtrières de la police dans les périphéries stimulées par le discours de mort de Bolsonaro, entre autres crimes. Nous n’oublierons pas non plus d’exiger la poursuite des enquêtes sur le meurtre de Marielle Franco et d’Anderson Gomes, afin de découvrir qui étaient les commanditaires du crime, jusqu’à présent inconnus. Flavio Dino [nouveau ministre de la justice] a déclaré qu’élucider cette affaire était une "question d’honneur de l´’état", assenant vers la participation à l’enquête de la police fédérale (dépendant de son ministère). Nous devons faire pression sur les rues pour que ce crime ne reste pas impuni.
Nous espérons dans la nouvelle situation, voir s’ouvrir un nouvel espace pour les luttes sociales, des travailleurs et des jeunes. Nous serons là, sans croire qu’en conciliant avec le centre droit et les agents de Faria Lima, nous aurons résolu nos revendications. Par conséquent, il est essentiel de préparer dès maintenant et depuis la base le calendrier des luttes de l’année, en soutenant les luttes en cours et annoncées comme celle des travailleurs de l’application, et en étant présent avec force dans l’agenda du mois de mars : le 8 avec les femmes, le 14 pour la justice à Marielle Franco, les 28 et 31, dates de la lutte des jeunes et pour la bannière " Plus jamais la dictature ".
Israel Dutra e Thiago Aguiar sont dirigeants nationaux du PSOL (Partis Socialisme et Liberté) et du MES (Mouvement de la Gauche Socialiste)
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