Les agents qui le feront deviendront de ce fait des terroristes aux yeux de ces pays étrangers. La seule manière qu’auront les citoyens ordinaires ou ces pays de se prémunir d’éventuelles injustices causées par les agents secrets canadiens sera de trouver des manières de s’en protéger par leurs propres moyens.
Depuis la sanction royale donnée le 18 juin 2015 à la Loi antiterroriste C-51, la monarchie constitutionnelle canadienne est devenue un État policier patenté avec une loi pour le prouver. Ceux qui avaient espéré que la loi C-59 rétablisse la balance et la ramène dans le camp des pays qui mettent les droits de l’Homme de leurs citoyens au-dessus des dessins politiques de leurs dirigeants viennent de subir une amère défaite. Le projet de loi C-59 n’a pas corrigé les importants problèmes qu’entraine C-51 au niveau du respect des droits de la personne qui avaient alarmé le commissaire à la protection de la vie privée du pays, Daniel Therrien, l’automne dernier. Ce dernier considérait que le pouvoir de ne pas respecter les droits de l’Homme donnait aux espions canadiens un coffre d’outils du 20e siècle pour régler des problèmes du 21e siècle.
En accordant ces pouvoirs d’intervention sans précédent au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), Ottawa a affaibli les droits et libertés au pays. Il vient aussi réduire radicalement sa valeur en tant qu’état démocratique. La Ligue des droits et libertés du Canada demandait aussi le 20 octobre dernier au gouvernement de Justin Trudeau de faire passer les droits de l’Homme avant ses politiques de sécurité nationale, ce qui n’est pas le cas avec C-59. Les organismes fédéraux continueront même à avoir le droit d’échanger les données personnelles de citoyens.
Avec cette loi, les agents secrets canadiens sont au-dessus de la charte internationale des droits de l’Homme et même du Code criminel canadien que doivent respecter tous les autres citoyens du pays. Au nom de la protection de la sécurité nationale, C-59 continue à donner le pouvoir au SCRS de secrètement perturber des manifestations, des protestations ou des contestations du gouvernement fédéral qu’il considère illégales.
S’il s’évite de torturer des gens ou de les détenir dans un endroit secret, le SCRS pourra encore contrer une menace en violant le Code criminel s’il persuade un juge que la menace le justifie. La personne ainsi visée ne pourra contester la décision de ce juge à une cour supérieure comme cela est prévu dans le système de justice en toute autre circonstance. L’injustice que subissent les victimes des agents secrets canadiens est l’ADN de C-51, et C-59 n’y changera rien.
Comme les actions posées avec ces pouvoirs de « perturbation » n’atteignent jamais le système de justice, les personnes qui ont injustement subi des dommages ne peuvent en demander légalement compensation. La Loi permet aussi d’endommager ou de détruire des biens sans offrir d’indemnités compensatoires. Les libertés d’association, d’expression et de réunion peuvent donc être violées en toute légalité et sans que quiconque sache que c’est un employé fédéral qui l’a fait. De plus, les citoyens victimes des très nombreuses erreurs que font ces agences, il n’y a qu’à penser à l’affaire Maher Arar, n’ont aucun recours judiciaire ni même le droit de se défendre d’être ainsi ciblés tant qu’ils n’ont pas attrapé sur le fait ces agents secrets en train de commettre ces actions pour les poursuivre au civil.
Les Canadiens doivent donc à partir de maintenant trouver des manières d’attraper ces agents la main dans le sac quand ils sont en train de violer leurs droits pour pouvoir réclamer les dommages qui leur sont dus en utilisant les lois du Code civil. Le projet de loi C-59 ouvre donc toute grande la porte à l’industrie du contre-espionnage. Elle a maintenant beau jeu de produire des outils qui vont permettre aux citoyens ordinaires d’avoir suffisamment de preuves admissibles en cours pour se protéger des agents secrets canadiens. La chasse aux espions canadiens est donc maintenant ouverte.
Michel Gourd
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