tiré de : L’INFOLETTRE DE FUGUES # 629 - 15 juin 2017 - La chronique du Conseil québécois LGBT
Pachama Empenadas
De ce côté-ci de l’océan, le gouvernement canadien dit “traiter les cas les plus vulnérables” qui viennent de la Russie, mais si ce n’était du travail acharné de Rainbow Railroad, un organis-me qui encadre et aide des potentiel.le.s réfugié.e.s LGBTQ+ à venir au Canada lorsque leurs vies sont en danger, je doute que des Tchétchènes réussiraient traverser l’Atlantique.
Et ce n’est certainement pas au Québec qu’on arriverait à organiser une telle migration. Ne vous méprenez pas : les groupes qui viennent en aide aux réfugié.e.s, migrant.e.s, demandeur.se.s d’asile existent, mais ils n’ont pas les moyens de Rainbow Railroad, loin de là. Les organismes d’ici comme AGIR et Helem, pour ne nommer que ceux-là, sont entièrement bénévoles, et leurs bénévoles travaillent déjà d’arrache-pied. En bref, illes sont déjà brûlé.e.s, et dans ces circonstances-là, c’est pas évident de trouver des moyens d’en faire plus...
Le président de Helem, Rémy Nassar, me disait qu’ils sont assez créatifs pour réussir à faire leurs activités « courantes », c’est-à-dire des activités sociales et de la création d’outils de sensibilisation. Ils suivent quelques dossiers d’immigration, mais ça demande tellement de temps et d’énergie qu’ils ne le font que lorsque c’est urgent. « Quand on reçoit une demande d’information par internet, on les redirige vers le site d’Immigration Canada, qui offre différentes options - dont les demandes d’asile. Mais on doit toujours être prudents, parce que la demande doit venir d’eux, ça ne doit pas être l’organisme qui les pousse à bouger. S’ils vont de l’avant, c’est là qu’on les met en garde : que c’est long, qu’ils doivent être patients, que c’est coûteux…. » Rémy m’explique que parfois ces personnes ont déjà bougé, qu’elles sont sorties d’une situation « critique » pour aller dans un pays dit « transitoire », mais que c’est temporaire, et que c’est encore dangereux. On a vu ça aux nouvelles récemment, d’ailleurs : un couple de lesbien-nes une Égyptienne et une Espagnole - avaient été suivies jusqu’en Géorgie (à 3200 km de l’Égypte) par le père de l’une d’elle après avoir menacé de les faire emprisonner...
Bref, les groupes d’ici n’ont pas les moyens d’encadrer ces processus, et pourtant les migrant.e.s LGBTQ+ font appel à eux bien avant de faire appel au gouvernement canadien. La pression est là, actuellement : les homosexuels tchétchènes ont besoin d’aide, la communauté internationale dit aux gouvernements d’agir, mais sur qui cette pression va retomber, une fois qu’ils seront arrivés ici ?
Ce que j’aimerais qu’on réalise, c’est que la lumière est en train de se faire sur les horreurs en Tchétchénie aujourd’hui, mais que c’est loin d’être une situation exceptionnelle. Et plus on fera de la lumière sur les zones d’ombre partout dans le monde, plus le gouvernement canadien sera appelé à agir, et plus les organis-mes LGBTQ+ d’ici verront leurs épaules s’alourdir. Ne serait-il pas temps d’enfin soutenir concrètement les groupes sans qui le gouvernement canadien serait lui-même dans l’ombre sur la façon d’accueillir et d’aider les migrant.e.s LGBTQ+ ?
Et au Québec, où nous avons la possibilité de sélectionner nos réfugié.e.s, le gouvernement prendra-t-il les devants pour se poser comme leader sur les questions de diversité et d’inclusion, comme le suggère le nom de son ministère ? On a encore « des croûtes à manger », pour le dire simplement, et même dans la communauté LGBTQ+ elle-même, où plusieurs préjugés subsistent quant aux personnes immigrantes et réfugiées. Nous aurons la chance d’en discuter et de trouver des solutions, je l’espère, lors des grandes conférences de Fierté Canada Pride 2017 cet été…
Marie-Pier Boisvert, directrice générale du CONSEIL QUÉBÉCOIS LGBT
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