En 2001, quand le président Bush a déclaré la guerre sans fin, il avait parlé d’une « croisade », ce qui n’était pas passé dans l’oreille de sourds. En Palestine occupée, en Irak, en Syrie, en Égypte, on sait ce que ce mot veut dire. Plusieurs fois dans l’histoire, les pays occidentaux se sont lancés à l’assaut du Moyen-Orient, soi-disant pour les civiliser. La France et l’Angleterre, par ailleurs, ont voulu aussi instaurer la « démocratie » contre les Indiens, les Soudanais et les Algériens. Par la suite, les États-Unis se sont permis des incursions meurtrières en Afghanistan, puis en Irak, tout en soutenant à coups de milliards l’occupation israélienne de la Palestine. Ces peuples se sont soulevés, et se soulèvent encore. Et alors, on dit que ce sont les « sauvages musulmans ». Cet orientalisme de pacotille sert de matrice à un discours raciste et impérialiste qui continue jusqu’à ce jour.
Effet du temps, l’islamophobie dernier cri se pare du drapeau du « droit des femmes » et des droits en général. C’est grotesque, voyez ce qui se passe pour les femmes et les peuples dans des pays bien chrétiens comme la Colombie, le Mexique, l’Afrique du Sud. Mais peu importe, ce qui ressort, y compris des intellectuels de service comme Christian Rioux du Devoir, c’est l’idée que l’islam est une machine à opprimer et à tuer, jusque dans son cadre génétique.
Récemment aux États-Unis, une vaste étude recensait les attaques contre les homosexuels. Devinez quoi ? Ce sont en grande majorité des militants d’extrême-droite venant des chrétiens évangéliques, qui sont impliqués… Des brimades contre les gais sont chose courante à Jérusalem où les juifs intégristes font la loi. Sans compter les bons chrétiens russes ou ukrainiens. Ce n’est pas grave, on lit dans les pages du Devoir que l’islam menaçait les homosexuels.
Mon Dieu que la mémoire est courte. Il y a quelques décennies à peine, les Juifs étaient la cible de toutes les attaques (il y avait aussi les Témoins de Jéhovah). La grande (et la petite) presse, les élites politiques, les partis de droite et d’extrême droite affirmaient haut et fort que les Juifs étaient des ploutocrates qui affamaient le peuple, ou encore des communistes qui semaient la subversion. Dans mon bon collège classique d’élite, le Juif était une bête répugnante. Un certain nationalisme de droite identifié au Chanoine Lionel-Groulx, aux milieux ultramontains et à Maurice Duplessis, relançait ce cri de haine à longueur de journée.
Soyons sérieux maintenant. Nous sommes en pleine guerre dans ce vaste arc des crises qui traverse l’Asie et l’Afrique via le Moyen-Orient, et où des centaines de millions de personnes sont de confession musulmane. Ces populations sont généralement révoltées de ce qu’on leur fait subir au nom de la globalisation néolibérale. Elles ont une perception négative des États-Unis et de leurs alliés-subalternes comme le Canada. Vous seriez là, vous seriez musulman ou même pas, et vous seriez aussi très fâchés.
L’islamophobie, qui est une nouvelle forme de racisme, doit être combattue sans nuance. Comme l’antisémitisme à l’époque (que la gauche appelait le « socialisme des imbéciles » parce que le discours anti-juifs se proclamait souvent contre les « riches »). Parallèlement, les pratiques réactionnaires, anti-femmes et antipopulaires qui se déroulent dans des pays où la majorité de la population est musulmane, doivent être combattues avec vigueur. Vous rappellerez à Justin Trudeau la prochaine fois qu’il viendra se prendre en photo chez vous qu’on vend des armes pour tuer des gens à l’Arabie saoudite et à la Turquie, nos dignes alliés dans cette région du monde.