En parlant des journaux régionaux détenus par Gesca, André Desmarais a déclaré :
"Ils vont disparaître, (sinon)... Il faudra qu’ils aient des discussions sérieuses (...) en espérant pouvoir trouver une façon d’intégration aux tablettes ou développer une (stratégie) de survie à long terme."
Pouvez-vous imaginer votre Québec, votre région, sans les quotidiens Le Droit, La Voix de l’Est, La Tribune, Le Nouvelliste et Le Quotidien ? Pouvez-vous imaginer votre capitale provinciale, Québec, sans le quotidien Le Soleil ?
C’est pourtant l’avenir malheureusement trop possible qu’ont décrit les frères Desmarais lors de cette assemblée annuelle des actionnaires.
Concevez-vous un Québec informé depuis Montréal seulement ? L’apparente insensibilité de ces deux grands propriétaires de journaux aux besoins en information des citoyens de ces régions a de quoi étonner. L’économie de nos régions, leur vie culturelle qu’on découvre si active pour peu qu’on sorte de Montréal, leur vie sociale très riche et leurs relations tissées serrées, tout cela qui fait que le Québec est ce qu’il est, et dont parlent ces journaux tous les jours, ne serait-il qu’une marchandise ?
Que l’on se pose des questions de fond sur l’économie des médias, que l’on planifie les profonds bouleversements rendus nécessaires par l’omniprésence du numérique est inévitable et personne ne devrait mener de combat d’arrière-garde à ce sujet. L’avenir des médias est droit devant…pas ailleurs.
Mais il est difficile d’accepter que, lors d’une assemblée d’actionnaires où l’on discute de profits et de dividendes, on parle de rayer de la carte ces journaux qui sont, n’en doutez surtout pas, considérés comme essentiels par les citoyens qui les achètent et les lisent depuis des générations. Il est difficile d’accepter qu’une entreprise dont la rentabilité a été si longtemps et fidèlement soutenue par ces lecteurs qui tiennent à leur quotidien parle de décamper sans proposer des solutions concrètes de remplacement au journal imprimé en région.
Des dizaines de journalistes ont donné et donnent encore le meilleur d’eux-mêmes aux quotidiens du groupe Gesca. Si ces journalistes, aussi passionnés qu’aguerris, ne sont plus là, qui surveillera la manière dont l’argent durement gagné par les citoyens est dépensé par les municipalités, les ministères qui oeuvrent en région, les organismes publics ? Dans le contexte de corruption et de collusion que nous connaissons, avons-nous les moyens de nous priver de ces sentinelles de notre démocratie ?
L’information n’est pas une marchandise. Elle est un bien public essentiel. À côté des considérations économiques incontournables que nous connaissons, le monde marchand doit faire une place à son sens des responsabilités sociales.